Une mission d'information parlementaire sur la question des immigrés âgés a été officiellement lancée, mercredi 16 janvier, à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, le socialiste Claude Bartolone. Annoncée depuis le mois de novembre 2012, elle devrait rapidement commencer ses travaux. La présidence en a été confiée au député UMP Denis Jacquat et son rapporteur sera le socialiste Alexis Bachelay, élu des Hauts-de-Seine.
Alors qu'environ 350 000 personnes immigrées âgées de plus de 65 ans vivent en France dans des conditions de logement et d'isolement problématiques, M. Bartolone estime que leur sort constitue aujourd'hui un important problème "social" à résoudre.
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La mission peut en outre avoir une portée "symbolique pour les générations suivantes qui pourront voir comment la République traite leurs parents et grands-parents", a-t-il indiqué. Celle-ci devrait particulièrement se pencher sur la situation des immigrés arrivés après la seconde guerre mondiale. Souvent originaires du Maghreb, ils ont travaillé à la reconstruction de la France mais logent toujours dans les foyers construits pour eux à l'époque, et dont la plupart sont dans un état de délabrement avancé - les chambres mesurent en moyenne 7,5 m2. Un plan de rénovation a été lancé, mais il ne devrait pas être achevé avant au moins dix ans.
Accorder "automatiquement" à la nationalité française
Ces vieux "chibanis", comme on les appelle parfois, sont au nombre d'environ 50 000 en France. Ils ont souvent des retraites très modestes du fait de leur carrière hachée. Beaucoup ont occupé des emplois payés au noir pendant plusieurs années ; un grand nombre d'entre eux ont aussi dû arrêter de travailler précocement pour invalidité, à cause de la pénibilité des tâches auxquelles ils ont été affectés plus jeunes.
L'ambition de la mission n'est pas de se cantonner à leur sort, qui fut déjà l'objet d'actions ciblées par le passé, prévient-on au cabinet de M. Bartolone. Plus de 50 % des immigrés âgés sont en effet des femmes, et les parlementaires pourraient aussi se pencher sur leur cas. Ces dernières ont souvent rejoint leur mari tardivement en France. Beaucoup parlent mal le français et, au décès de leur conjoint, "elles se retrouvent totalement isolées et sans ressources", détaille-t-on.
Pour faciliter "l'intégration" de cette frange de la population, plusieurs pistes devraient être examinées. L'une d'entre elles pourrait susciter un vif débat. M. Bartolone assure en effet envisager que soit proposée dans le rapport final de la mission la possibilité d'accorder "automatiquement" la nationalité française à toute personne qui pourrait justifier de vingt-cinq ans de présence en France.
L'autre point qui pourrait provoquer des échanges musclés avec l'opposition concerne la "portabilité" des droits. Aujourd'hui, les immigrés les plus âgés ne peuvent bénéficier d'une aide au logement, de l'assurance-maladie ou de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) que s'ils justifient résider en France un certain nombre de mois par an.
QUESTIONS MÉMORIELLES
Une loi votée en 2007 portée par Jean-Louis Borloo, alors ministre des finances, de l'économie et de l'emploi, devait lever cette condition pour ceux qui souhaitent finir leur vie dans leur pays. Mais les décrets d'application n'en ont jamais été publiés. En décembre 2012, lors du déplacement de François Hollande en Algérie, le président de l'Union des démocrates indépendants (UDI) a interpellé sur ce point le chef de l'Etat.
La mission parlementaire devrait par ailleurs se pencher sur la question des carrés musulmans dans les cimetières afin que davantage d'espace leur soit éventuellement accordé. L'opportunité de servir des repas halal dans les maisons de retraite ou d'abaisser le coût des offres bancaires de rapatriement des corps dans le pays d'origine devrait aussi être examinée par les élus.
Les parlementaires devraient enfin s'attarder sur les questions mémorielles. Il pourrait ainsi être proposé que soit à l'avenir valorisée dans les manuels scolaires d'histoire la participation des immigrés à la croissance économique de la France dans les années 1950-1960, notamment dans l'industrie.
"Nous ne souhaitons pas accoucher d'une souris", prévient-on au cabinet de M. Bartolone. La mission d'information dont les travaux devraient être terminés "d'ici l'été" pourrait déboucher sur un projet de loi ou un décret.
18.01.2013, Elise Vincent
Source : Le Monde