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Droit de vote des étrangers : un compromis sans compromission

Le président de la République l’a rappelé : si la gauche est majoritaire à l’Assemblée nationale et au Sénat, ce qui est une première sous la Ve République, elle ne l’est pas au Congrès où la majorité des 3/5e est requise. Il est donc impératif de convaincre une cinquantaine de membres de l’opposition de rallier la proposition issue de la gauche d’accorder aux étrangers le droit de vote aux élections municipales, soit en la soutenant, soit en ne s’y opposant pas.

Pour cela un compromis est nécessaire, nombre de parlementaires de droite et du centre ayant déjà exprimé leur désaccord avec la proposition de loi constitutionnelle telle qu’elle avait été adoptée par le Sénat en novembre 2011, et qui prévoyait que «le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France».

Mais si un compromis est nécessaire, il ne doit pas être synonyme de compromission. A cet égard, trois leviers peuvent être actionnés simultanément : le premier porte sur le nombre de ressortissants étrangers appelés à bénéficier du droit de vote ; le deuxième sur la portée de ce nouveau droit ; le troisième sur le moment de sa mise en œuvre.

Sur le premier point, le constituant s’inspirerait utilement du modèle britannique. Le Royaume-Uni accorde le droit de vote aux élections municipales aux seuls ressortissants du Commonwealth. Or, si la France n’a pas gardé avec ses anciennes colonies de liens identiques à ceux de la couronne d’Angleterre avec son empire, elle dispose d’un formidable réseau de proximité fondé sur l’adhésion volontaire au travers de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) qui regroupe 57 pays ayant le français en commun. Parmi ceux-ci figurent par exemple le Sénégal, le Maroc ou la Tunisie qui ont une importante population immigrée en France. En accordant le droit de vote aux élections municipales aux ressortissants des Etats membres de cette organisation qui, de fait, possèdent un lien linguistique et historique tout particulier avec la France, Paris marquerait son attachement à leur intégration dans la vie démocratique locale, tout en mettant en avant les valeurs universelles qui sont au cœur de la francophonie.

Le deuxième levier consisterait à ne retenir dans la Constitution que le droit de vote, et uniquement le droit de vote, à l’exclusion du droit d’éligibilité. Ainsi les ressortissants des Etats membres de l’OIF pourraient-ils voter, mais ne pourraient pas être élus municipaux. Cela aurait l’avantage de priver de tout fondement deux arguments qui reviennent sur les bancs de la droite. Celui du vote communautariste d’abord, puisqu’il n’existerait aucun risque que des étrangers votent sur le fondement de la nationalité des candidats. Celui de la dissolution de la citoyenneté européenne ensuite, puisque là où les résidents communautaires peuvent voter et être élus, les citoyens extracommunautaires ne pourraient que voter. Mais cela laisserait intact l’objectif poursuivi par les défenseurs du droit de vote, puisque c’est l’intégration par la participation civique qui importe, et donc la démarche même du vote, et non la possibilité d’être élu.

Enfin le troisième point, et qui n’est pas le moindre du point de vue politique, concerne la date d’entrée en vigueur de ce nouveau droit. En effet, à l’évidence, personne, ni à droite ni au centre, n’apportera sur un plateau à la majorité gouvernementale avant les élections municipales de 2014 un électorat qu’elle estime, à tort ou à raison, lui être tout acquis. C’est pourquoi le nouveau dispositif n’aurait de chance d’aboutir que s’il est envisagé de ne l’appliquer qu’aux élections municipales suivantes.

Comme tout compromis, si toutefois il était accepté, il n’aura pas l’heur de satisfaire pleinement les promoteurs du droit de vote des étrangers aux élections locales. Mais la pureté de l’idéal poursuivi doit-elle s’opposer à un commencement d’exécution fut-il imparfait ? D’autant que cette limitation initiale n’obérerait en rien une extension de ce droit à l’ensemble des étrangers à l’avenir. Au contraire même, puisque cette solution aurait au moins l’avantage de démontrer, fut-ce à une échelle restreinte, que la participation des étrangers résidant habituellement en France à la vie de la cité constituerait précisément un gage de leur intégration républicaine, en vue surtout d’une éventuelle acquisition de la nationalité française. Elle montrerait en outre que si, dans certains cas, l’intégration doit être un préalable à l’obtention de droits, dans d’autres, c’est bien l’octroi de droits qui participe en lui-même de l’intégration.

17 janvier 2013 , HUBERT LESAFFRE

Source : Libération

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