vendredi 5 juillet 2024 00:21

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Entretien avec l’ambassadeur du Maroc en France Chakib Benmoussa

Dans cet entretien exclusif avec l'ambassadeur du Maroc en France réalisé par notre confère Rachid Wahib, directeur de «Maghreb info», Chakib Benmoussa, récemment nommé à ce poste, aborde différentes questions relatives notamment aux relations entre le Maroc et la France, les Marocains résidant à l'étranger...

Monsieur l'ambassadeur, d'année en année, la France a perdu des points dans ses relations économiques avec le Maroc. Que pourrait faire ce partenaire historique du Royaume pour se rattraper et comment se portent aujourd'hui, selon vous, les relations entre la France et le Maroc ?

Chakib Benmoussa: je voudrais tout d'abord commencer par signaler qu'effectivement ma nomination (au poste d'ambassadeur du Maroc en France) est très récente. Elle date, en fait, du 9 mars 2013, et j'ai pris mes fonctions quelques jours après. Juste après, il y a eu la visite d'Etat du président de la République française, François Hollande au Maroc et pendant laquelle il a été accueilli par SM le Roi Mohammed VI et qui a permis de réaffirmer la qualité des relations entre la France et le Maroc et l'intensité de ces relations. La France reste le premier partenaire économique du Royaume même si en 2012 en tant que fournisseur du Maroc, elle a passé à la deuxième place. Je crois que cela crée une certaine émulation qui devrait permettre de se mobiliser et de renouveler ces relations particulières entre le Maroc et la France, qui ont besoin, bien sûr, de s'appuyer sur leurs qualités, mais aussi de se projeter dans l'avenir et donc de s'inscrire dans une dynamique de construction et de renforcement de ces relations dans les années à venir.

La récente visite du président François Hollande au Maroc a-t-elle apporté du nouveau dans les relations franco-marocaines et quelles sont, selon vous, les nouvelles possibilités de croissance entre les deux pays ?

D'abord, elle a réaffirmé d'une manière extrêmement solennelle la qualité de cette relation au plus haut niveau entre SM le Roi et le président de la République française. Elle a tracé aussi une feuille de route dans les domaines politique, économique et culturel. Elle a également souligné la place particulière que la communauté marocaine résidant en France a aussi bien par rapport à l'intérêt que lui porte le Maroc pour défendre ses droits et son intégration dans la société française que le souci de la partie française de s'inscrire dans cette même logique. Donc, plusieurs accords ont été signés au cours de cette visite, et un mécanisme de suivi a été mis en place entre les deux ministères des Affaires étrangères et qui permettrait de s'assurer que l'ensemble de ces accords signés pourront entrer en application avec ce souci, comme je l'ai souligné, de renforcer, la dimension économique en s'appuyant sur tout le réseau des PME-PMI et en créant les conditions pour que ces PME-PMI se rencontrent et développent des partenariats avec ce nouveau slogan-concept développé aujourd'hui de colocalisation avec aussi cette idée que le Maroc pourra être un hub pour renforcer le développement en Afrique dans certains domaines stratégiques que le Maroc a identifiés comme étant des secteurs porteurs pour permettre de renforcer ce développement et ce partenariat stratégique. Mais je dirais la même chose dans le domaine culturel. Là aussi, beaucoup d'actions ont été identifiées dans le domaine particulier de la formation et de l'éducation puisqu'un certain nombre d'accords ont été signés pour renforcer la présence d'écoles, d'universités au Maroc, et même permettre à des jeunes Marocains d'accéder à une formation de qualité dans les domaines où les besoins du Maroc sont extrêmement importants.

Quels sont les efforts du gouvernement marocain pour améliorer l'environnement des affaires? Sachant que beaucoup d'investisseurs français et étrangers demandent beaucoup plus de souplesse pour simplifier les procédures administratives et bureaucratiques qui les découragent tant, souvent à cause de leur complexité?

Je crois que la simplification des procédures est un sujet qui se pose malgré les efforts deployés par le Maroc à chaque fois qu'on passe à un nouveau palier. Le contexte fait qu'il faut poursuivre ces efforts pour améliorer davantage cet environnement. Le Maroc a mis en place une commission nationale d'amélioration de l'environnement des affaires qui regroupe le gouvernement et les opérateurs économiques et qui se penche aujourd'hui sur un certain nombre de problématiques qui sont posées et qui sont liées aussi bien à la dimension juridique et la justice qu'à la réglemention et aux textes de lois et à la dimension procédurale et la mise en œuvre avec l'idée aussi de e-governement à travers les nouvelles technologies. Un certain nombre de procédures peuvent être simplifiées et permettre en les dématérialisant de les rendre beaucoup plus faciles et beaucoup plus opposables aux tiers et aussi réduire les délais de manière drastique. Il y a des efforts qui ont été faits et il y a certainement des choses à faire puisque cette commission a présenté récemment un premier rapport et des premiers engagements ont été pris au niveau du gouvernement pour travailler sur les axes identifiés. Ce sont les axes d'amélioration pour faire encore mieux.

Vous avez souligné dernièrement que le Maroc est un pays en mouvement et qu'il a défini un cap et une vision dans chacun de ces domaines en notant que si certaines réformes sont avancées, et que d'autres sont en perspective, c'est le débat autour de ces réformes qui permet de les faire avancer de la manière la plus consensuelle possible. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Je peux confirmer qu'effectivement dans beaucoup de domaines des réformes, à regarder en arrière, on se rend compte du chemin parcouru que ce soit dans le domaine politique, économique, social ou culturel. Maintenant on a un nouveau cadre, une nouvelle Constitution et aussi de nouvelles perspectives, puisqu'elle a abordé et accordé de nouveaux droits et cela doit se traduire aussi dans de nouveaux textes et de nouvelles lois. Ce processus est actuellement en cours. Et ce que je voulais souligner, c'est que ce processus au-delà bien sûr du rôle et de la place des institutions dans la validation et l'approbation de ces textes de lois et ces réglementations, il est important que la société civile y soit associée parce que cela peut aider à travers les débats à créer les conditions de réussite de ces réformes. J'ai en tête l'exemple du Conseil économique, social et environnemental qui est en fait un forum où se retrouvent différentes catégories appartenant à la société civile, que ce soit du monde de l'entreprise, du monde syndical ou associatif ou également des experts. Toutes ces catégories arrivent à débattre de sujets qui concernent le développement économique, la compétitivité et la croissance économique, mais aussi des sujets qui sont en lien avec la cohésion sociale et avec toutes les transformations sociales qu'il convient de soutenir et d'accompagner au niveau du Maroc. Elles peuvent également se pencher sur des sujets en liaison avec le développement durable et les problématiques liées à l'environnement. On se rend compte que ces forums et ces espaces apportent une valeur ajoutée, parce que ça permet à travers des regards croisés entre plusieurs catégories de la société civile de présenter des propositions et des recommandations qui souvent facilitent la mise en œuvre de ces réformes et sont parfois très originales et très intéressantes.

Une question qui nous est posée le plus souvent : y a-t-il du nouveau concernant les MRE qui veulent rentrer définitivement au pays?

Le Maroc accompagne la communauté marocaine installée à l'étranger pour maintenir et renforcer les liens qu'elle peut avoir avec le Maroc. Que cela soit pour investir au Maroc, ou pour revenir définitivement pour ceux qui le souhaitent ou que cela soit tout simplement pour renforcer le lien culturel avec leur pays d'origine et multiplier les réseaux de compétences et d'échanges qui permettent de faire en sorte que ces liens restent extrêmement vivants et forts. Et dans ces différents domaines et au plus haut de l'Etat puisque SM le Roi suit particulièrement le dossier de la communauté marocaine résidant à l'étranger directement et à travers la Fondation Mohammed V, un certain nombre d'actions sont initiées dans ce sens pour favoriser ce lien permanent qui doit exister avec cette communauté, et également pour défendre ses droits et ses intérêts dans les pays d'accueil.

Que fait l'Etat pour faire revenir les cerveaux qui sont à l'étranger et dont le Maroc a vraiment besoin ?

Je crois qu'il faut aborder cette perspective d'une manière différente. Aujourd'hui, le Maroc est en compétition, je dirais, dans sa capacité à attirer les compétences pour qu'elles puissent revenir et travailler au Maroc. L'on est dans une relation de compétition avec d'autres pays et l'on demande une visibilité quant aux stratégies économiques que le Maroc développe en renforçant des pôles de recherche et des pôles universitaires, en favorisant parfois des partenariats entre les compétences installées à l'étranger et celles qui sont au Maroc. Je crois qu'on peut créer des conditions plus favorables pour qu'un certain nombre de ces compétences puissent assurer leur retour ou leur installation définitive au Maroc, et si ce n'est pas le cas, au moins envisager à travers networking et des partenariats qui peuvent être développés, de travailler en coopération avec ceux qui sont installés dans notre pays.

Vous êtes arrivé à un moment où la situation internationale et économique dans le monde connaît beaucoup de problèmes. Votre mission doit être, pour vous, un vrai défi...

Chaque mission porte en soi une nouvelle ambition. En fait, cette ambition doit partir de la force des relations particulières qui lient aujourd'hui le Maroc et la France pour essayer de contribuer à construire un avenir meilleur. Et je crois que les périodes difficiles comportent parfois des opportunités qu'il convient de rechercher et de développer.

1/6/2013, Rachid Wahib

Source : Libération

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