vendredi 5 juillet 2024 00:24

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L’Institut du monde arabe fête ses 25 ans en musique

Autour de son festival consacré à l'oud et de sa riche collection de disques, l'Institut du monde arabe fête en beauté ses 25 ans.

Les Aventures du Prince Ahmed, pure merveille de poésie illusionniste, est le premier long métrage d'animation de l'histoire du cinéma. Conçu en 1926 par la réalisatrice allemande Lotte Reiniger à l'aide de silhouettes de papier, ce film inspiré des Mille et une Nuits fait aujourd'hui l'objet d'une édition rénovée en DVD, assortie d'un nouvel accompagnement sonore dû aux frères Khoury, trois musiciens jordaniens. Une parution de prestige à double entrée – la musique étant aussi consignée sur un CD – que produit l'Institut du monde arabe, au moment où cette encore jeune institution fête son vingt-cinquième anniversaire.

Heureux hasard des chiffres ronds, il y a tout juste vingt ans, l'IMA lançait une collection de disques dont la soixantième référence se trouve être ces Aventures qui raniment sous nos yeux l'enchantement propre au conte oriental, avec cheval qui vole et prince contraint de délivrer une belle promise séquestrée au moyen d'une lampe magique.

Pour Dorothée Engel et Rabah Mezouane, chargés de la collection, si l'intervention de forces surnaturelles n'est pas totalement à exclure dans la poursuite heureuse de leur aventure phonographique, il est manifeste que celle-ci aurait été bien impossible à mettre en oeuvre sans une certaine dose de rigueur. "A l'origine, il y a une réflexion très pragmatique, souligne Dorothée Engel. Il s'agissait à la fois de rentabiliser les concerts que nous organisons à l'IMA et de promouvoir des artistes qui ne se produisent jamais, ou rarement, en France."

Car dans le catalogue aujourd'hui bien étoffé du label, Les Aventures du Prince Ahmed font un peu bande à part, l'essentiel de la manne sonore utilisée pour nourrir les disques provenant de récitals enregistrés dans l'auditorium de l'IMA, l'un des plus performants de France depuis sa rénovation. La programmation couvre un vaste espace culturel qui, de l'Afrique du Nord à l'Asie centrale, passe par des régions peu fréquentées, où se perpétuent des traditions mal documentées comme les tambours nubiens du Soudan, le sawt du Koweit et de Bahreïn ou les chants de Sanaa au Yemen.

Dans le top des ventes de la collection figure le bluesman soudanais Abdel Gadir Salim, dont le répertoire, peu préoccupé de vertu religieuse, irrite fortement le gouvernement islamiste de Khartoum. Alors qu'y cohabitent chants coptes d'Egypte et tambours sacrés marrakchis, la veine profane de la série fut ainsi continuellement sustentée. En 1994, le concert de Cheikha Rimitti la scandaleuse a généré une autre référence vedette du catalogue, hélas épuisée aujourd'hui, tout en marquant un tournant décisif. "Il y a eu des grincements de dents. Rimitti sur la scène de l'IMA, c'était comme Nina Hagen ou Beth Ditto au Palais Garnier !", se souvient Rabah Mezouane.

Or la fonction symbolique de cette collection ne consiste-t-elle pas justement à porter l'idée d'ouverture et de transgression au coeur même d'un sanctuaire tel que l'IMA ? "Fixer la tradition et la transgresser !", répond Dorothée Engel. A l'IMA, le concept architectural moucharabieh a ouvert un volet à tous les vents de l'aventure et de la redécouverte, permettant entre autres au vieux maître marocain, et oublié, de la musique arabo-andalouse, Abdelkrim Rais, de renaître, un peu comme un génie sortant d'une lampe magique.

13/06/2013

Source : Les inRock

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