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France : le débat sur l'immigration en voie d'apaisement

Retour sur A l'occasion d'un débat sans vote devant les députés, Manuel Valls a confirmé la création d'un titre de séjour pluriannuel qui permettra aux étrangers salariés et étudiants de passer «d'une logique de précarité à une logique d'intégration».

Si le climat d'apaisement autour de l'immigration devait se mesurer à l'intérêt des parlementaires pour le sujet, alors nous sommes proches de la concorde nationale. Hier après-midi sept députés étaient présents pour le débat sans vote (le premier du genre) consacré à l'immigration professionnelle et étudiante. Au terme des échanges, trois heures plus tard, ils étaient une dizaine... Même le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a évoqué «un débat apaisé, apaisant, peut-être trop», tout en se satisfaisant de s'être éloigné des erreurs du passé, «des déclarations fracassantes, des décisions incohérentes et des flux migratoires inchangés».

Après le débat au Sénat fin avril, celui devant les députés se veut le prélude au projet de loi sur l'immigration qui devrait être présenté à l'automne. Ce texte marquera la fin de «la première étape», comme l'a expliqué la place Beauvau à l'occasion d'une rencontre avec quelques journalistes, de la politique gouvernementale en matière d'immigration jusqu'ici constituée de circulaires et de décrets. Ces douze premiers mois ont aussi servi aux services de Manuel Valls à rencontrer les principaux acteurs associatifs de ce secteur.

Dans l'hémycicle, Manuel Valls a répété sa volonté «de ne rien concéder à celui qui veut faire de l'étranger le responsable des maux de la société française». En marge du débat, un de ses conseillers ne se fait toutefois pas d'illusions : «Le sujet va revenir à l'occasion des municipales.» Le ministre de l'Intérieur a aussi martelé sa «détermination à faire preuve de fermeté contre l'immigration irrégulière».

Plus de régularisations que d'expulsions

D'après les chiffres qui commencent à remonter des préfectures à la moitié de l'année, le nombre d'éloignements forcés pour 2013 devrait tourner autour de 20 000 soit moins qu'en 2012 (38 000). Cela s'explique en partie par la suppression de l'aide au retour des Roms dont le nombre d'expulsables va diminuer. La place Beauvau a par ailleurs indiqué que le nombre de régularisations en 2012 s'est élevé à 36 000, à rapporter des 30 000 environ les années précédentes.

Une des grandes innovations du projet de loi sera la création d'un titre de séjour pluriannuel, «afin de passer d'une logique de précarité à une logique d'intégration». L'étranger qui sera admis à rentrer en France bénéficiera d'un visa valable pendant un an, qui pourra être transfirmé en un titre de séjour jusqu'à la quatrième année, lui-même renouvela jusqu'à la dixième année. Jusqu'alors de nombreux titres devaient faire l'objet d'un renouvellement tous les ans, plongeant leurs titulaires dans une angoisse permanente et une difficulté à construire leur avenir.

Ainsi alors que la France compte 3,7 millions d'étrangers elle enregistre 5 millions de passages en préfecture. Pour un taux de renouvellement de 99%, ce qui témoigne de l'inutilité de l'immense majorité de ces convocations. Et ce taux n'a pas diminué sous la droite, preuve qu'au-delà des discours musclés, la plupart des étrangers vivant sous l'ère Sarkozy parvenaient à s'installer durablement en France.

Adoucissement pour les étudiants

En présence de Genevière Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, Manuel Valls a expliqué qu'une nouvelle circulaire adoptée le 10 juin permet déjà aux étudiants en master et en doctorat d'obtenir un titre de séjour d'une durée correspondante à celle de leur curcus. Des vérifications sur l'assiduité et les résultats valideront toutefois le maintien de ce sésame. «Mais il s'agit de renverser la charge de la preuve: ce n'est plus à l'étudiant de démontrer qu'il respecte ce qu'il a affirmé lors de son entrée sur le territoire, mais à l'administration de prouver qu'il s'est mis en faute.»

L'immigration étudiante représente un tiers de l'immigration économique en France. Le nombre d'étudiants dans le monde a doublé entre 2005 et 2012, et devrait encore doubler d'ici 2020, passant de 4 à 8 millions. «Le monde ne nous attendra pas, or la France est en perte de vitesse, c'est extraordinairement inquiétant à moyen terme», explique un conseiller de Manuel Valls, inquiet de la baisse de 10% d'étudiants étrangers en France en 2012 en raison de la circulaire Guéant que le nouveau gouvernement a abrogé dès le 31 mai 2012. La France compte environ 300 000 étudiants étrangers mais peu en provenance des pays dits émergents (30 000 Chinois, 5 500 Coréens, 3000 Indiens).

Il en ira de même pour le salariés entrés au titre de l'immigration professionnelle dont le nombre devrait s'établir autour de 20 000 par an. Leur nombre ne sera pas supérieur car les délivrances des titres de séjour restent assez complexes et conditionnées aux autorisations de travail.

«J'espère que vous réussirez»

Parmi les députés présents, certains, dont Sandrine Mazetier, en charge de l'immigration au Parti socialiste, ont regretté que l'immigration familiale n'entre pas dans le périmètre du projet de loi «car cette immigration a un accès direct au travail». Elle a plaidé pour «une suppresion de l'autorisation de travail». C'est une sorte de règle «historique» en France qui veut que l'immigration familiale soit prioritaire et organisée selon des modalités différentes de celle issue du travail.

En attendant de remonter au front à l'appoche de prochaines échéances électorales, Thierry Mariani (UMP) a de façon assez cocasse et désabusée admis que, concernant l'immigration professionnelle (baptisée «immigration choisie» par Nicolas Sarkozy), «nous n'avons pas réussi». La carte Compétence et talents, créée par l'ancienne majorité, a concerné 300 personnes, et celle délivrée au titre d'une «compétence économique exceptionnelle»... 3 personnes. «J'espère que vous réussirez», a-t-il même lancé à Manuel Valls qui a dû savourer cet encouragement de la part d'un des traditionnels fers de lance de la droite en matière d'immigration.

14 juin 2013, FABRICE TASSEL

Source : Libération

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