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Les immigrés sont majoritairement des femmes

En un siècle, le profil de la population immigrée a profondément changé. Décryptage avec Cris Beauchemin, chercheur à l'INED et spécialiste des questions d'immigration.

C'est un fait, l'immigration en France compte désormais plus de femmes que d'hommes. Selon l'enquête "Trajectoire et Origines" réalisée en 2008 par l'Institut National des Etudes Démographiques (INED) et par l'Institut National des Statistiques et Etudes Economiques (INSEE), la population immigrée compte 51% de femmes en France Métropolitaine et même 65% pour les immigrés venus de pays de l'Union Européenne (hors Portugal, Espagne, Italie). Et même au sein des populations immigrées où les hommes demeurent majoritaires, ce n'est que d'une courte tête (54% d'hommes chez les Turcs et 52% chez les Marocains et Tunisiens). Le temps de l'immigration masculine et économique est désormais révolu.

Les femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les immigrés qui entrent en France pour étudier ou travailler. Combien de femmes demeurent encore concernées par le regroupement familial?

Au début des années 1970, elles représentaient seulement 28% des immigrés entrés pour étudier. Entre 1998 et 2008, la proportion est passée à 51%. Pour autant, les migrations familiales concernent encore 44% des femmes arrivées entre 1998 et 2008. Cela englobe à la fois les femmes dont le conjoint est immigré étranger et celles dont le conjoint est français.

Avant 1983, 1 étudiant immigré sur 4 était une étudiante. Après 1998 on passe à 1 sur 2. Comment expliquer cette évolution?

Les femmes ont eu progressivement un accès plus facile à l'enseignement supérieur dans de nombreux pays d'origine. Malgré cela, les inégalités demeurent importantes dans l'éducation entre filles et garçons. De manière générale, celles et ceux qui viennent ont déjà entamé leurs études chez eux. Les femmes, comme les hommes, arrivent plutôt pour une maitrise ou un doctorat, pour approfondir leurs études initiales.

En quoi la crise économique modifie-t-elle le modèle migratoire?

En période de crise économique, on fait moins appel aux travailleurs. Et certains rentrent dans leur pays d'origine. Par ailleurs, ceux qui restent sont, en général, sont ceux qui ont déjà fait venir leur famille ou qui s'apprêtent à le faire. En période de récession ou de stagnation économique, il y a donc une tendance à l'équilibre entre hommes et femmes. On l'a observé dans le passé-par exemple à l'époque de la crise des années 30-aussi bien en France qu'aux Etats-Unis. Il est possible que le même mécanisme soit à l'œuvre dans la crise actuelle.

Quel est le pourcentage de femmes "autonomes" selon leur pays d'origine?

Quand on parle de migrations "autonomes", on parle en fait de migrations de célibataires ou de personnes qui laissent leur conjoint dans le pays d'origine. Dans les années 1970, ce type de migration concernait surtout les hommes. Les femmes représentaient seulement 23% des migrants célibataires entre 1966 et 1974. Entre 1998 et 2008, la proportion est passée à 47%. C'est parmi les femmes originaires d'Afrique subsahariennes, que les migrants "autonomes" sont les plus nombreuses: elles représentent 53% des femmes issues des pays d'Afrique centrale ou du golfe de Guinée. Ce qui montre bien que la migration africaine féminine n'est pas simplement une migration passive de femmes "regroupées".

La France attire-t-elle plus de femmes que ses voisins européens?

Dans les pays d'immigration récente, comme l'Espagne et l'Italie, il y a encore un peu plus d'hommes que de femmes. Mais celles-ci sont majoritaires dans certains groupes, par exemple les personnes originaires d'Amérique du Sud.

Les travailleuses immigrées, après leurs études, obtiennent-elles des postes-clé dans les entreprises en France?

Notre étude ne permet pas de répondre directement. De manière générale, on sait que les immigrés sont rarement employés à leur niveau de qualification, ou seulement après plusieurs années de séjour.

Est-ce que l'immigration change les rapports entre les hommes et les femmes immigrés?

Oui, sans doute. On l'observe par exemple en matière d'éducation. Parmi les immigrés, on note souvent des écarts importants dans les niveaux d'études entre femmes et hommes, ces derniers étant souvent plus instruits lorsqu'ils arrivent. Mais chez leurs enfants la situation s'inverse. Les filles nées en France deviennent davantage diplômées que les garçons.

Les Français ont-ils une idée fausse de l'immigration?

Oui, à bien des égards. Les immigrées, par exemple, sont souvent vues comme des migrantes passives, des femmes dépendantes qui suivent leur conjoint. Mais aujourd'hui il existe un rapprochement des profils hommes/femmes et les hommes sont maintenant nombreux à suivre leur conjointe. Autre exemple d'idée convenue: l'immigration d'Afrique subsaharienne serait massive. Or celle-ci reste minoritaire: les Africains ne représentent que 13% des immigrés de 18-50 ans présents en France en 2008. Les images spectaculaires des pirogues au large des côtes, mises en avant par les médias ne contribuent pas forcément à faire avancer le débat public.

04/07/2013, Vincent Boyajean,

Source : L'Express

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