vendredi 5 juillet 2024 02:20

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Délit de solidarité : «Aider des sans-papiers ne doit pas être passible de poursuites»

Un ancien bénévole de la Croix Rouge, Léopold Jacquens, est jugé ce mardi au Havre pour avoir établi une fausse attestation d'hébergement pour une Congolaise sans-papiers. Le délit de solidarité a pourtant été abrogé en décembre 2012. Entretien avec Jacques Montacié, avocat et secrétaire général de la Ligue des droits de l'homme.

Avez-vous connaissance d'autres cas de bénévoles qui ont eu des ennuis avec la justice ?

On en a moins eu depuis quelques temps. Avec l'abrogation du délit de solidarité en 2012, les choses s'étaient calmées, mais là, ça recommence, on a eu un certain nombre d'affaires.

Le délit de solidarité a été abrogé en décembre 2012. La mise en cause de Léopold Jacquens pour faux et usage de faux, alors qu'il avait établi un certificat d'hébergement pour une femme sans-papiers, est-elle un moyen détourné de le faire revivre ?

C'est effectivement un détournement. Typiquement, avant, un bénévole qui venait, dans le cadre de son investissement, en aide à une personne sans-papiers, soit en lui fournissant un soutien juridique, un hébergement, etc. était soumis au délit de solidarité. Il s'agissait de punir. Aujourd'hui, même si la loi a été abrogée en 2012, vous êtes toujours pénalisé, qu'il s'agisse d'une aide directe ou indirecte. Il y a deux critères : soit vous venez en aide à une personne sans-papiers avec une contrepartie, soit sans contrepartie. Le critère qu'on a défendu, c'est que le principe de contrepartie fonde les réseaux qui font du trafic, avec pour objet de promettre monts et merveilles, par exemple un passage vers l'Angleterre, en échange de sommes d'argent. Nous, nous voulons combattre cela.

Léopold Jacquens n'est pas visé parce qu'il a aidé une personne en situation irrégulière. On est allé chercher un autre délit. Mais si on poursuivait tous ceux qui font de fausses attestations, on aurait beaucoup de monde dans les tribunaux ! Au final, même si le délit de solidarité a été abrogé, le but reste le même. Nous en appelons au législateur pour dire clairement qu'aider des sans-papiers ne doit pas être passible de poursuites.

La situation ne s'est-elle pas améliorée avec l'arrivée de la gauche au pouvoir ?

On ne peut pas dire que rien n'a changé mais il y a beaucoup de déception sur le changement qui était attendu. La circulaire dite de régularisation, intervenue en décembre 2012, a restreint les attentes qu'on pouvait avoir. Elle n'a rien résolu des problèmes de décisions arbitraires, que l'on rencontre dans certaines préfectures.

Vous estimez donc que les décisions préfectorales de régularisation sont de l'ordre de l'arbitraire ?

Tant qu'il n'y aura pas un travail de fond pour harmoniser la manière dont on reçoit les personnes à régulariser et les documents qu'on leur demande, on aura toujours un système qui consiste à donner à certains des titres de séjour sur on ne sait quels critères, et pas à d'autres. C'est de l'ordre de l'arbitraire. Les éléments sur lesquels nous basons nos constats sont souvent des aberrations. En tous cas, nous sommes loin d'un système républicain.

Constatez-vous des différences de traitement en fonction de la couleur politique des instances locales dont dépendent les préfectures ?

Les préfectures n'agissent pas en fonction de leur couleur politique. Mais il y a eu beaucoup d'affaires récemment, qui ont un écho particulier parce qu'elles incarnent une politique du passé. On a l'impression que les parquets ont parfois une nostalgie d'une forme de répression. Il faudra voir ce que le tribunal, dans le cas de Léopold Jacquens, répondra. Il n'est pas du tout sûr qu'il sera condamné. Gardons-nous d'affirmer que nous sommes dans un état qui condamne ceux qui viennent en aide aux étrangers. Laissons la porte ouverte aux appréciations du parquet. Malheureusement, au niveau politique, on a toujours tendance à limiter les réformes en ayant peur des conséquences électorales. C'est le reproche que nous faisons au gouvernement. Ce ne serait pas inutile, néanmoins, qu'une circulaire vienne rappeler ce que dit la loi : le délit de soldiarité a été abrogé, et ce serait embêtant de revenir là-dessus.

27 août 2013, KIM HULLOT-GUIOT

Source : Libération

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