vendredi 5 juillet 2024 02:17

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Québec: le projet de Charte des valeurs critiqué par les anciens présidents de la Commission sur les accommodements religieux

Les anciens co-présidents de la Commission sur les accommodements religieux au Québec, MM. Charles Taylor et Gérard Bouchard, ont vivement critiqué, mardi, les propositions présentées par le gouvernement dans le cadre de son projet de la Charte des valeurs québécoises.


Dans ce sens, M. Taylor a qualifié de "truquée" la neutralité de l'Etat qu'invoque le ministre des Institutions démocratiques et de la participation citoyenne, Bernard Drainville, pour imposer une telle Charte, soulignant que certaines propositions sont "injustes" envers les minorités.
"Le gouvernement québécois sera très ouvert au patrimonial pour les Québécois, mais très fermé pour les autres religions. C'est extrêmement injuste. C'est une neutralité truquée. C'est du deux poids, deux mesures" s'est indigné M. Taylor, ajoutant que ce texte propose une vision "ethnocentrique" de la religion.

Créée en février 2007, la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement liées aux différences culturelles et religieuses (connue sous le nom de la Commission Bouchard-Taylor), avait notamment proposé, dans son rapport publié en mai 2008, d'établir un livre blanc sur la laïcité, de promouvoir l'inter-culturalisme, de mieux intégrer les immigrants et de les protéger contre toute discrimination, ainsi que de limiter l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires aux employés investis d'un pouvoir dit d'"autorité", tels que les juges, les policiers et les procureurs de la Couronne.

Selon M. Taylor, le message envoyé par le projet de Charte aux nouveaux arrivants dans la province francophone et qui portent de signes religieux, sera perçu comme "une gifle en plein visage".
"Le message c'est: si vous pratiquez ce genre de religion, ne venez pas ici. Vous n'êtes pas égaux avec les autres. Et pour ceux qui sont venus sans savoir que cela allait arriver, cela va être encore pire. Ils se sentiront comme des citoyens de seconde zone. Pour moi, c'est inacceptable", a-t-il dénoncé, faisant remarquer que la société québécoise "risque d'en sortir profondément divisée".

Pour sa part, Gérard Bouchard, qui partage le même avis, a estimé que le gouvernement du Québec "ratisse trop large dans sa définition de la neutralité de l'Etat", ajoutant que ce projet va restreindre un droit fondamental sans s'appuyer sur un motif supérieur.

Ce texte vise essentiellement des minorités très spécifiques, explique-t-il, relevant l'existence d'une grande disproportion entre le droit qu'on veut supprimer et le motif invoqué.

"Cette interdiction du port des signes religieux ostentatoires va entraîner une fragmentation juridique du Québec surtout avec ce droit de retrait qui autoriserait à certaines institutions le port de ces signes religieux. Cela me paraît inacceptable du point de vue du droit", a-t-il affirmé, ajoutant que "cela va donner un feu vert aux municipalités et aux institutions pour se libérer de la loi".

Notant que "le projet risque de produire des effets contraires à ceux qu'il visait", M. Bouchard s'interroge sur l'utilité de ces échanges "houleux" sur des thèmes si "explosifs".

"A-t-on démontré que la culture québécoise est gravement menacée? En fait, on ne voit guère de feu à éteindre, sinon celui que le Parti Québécois (au pouvoir) s'est employé à allumer et avec lequel il pourrait se brûler", a-t-il martelé.

Avec ce projet, conclut-il, "on nous assurait qu'il respecterait les droits de tous les Québécois. C'est faux. Il va supprimer un droit fondamental en l'absence d'un motif suffisant, dresser des minorités contre la majorité et instituer une fracture néfaste au sein de notre société".

Le gouvernement québécois a dévoilé, mardi, son projet de la Charte des valeurs québécoise sous la forme de cinq propositions destinées notamment à consacrer la neutralité religieuse de l'Etat et à encadrer les accommodements et le port de signes religieux.

11 sept. 2013

Source : MAP

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