vendredi 5 juillet 2024 02:21

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Le gouvernement grec désarmé face aux néo-nazis

Après des années de tolérance vis-à-vis des néo-nazis d'Aube dorée, le gouvernement grec a aujourd'hui une marge de manoeuvre limitée pour faire taire un parti qui surfe sur la crise, la pauvreté et le discrédit de la classe politique.

Le meurtre d'un musicien antifasciste, Pavlos Fyssas, dans la nuit de mardi à mercredi près d'Athènes, par un militant d'Aube dorée, a alarmé la coalition droite-gauche au pouvoir depuis plus d'un an sous la houlette du Premier ministre conservateur Antonis Samaras.

Mais les analystes se demandent jusqu'où le gouvernement peut aller face à un parti qui en un an a presque doublé son score dans les intentions de vote, à environ 13% actuellement, et qui compte 18 députés (sur 300).

"Il y a deux lignes dans le gouvernement: ceux qui veulent vraiment agir contre Aube dorée, qu'ils voient comme une organisation criminelle, et ceux qui par opportunisme politique continuent de croire que sa présence en tant que parti d'extrême droite profite aux conservateurs", estime Dimitris Christopoulos, professeur adjoint de droit à l'Université Pantion à Athènes.

"L'essentiel est que la police et la justice fassent leur travail", explique-t-il à l'AFP.

Alors que la presse s'alarme d'une montée du fascisme et que les manifestations se multiplient pour dénoncer ce meurtre, le ministre de l'Ordre public Nikos Dendias a annoncé vendredi que ce sont désormais les services anti-terroristes qui mèneront l'enquête sur Aube dorée.

Il a également annoncé le durcissement des dispositions pénales face aux "organisations criminelles" et le transfert d'une trentaine de dossiers sur des violences perpétrées par Aube dorée à la cour suprême.

Mais les observateurs craignent que ces mesures soient "insuffisantes, voire superflues".

"Pourquoi a-t-il fallu ce drame pour que la justice se mette à faire son travail?", se demande M. Christopoulos, par ailleurs responsable de l'Union des droits de l'Homme. Il rappelle le dernier incident meurtrier perpétré par les néonazis: la mort, par coups de couteau, d'un immigrant pakistanais en janvier à Athènes.

"Il y a une tolérance à la violence, et le système politique agit de façon sélective", note pour sa part Sophia Vidali, criminologue à l'université de Thrace.

Hors la loi

"La violence ressort toujours en temps de crise, surtout dans des quartiers populaires comme celui de Keratsini (le lieu du meurtre), où le démantèlement de la classe ouvrière et des classes moyennes conduisent à des conflits entre citoyens", explique-t-elle.

Le vrai remède serait "une réforme substantielle du système judiciaire qui permettrait au parquet de diriger l'enquête policière, et de créer une police judiciaire comme c'est le cas en France", poursuit-elle.

Profitant d'une quasi-impunité, parfois de la complaisance des autorités depuis sa formation dans les années 1980, Aube dorée a multiplié les attaques contre des migrants et des hommes politiques de gauche, depuis son irruption au parlement en juin 2012.

"Le meurtre de Pavlos Fyssas est un crime qui devait arriver" car Aube dorée "bénéficiait de l'impunité et du laxisme des autorités", résume vendredi l'éditorialiste Nikos Konstantaras dans le quotidien libéral Kathimérini.

Doté d'une structure paramilitaire avec des milices d'assaut, les néonazis vêtus de noir grossissent leurs rangs dans les quartiers défavorisés, sous les yeux de la police.

Les arrestations se limitent la plupart du temps aux personnes identifiables, comme les députés d'Aube dorée.

Ainsi lorsque certains d'entre eux s'en sont pris à leurs collègues de gauche, le maire d'Athènes ou des migrants. Au moins trois députés d'Aube dorée ont été privés de leur immunité parlementaire, dans de telles affaires.

Le meurtre du rappeur antifasciste a relancé le débat sur une interdiction du parti. Mais "cela serait techniquement très difficile, et politiquement dangereux", du fait de l'audience d'Aube dorée, juge M. Christopoulos.

"La cour suprême a autorisé la transformation de ce groupe en parti politique, il faudrait maintenant des acrobaties constitutionnelles pour l'interdire. Et même s'il est prouvé qu'il s'agit d'une organisation criminelle, la constitution ne prévoit pas la dissolution d'un groupe parlementaire", dit-il.

20 sept 2013, Hélène COLLIOPOULOU

Source : AFP

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