vendredi 5 juillet 2024 02:23

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Ces Allemands qui ont confié leur voix à des étrangers

Une centaine d'étrangers ont pu participer aux législatives allemandes du 22 septembre grâce à des électeurs qui leur ont offert leur voix. Une démarche qui vise à démontrer que la politique allemande a un impact hors des frontières nationales.

Marco et Shimri ont voté, dimanche 22 septembre, lors de élections législatives allemandes. Le premier pour les Verts, le deuxième préfère ne pas indiquer pour qui. Pourtant, Marco est espagnol, et Shimri un Israélien résidant à Tel Aviv.

S'ils ont pu participer à ce scrutin crucial pour l'Allemagne, c'est grâce à deux Allemands qui ont accepté de leur confier leur voix. Filip Nohe, 28 ans, membre de l'ONG Oxfam, a exaucé le vœu électoral de Shimri, tandis que Friedrich Brandi, un ingénieur industriel de 30 ans, a mis dans l'urne le bulletin du parti qui avait la préférence de Marco.

Des centaines de "vote buddy"

Ils sont une centaine d'électeurs allemands à s'être trouvé ce qu'ils appellent un "vote buddy" ("copain de vote") dans le cadre d'"Electoral Rebellion", une initiative lancée par l'ONG Global Democracy. Pour participer à cette opération, la démarche était simple : après une inscription sur la page Facebook de "Electoral Rebellion", les internautes non-allemands pouvaient exprimer leur désir de prendre part aux législatives du 22 septembre et des électeurs acceptaient de leur donner leur voix. "Certains ont posé des limites, disant par exemple qu'ils refuseraient de voter pour des partis d'extrême droite", souligne Filip Nohe.

Les étrangers qui ont ainsi pu exprimer leur voix à l'occasion de ce scrutin, dont Angela Merkel et la CDU, son parti, sont sortis vainqueurs, viennent en grande partie des pays du sud de l'Europe comme l'Espagne, l'Italie ou encore la Grèce. Mais il y en a aussi qui résident bien plus loin, que ce soit au Bénin, en Israël ou encore dans certains pays d'Amérique du Sud. "Il y en a aussi qui ont offert leur voix à des immigrés habitant en Allemagne mais qui n'ont pas le droit de vote", précise Filip Nohe.

Si ces Allemands ont ainsi décidé de porter dans les urnes la bonne parole électorale d'étrangers c'est en partie parce qu'en tant que première puissance économique européenne, les choix de l'Allemagne pèse directement sur d'autres pays. Les Grecs et, dans une moindre mesure les Espagnols, ont à plusieurs reprises, lors de manifestations, désigné les "diktats de Berlin" comme l'une des causes de leurs problèmes actuels. "Je veux donner ma voix à quelqu'un affecté par la politique allemande mais qui ne peut rien dire à ce sujet", explique sur la page Facebook d'"Electoral Rebellion" Eva, une jeune Allemande, dont le "vote buddy" est espagnol.

Légal ?

L'ambition de cette initiative dépasse donc le simple cadre des enjeux de politique allemande. "C'est une manière de dire qu'à l'heure où la politique et l'économie se jouent au niveau international, il est important que la démocratie et donc les élections dépassent également le simple cadre national", assure Friedrich Brandi. D'ailleurs, les Allemands ne sont pas les premiers à s'essayer à cette forme de rébellion électorale. Lors des élections législatives israéliennes en janvier 2013, des dizaines d'Israéliens ont ainsi donné leur voix à des Palestiniens. Des centaines de Britanniques avaient aussi trouvé des "vote buddies" lors des élections générales en 2010.

Mais ce mouvement pour une "démocratie transnationale", comme l'appelle Friedrich Brandi, doit encore faire ses preuves. D'abord, ce ne sont pas quelques centaines de votes qui risquent de changer la physionomie d'un scrutin. Personne ne sait en outre quelles sont les voix qui viennent d'étrangers. Ensuite, rien ne prouve que Filip Nohe, Friedrich Brandi ou les autres Allemands qui participent ont bien, dans le secret de l'isoloir, suivi les consignes de leur "vote buddy". "Tout repose sur la confiance, c'est vrai, mais quel intérêt aurais-je après avoir fait une démarche volontaire de donner ma voix, de changer d'avis au dernier moment, ça n'a pas de sens", souligne Filip Nohe.

Enfin, il y a le problème légal. Certes, au final, ce sont bien des Allemands, disposant du droit de vote, qui ont mis le bulletin dans l'urne. Mais ces électeurs ne cachent nullement qu'ils ne servent que de simples porte-bulletin pour des étrangers n'ayant pas le droit de vote. "La plupart des personnes qu'on a consultés pensent que c'est légal car le secret du vote n'est pas violé", affirme Filip Nohe, qui reconnaît néanmoins que certaines personnes ont menacé de déposer plainte, mais pour l'instant aucune procédure n'a été engagée. "J'aimerais bien savoir ce qu'en penserait la justice", note-t-il. Le jeune homme espère en tout cas que le mouvement "Electoral Rebellion" continuera à se développer dans d'autres pays... jusqu'aux États-Unis où il aimerait bien, ainsi, pouvoir voter.

24/9/2013, Sébastian SEIBT

Source : France 24

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