vendredi 5 juillet 2024 04:28

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Immigration : comment l'UMP organise sa riposte face au FN

C'est une nouvelle approche de la question des flux migratoires que l'UMP a dévoilée, jeudi 12 décembre, lors d'une convention sur l'immigration, organisée au siège du parti, à Paris. Une approche qui ne voit pas « dans l'étranger une menace systématique », qui estime que la « mobilité peut être une source d'enrichissement », mais qui considère le sujet « trop sérieux » pour être « laissé aux apprentis sorciers de la gauche et aux démagogues d'extrême-droite ». « Il faut réécrire complètement notre politique d'immigration », répète en ce sens, le président de l'UMP, Jean-François Copé.

A l'approche des élections municipales et européennes de 2014, cette ligne – résumée dans un document de 34 pages que Le Monde s'est procuré – se veut une réponse aux positions exprimées par ses deux principaux adversaires dans ce domaine : le Front national et Manuel Valls. La riposte à l'extrême droite est assumée, celle en direction de la politique du ministre de l'intérieur l'est moins.

Pour contrecarrer le FN sur les flux migratoires, l'UMP développe un argumentaire inédit. Elle assume pour la première fois que la « suppression totale du regroupement familial », défendue de longue date par le parti frontiste, est « irréaliste » et « pas acceptable ». Le parti de M. Copé dénonce aussi la remise en cause par le FN de l'espace Schengen, considérant que « cette position installerait la France comme un îlot fragile et illusoire au coeur de l'Europe ». L'UMP « refuse » aussi, désormais, le rapprochement entre taux de chômage et nombre d'immigrés – « une vision fausse et malthusienne ».

 « Nous, à l'UMP, nous avons des valeurs non négociables, souligne Hervé Mariton, délégué général au projet de l'UMP, qui a piloté la convention. De la même manière, nous ne récusons pas la mondialisation et les mouvements de population en tant que tels, alors que le FN est un parti antimondialiste et antilibéral. » Ces inflexions n'empêchent pas pour autant l'UMP d'afficher une série de propositions qui flirtent habilement avec les thèses frontistes. Leur cible principale : le regroupement familial. Si l'UMP renie l'approche globale du FN, il n'en assume pas moins de nombreuses dispositions visant à le limiter à la marge.

Il détaille surtout toute une stratégie pour renégocier la Convention européenne des droits de l'homme : soit le principal texte international qui protège le droit à vivre en famille. Celui-ci est considéré depuis longtemps, à droite, comme l'ultime barrière à abattre pour pouvoir limiter l'immigration familiale.

Autre sujet sur lequel l'UMP emprunte au FN tout en imprimant sa marque : les étrangers malades. L'UMP souhaite – comme le FN – supprimer l'aide médicale d'Etat (AME), qui permet aux sans-papiers de se faire soigner gratuitement. L'AME serait remplacée par un accès aux soins uniquement en cas « d'urgence ». Dans le même temps, l'UMP va plus loin, en envisageant de supprimer le droit à travailler ou à bénéficier du regroupement familial pour les étrangers qui obtiendraient un titre de séjour pour raisons médicales.

 EXPERIMENTER LE « SYSTÈME À POINTS » SUR LE MODÈLE CANADIEN

Pour mordre à l'opposé sur les plates-bandes de Manuel Valls, l'UMP a présenté des contre-propositions à sa réforme annoncée du système d'asile. Le parti de M. Copé se veut notamment intraitable sur les expulsions des déboutés, qui seraient « près de 37 000 », selon lui, à se maintenir dans l'illégalité en France chaque année.

Le souci de crédibilité de l'UMP se trouve néanmoins écorné lorsqu'il s'aventure à proposer un « objectif de zéro régularisation » – jamais atteint par un gouvernement occidental, même du temps de Nicolas Sarkozy où l'exécutif régularisait environ 30 000 personnes par an. Même chose quand il ressort l'idée de supprimer le droit du sol pour les enfants nés de parents entrés ou séjournant illégalement en France. Une idée déjà développée dans une proposition de loi du député UMP Guillaume Larrivé, le 25 octobre, à l'Assemblée, et peu réaliste juridiquement (Le Monde du 26 octobre).

Dans le couloir étroit qu'il emprunte entre le FN et la politique du gouvernement socialiste, l'UMP avance en revanche une offre défendable en matière d'immigration économique. Notamment l'idée d'expérimenter un « système à points » sur le modèle canadien. Soit la possibilité de sélectionner les candidats à l'immigration sur des critères de compétences linguistiques ou de niveau d'études. Une vieille idée qui jouit d'une image positive auprès du grand public tout en étant un tabou à gauche, car considérée comme un suppôt de « l'immigration choisie » de Nicolas Sarkozy.

SOUCI DE CONSTRUIRE UNE RÉPONSE CRÉDIBLE

L'UMP se réapproprie aussi la promesse de campagne de François Hollande d'organiser chaque année une « conférence nationale sur l'immigration » avec « vote parlementaire » afin « d'évaluer les besoins réels de l'économie ». Lors de ces débats, organisés en avril au Sénat, et en mai à l'Assemblée, le gouvernement avait reculé sur le principe d'un vote. Dénuées d'enjeux, les discussions avaient eu lieu dans l'indifférence générale.

Une impression domine à travers les 41 propositions formulées par l'UMP : le souci de construire une réponse crédible en matière d'immigration. Son projet se veut détaillé, argumenté, bourré de chiffres pour certains inédits. « Pour que les Français aient suffisamment confiance en notre capacité à appliquer nos propositions, nous nous efforçons de formuler des pistes de réformes claires et applicables, explique M. Mariton. Si nous faisions comme le FN, qui se paie de bons mots sans pouvoir mettre en oeuvre ce qu'il dit, nous serions immédiatement disqualifiés. »

Le projet de l'UMP ne contient plus de discours martiaux ou de propositions coups-de-poing sans lendemain comme c'était le cas du temps de Nicolas Sarkozy et de son conseiller venu de l'extrême droite, Patrick Buisson. Notamment à partir du discours de Grenoble de juillet 2010 jusqu'à la défaite à la présidentielle, en mai 2012. Un an et demi plus tard, l'idée d'une déchéance de nationalité a, par exemple, été remisée au placard.

Le projet se veut une synthèse des divers courants du parti. Des ex-ministres Brice Hortefeux à Jacques Toubon, les travaux préparatoires ont réuni des représentants de l'aile droite à celle plus modérée. « La politique d'immigration et d'asile ne fonctionne pas, mais nous ne sommes pas pour autant contre l'immigration et l'asile », résume M. Mariton. Les nouveaux chevaux de bataille de l'UMP sont « l'absence de moyens et de résultats », insiste-t-il.

L'intitulé de la convention résume l'objectif : « Reprenons le contrôle. » Tant pis s'il lui faut pour cela passer sous silence les dix ans passés par Nicolas Sarkozy à la tête de la politique migratoire française (2002-2012). Le projet n'aborde pas non plus les questions d'identité et de nationalité, chères à la droite. Une autre convention devrait y être consacrée au printemps 2014. Juste avant les élections européennes cette fois.

12/12/2013, Alexandre Lemarié et Elise Vincent

Source : LE MONDE

 

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