vendredi 5 juillet 2024 04:22

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Vives tensions dans la coalition britannique au sujet de l'immigration

A l'approche de la levée des restrictions frappant les immigrants roumains et bulgares, le 1er janvier 2014, la question de l'immigration provoque de sérieuses tensions dans la coalition entre conservateurs et libéraux-démocrates au pouvoir, au Royaume-Uni.

Vince Cable, le ministre lib-dem du commerce, a accusé les conservateurs de David Cameron, sous la pression du parti europhobe UKIP (United Kingdom Independence Party), d'alimenter un sentiment de panique sur ce sujet dans le pays. Pour ce faire, cette personnalité libérale-démocrate a utilisé des références historiques provocantes. « Nous avons périodiquement des paniques à propos de l'immigration. Cela me rappelle Enoch Powell et ses rivières de sang et, il y a un siècle, la panique à propos des immigrants juifs », a-t-il déclaré dimanche 22 décembre, à la BBC. En 1968, lorsqu'il avait évoqué le risque d'une apocalypse si rien n'était fait pour empêcher les populations du nouveau Commonwealth d'entrer au Royaume-Uni et d'y « faire des petits », Enoch Powell avait été mis au ban du parti tory, dont il était une étoile montante.

« VASTES FLUX MIGRATOIRES »

Les déclarations de Vince Cable ont aggravé les divisions au sein de la majorité à la suite de la récente adoption par le gouvernement, en urgence, de mesures limitant l'accès à l'allocation-chômage aux immigrants européens. Le vice-premier ministre, Nick Clegg, chef des libéraux-démocrates, a voulu lui aussi remettre le débat qui fait rage à sa juste place en affirmant qu'il était hors de question d'aller au-delà de cette décision avant les élections générales, devant se dérouler au plus tard à la mi-2015. Les lib-dem contestent notamment l'idée, évoquée par des conservateurs, de plafonner à 75 000 par an le nombre de migrants intra-européens acceptés au Royaume-Uni. « C'est illégal et cela n'a aucune chance d'être appliqué », a tranché M. Cable.

La droite du parti de David Cameron alimente la crainte de l'arrivée de vagues de Roumains et de Bulgares désireux de profiter du régime social britannique. Ces conservateurs n'ont que faire du droit de libre circulation et de séjour en Europe. Les « ultras » exigent le maintien des barrières existantes depuis 2007 pour une période de cinq ans. Le thème de l'afflux d'immigrants, omniprésent dans la puissante presse de droite, réveille les passions xénophobes d'une opinion de plus en plus hostile à la main-d'oeuvre venue de l'Est.

La controverse dépasse de beaucoup la seule et délicate question de l'immigration pour se focaliser sur l'Europe. David Cameron a averti que Londres mettra son veto à tout élargissement futur faute de contrôles communautaires plus sévères sur les « vastes flux migratoires ». Cette rupture avec le soutien traditionnel des tories à l'adhésion de nouveaux membres a valu au locataire du 10 Downing Street un rappel à l'ordre du président bulgare, Rosen Plevneliev, qui, dans une interview à l'Observer, a dénoncé une politique d'immigration « qui risque de porter préjudice à la réputation du Royaume-Uni ».

Le chef du gouvernement est pris en étau. A droite, la montée en puissance dans les sondages du UKIP inquiète les stratèges conservateurs dans la perspective des élections européennes qui se tiendront le 22 mai outre-Manche. Les europhobes, qui constituent un quart des parlementaires tories, ne cessent de mettre des bâtons dans les roues de leur chef. Ces deux facteurs expliquent le récent virage à droite effectué par David Cameron, sur les questions européennes comme intérieures.

DANGEREUX EXERCICE D'ÉQUILIBRISTE

Dernier facteur incitant au raidissement, le dossier de l'élargissement embarrasse l'opposition travailliste. Tony Blair avait été l'un des architectes de l'accès libre des citoyens des nouveaux membres de l'UE au marché du travail britannique.

Parallèlement, David Cameron doit aussi se garder sur sa gauche. A la Chambre des lords, une alliance entre pairs pro-européens et indépendants s'efforce de torpiller la loi – adoptée par la Chambre des communes – organisant le référendum sur l'adhésion britannique d'ici à 2017. Par ailleurs, aux yeux des milieux d'affaires dont le premier ministre, fils d'un courtier de la City, est proche, les travailleurs venus d'Europe de l'Est représentent un atout.

Contraint à un dangereux exercice d'équilibriste, le chef conservateur a résisté jusqu'à présent aux pressions de son aile droite d'inclure dans le manifeste électoral des tories les pouvoirs qu'il entend renégocier avec ses partenaires européens avant la tenue de la consultation.

24.12.2013 Marc Roche

Source : LE MONDE

Google+ Google+