vendredi 5 juillet 2024 04:26

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France: l’immigration vue par un « expatrié » américain

Depuis 2012, l’universitaire américain Justin E. H. Smith enseigne l’histoire et la philosophie à l’université Paris Diderot (Paris 7).

Dans un long article publié sur un forum du New York Times, il s’interroge sur le rapport de la France à son immigration.

Extraits:

Justin E. Smith affirme qu’il entend constamment des gens dire que « les minorités ethniques sont le plus gros problème du pays« , que «la présence d’immigrés compromet l’identité même de la France», des convictions généralement exprimées, ajoute-t-il, sans aucune prise en compte de «la responsabilité historique du pays, en tant que puissance coloniale, quant à la présence d’anciens sujets de ses colonies en métropole, ni volonté quelconque de reconnaitre la diversité ethnique de la France qui en découle et la responsabilité des Français autant que des immigrés à la faire fonctionner ».

« Expatriés » et « immigrés »

Justin E. H. Smith note sa place de privilégié: dans la catégorie « étranger« , il n’est pas vu comme un « immigré » mais comme un « expatrié« , une division inscrite jusque dans la procédure des bureaux français de l’immigration.

«Les Maliens et les Congolais sont emmenés dans une salle, les Américains et les Suédois dans une autre. Pour les premiers, le processus ressemble à une mise en quarantaine, et l’attitude des fonctionnaires ressemble à celle de gardiens de prison; pour les seconds, la visite aux bureaux de l’immigration ressemble davantage à une cérémonie d’accueil, et toutes nos interactions avec les fonctionnaires sont sous-tendues par une présomption d’égalité.»

Très critique envers les positions d’Alain Finkelkraut sur l’immigration, Justin E.H. Smith qualifie d’ »illusion » le fait de « de supposer que les immigrés mettent en œuvre un plan concerté pour changer le caractère du pays où ils sont venus. Parler d’ »occuper » et d’ »envahir » est analogique, et décrit en fait bien plus justement le mouvement initial des États européens dans leurs anciennes colonies, un mouvement qui, encore une fois, représente un facteur crucial dans les tendances migratoires vers l’Europe aujourd’hui».

Déplacement de population et mémoire historique

Autre observation, le déplacement de population ne joue pas en Europe le même rôle qu’aux États-Unis dans la mémoire historique.

« L’ Amérique doit reconnaître son identité hybride et construite, car les seules personnes qui peuvent prétendre de manière plausible au statut d’indigènes sont ceux-là mêmes que cette nouvelle identité visait à déplacer. Mais en Europe, aucun déplacement semblable ne joue un rôle dans la mémoire historique: les Européens peuvent plus facilement s’imaginer être leurs propres indigènes et peuvent donc imaginer l’ impact démographique sur le continent du monde extra-européen comme le signe avant-coureur d’un éventuel déplacement total« .

la rhétorique irresponsable des hommes politiques et des intellectuels

« Je suis témoin de la situation à partir d’une position privilégié, comme un type particulier d’étranger: pas le genre qui est perçu pour être ici pour prendre des ressources et menacer une tradition, mais plutôt, suppose-t-on, pour célébrer ces traditions et acquiescer passivement aux sentiments des indigènes. Le privilège, pour moi, n’est pas seulement que je ne suis pas la cible de discrimination, mais aussi que je suis capable d’apprendre une bonne part de ce qui me serait interdit si j’avais un autre type d’accent, ou la peau plus foncée. Et même si c’est décourageant, ce que j’entends dans les rues n’est en réalité qu’un écho de la rhétorique des hommes politiques et des intellectuels présumés qui ont trouvé commode de rendre responsable de l’instabilité du présent et de l’incertitude de l’avenir, les membres les plus faibles de la société française« .

7 janvier 2014, François d'Alançon

Source : La Croix

 

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