vendredi 5 juillet 2024 02:18

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ÉTATS-UNIS : condamnés à une vie de galère

Avoir un casier judiciaire est un handicap majeur pour les Américains qui cherchent un emploi. Des millions de repris de justice, appartenant souvent aux minorités raciales, enchaînent les boulots précaires.

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Luis Rivera a été un peu tranquille pendant cinq mois, de la fin de l’automne 2010 au début du printemps de l’année suivante. C’est le plus près qu’il ait été de la stabilité financière en plus de vingt ans.
“J’avais trouvé un boulot génial : homme à tout faire/portier/concierge dans un immeuble de l’East Village”, se souvient-il avec nostalgie. Rivera, 44 ans, est marié et a trois filles adolescentes. La famille vit à East Harlem, où a grandi ce New-Yorkais d’origine portoricaine. Il est farouchement fier de son mariage et de ses enfants, comme un homme qui est parvenu à accomplir quelque chose qu’il n’était pas censé réussir.

Rivera est encore très excité en évoquant ses cinq mois comme homme à tout faire au service des hipsters du sud de Manhattan. “Quand ils avaient besoin de quelqu’un, ils m’appelaient au milieu de la nuit et je disais ‘oui !’. J’avais besoin d’un job. Et la paie était excellente”, se rappelle-t-il, vantant ses 17 dollars [12 euros environ] de l’heure pour un temps partiel. “J’étais près d’être embauché en fixe.” Cet emploi lui promettait de n’avoir enfin qu’un travail, un vrai – déclaré, avec des horaires et un salaire réguliers –, au lieu de courir d’un temps partiel au noir à l’autre comme il l’avait fait toute sa vie d’adulte. Mais ce n’était pas encore fait. Aussi, quand le gérant d’un immeuble de l’autre côté de la rue a fait savoir que son équipe cherchait du renfort à temps partiel, Rivera s’est fait connaître. Il a été franc.
“J’ai expliqué au type que j’avais un casier qui datait de 1990, par là, mais que j’avais payé ma dette. Je suis clean, donnez-moi une chance. Il m’a donné sa parole d’honneur qu’il ne dirait rien.” Mais les nouvelles vont vite quand on a été condamné. Tout d’un coup, l’immeuble chic où Rivera espérait se construire un avenir a cessé de le faire travailler. A 22 ans, Luis Rivera a commis un cambriolage dans le Bronx. Il était nul et s’était fait prendre rapidement. Condamné à cinq ans avec sursis, il n’a pas été incarcéré. Mais cette condamnation n’a cessé de le poursuivre depuis.

Rivera fait partie d’un nombre inconnu d’anciens condamnés ou détenus qui essaient de trouver du travail. En général, ils n’y arrivent pas : les employeurs rejettent leur candidature ou les licencient uniquement parce qu’ils ont un casier judiciaire, une pratique illégale mais néanmoins largement répandue.
Un mouvement s’affirme pour pousser les Etats à “interdire l’exclusion” ou à encadrer plus strictement quand et comment les employeurs peuvent demander le casier judiciaire des candidats à un poste. Il a obtenu quelques victoires : Target, le deuxième distributeur du pays, a annoncé en octobre qu’il cesserait de poser la question.

En 1987, la Commission [fédérale] pour l’égalité des chances en matière d’emploi (EEOC) a déclaré que l’exclusion systématique des personnes ayant un casier judiciaire constituait une violation de la loi sur les droits civiques. Celle-ci interdit non seulement les discriminations fondées sur certaines catégories protégées comme la race, mais également les politiques apparemment neutres qui renforcent les disparités raciales. Elle a donc fait savoir aux employeurs que le casier judiciaire ne pouvait constituer qu’un des motifs de rejet d’une candidature et seulement quand la condamnation avait un lien direct avec le poste.

Mais le Congrès a été le premier à vider cette directive de son sens. Après le 11 septembre 2001, les législateurs ont fermé aux anciens condamnés toute une série d’emplois dans les transports. Les Etats ont suivi le mouvement et la liste des emplois interdits aux condamnés a augmenté de façon exponentielle : agents de sécurité privés, employés de maisons de retraite, presque tous les emplois impliquant des enfants. Plus de 800 emplois sont désormais fermés aux anciens condamnés, selon une étude.

21 janvier 2014, Kay Wright

Source : .courrierinternational

 

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