vendredi 5 juillet 2024 02:16

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Un Subsaharien traduit devant le Tribunal militaire de Rabat

Le procès de Mamadou Diarra qui s’ouvre lundi prochain, s’annonce tendu. Une dizaine d’ONG appellent à un sit-in devant le tribunal militaire pour réclamer sa liberté provisoire immédiate et un procès équitable en sa faveur.

Mamadou, migrant irrégulier, âgé de 18 ans, est accusé d’avoir lancé une pierre qui aurait blessé mortellement un militaire le 10 juillet 2012, lors d’une opération policière visant à bloquer une tentative de passage groupée du grillage de Mellilia par des migrants.

Le jeune homme croupit depuis un an et demi à la prison de Salé, alors qu’il n’a été entendu qu’une seule fois au début d’une enquête bouclée depuis plusieurs mois avant d’être renvoyé devant le Tribunal militaire où son procès doit s’ouvrir lundi prochain.  

Un renvoi jugé par les associations protestataires comme contradictoire avec le droit international et constituant une violation de l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui stipule que : «Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Ce jugement constitue aussi une violation de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques qui souligne que : «Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial». Un procès qui porte atteinte également aux dispositions de la nouvelle Constitution  dont l’article 127 précise que : «Les juridictions ordinaires ou spécialisées sont créées par la loi. Il ne peut être créé de juridiction d’exception ». En effet, le Tribunal militaire obéit à une juridiction spécifique qui ne figure pas dans l’organigramme juridique national. Ses verdicts sont sans appel et les victimes ne peuvent pas demander de se constituer partie civile.Les ONG posent donc la question de la légitimité de ce procès alors que le prévenu n’est ni militaire ni accusé d’avoir commis une infraction qualifiée d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat. 

Elles remettent en cause ainsi l’article 3 du Dahir n°1-56-270 formant Code de justice militaire qui donne compétence à la juridiction militaire de juger « toutes personnes, quelle que soit leur qualité, auteurs d'un fait, qualifié de crime, commis au préjudice de membres des Forces Armées Royales et assimilées ».

Une remise en cause qui ressuscite le débat sur la réforme de la justice militaire qui tarde à pointer le bout du nez.  En effet, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a préconisé, le 2 mars 2013, de supprimer la possibilité de poursuivre des civils devant une juridiction militaire, afin d’harmoniser la législation nationale avec la nouvelle Constitution adoptée en 2011 et les engagements internationaux du Royaume. 

Le CNDH a également estimé que le Tribunal militaire ne devrait connaître, en temps de paix, que des infractions relevant de la discipline militaire, ou impliquant un militaire en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat ou de terrorisme. Pour toutes les autres affaires, les militaires deviendraient, à l’instar de leurs concitoyens civils, justiciables des juridictions ordinaires.

A ce propos, les ONG protestataires appellent à une suspension de la loi en vigueur en attendant la réforme de la justice militaire, conformément à la recommandation susmentionnée et affirment la nécessité de mettre fin au jugement des civils devant des tribunaux militaires d’autant que le cas de Mamadou n’est pas isolé comme en témoigne l’affaire de Mbarek Daoudi d’Assa et de ses deux fils qui ont été traduits devant le Tribunal militaire pour détention de cartouches et d’un fusil de chasse.

1 Février 2014, Hassan Bentaleb

Source : Libération

 

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