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Emigration : « La France a toujours pensé que les sorties étaient provisoires et les entrées définitives »

Pour la sociologue Catherine Wihtol de Wenden, "on connaît mal aujourd'hui, par exemple, ne serait-ce que les mobilités internes à l'Union européenne".

Pour Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS, « cela n'est pas forcément un exode des cerveaux, mais juste une appropriation d'un autre espace national et de la citoyenneté européenne ».

Le Monde : Pourquoi la France comptabilise-t-elle seulement ses entrées (l'immigration) et pas ses sorties, donc l'émigration ?

Catherine Wihtol de Wenden : La France est un vieux pays d'immigration qui s'est toujours vécu et se vit encore comme tel. Pendant longtemps, il y a eu très peu de Français à l'étranger et on dit toujours que les Français sont casaniers. Aujourd'hui encore, ils ne sont que 2,5 millions hors des frontières hexagonales. Cela fait trente ans que les démographes disent qu'il faut prendre en compte les sorties.

Mais du fait de la focalisation de l'attention sur les entrées (environ 200 000 par an), il y a toujours eu un faible intérêt des décideurs sur la donnée du solde migratoire. On a toujours pensé que les sorties étaient provisoires et les entrées définitives. Or depuis les années 1990, la réalité est entre les deux.

Comment pourrait-on calculer ces sorties ?

Il faudrait que les personnes soient encouragées, pourquoi pas par le biais de campagnes d'information, à signifier leur changement d'adresse dès qu'ils partent à l'étranger pour une durée de plus de trois mois. On connaît mal aujourd'hui, par exemple, ne serait-ce que les mobilités internes à l'Union européenne.

Or si on parvient à mieux recenser ces départs, peut-être se rendra-t-on compte que cela n'est pas forcément un exode des cerveaux, mais juste une appropriation d'un autre espace national et de la citoyenneté européenne.

Y a-t-il des pays qui font différemment ?

Oui, la Suède, la Finlande, ou l'Italie. Toutes les sorties sont recensées, souvent à l'échelon communal. Cela est souvent lié à une tradition d'émigration. Plus de 31 millions d'Italiens ont par exemple quitté la Péninsule depuis la fin du XIXe siècle. Le fait de compter ces sorties a donné lieu à une vraie politique diasporique.

Les émigrés italiens peuvent voter depuis longtemps aux élections législatives et sénatoriales. En France, c'est seulement le cas depuis 2012 ! De façon générale, l'Italie considère que ces émigrés sont une force. La France, elle, estime encore qu'elle peut exprimer son influence à l'étranger par d'autres moyens, comme la diplomatie.

07.04.2014, Elise Vincent

Source : LE MONDE

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