La réaction ne s’est guère fait attendre. Plusieurs capitales ont fait savoir à la Commission européenne qu’elles ne voulaient pas de son mécanisme de solidarité destiné à répartir les migrants entre les Etats membres. En tout cas pas selon les termes qu’elle a employés. La Grande-Bretagne, l’Espagne, la Pologne ou la République tchèque affichent plus ou moins clairement leurs réticences. La France affirme que la « politique des quotas » n’a jamais correspondu à ses propositions, mais se dit favorable à une répartition volontaire des demandeurs d’asile.
Au-delà des arguties, ce flou diplomatique rappelle que l’idée de solidarité européenne ne va pas de soi pour bien des Etats membres. A l’Italie et à la Grèce en première ligne des flux migratoires de se débrouiller. Et tant pis si la fin du régime Kadhafi a mis un terme aux accords tacites conclus entre Rome et Tripoli. « Cachez ces migrants que je ne saurais voir », c’est l’Arlésienne.
La Commission a-t-elle suffisamment anticipé la fin de non-recevoir de certains Etats ? On ne fera pas l’affront au vieux routier de l’Europe qu’est Jean-Claude Juncker de penser qu’il a été bien naïf. Son exécutif a manifestement choisi de parler haut et fort pour mettre les capitales face à leurs responsabilités. Au-delà des larmes de crocodiles versées à chaque catastrophe et de la guerre déclarée aux passeurs. Car ni l’une ni l’autre ne décourageront jamais ceux qui sont prêts à mourir pour atteindre l’Eldorado.
Nous sommes à un carrefour de la politique migratoire de l’UE. Depuis une vingtaine d’années, l’Afrique déverse sa misère sur le Vieux Continent. S’il est clair que nombre de ceux qui la fuient sont d’abord motivés par des préoccupations économiques, chaque être humain n’en garde pas moins le droit d’en appeler à l’asile. La France le rappelle.
Aux pays sollicités de gérer ? Ce principe serait simple à appliquer si le nombre de requêtes n’avait complètement explosé.
Les Européens paient aujourd’hui leur absence de gestion concertée. Car la grande migration humaine trouve son origine dans un manque de perspectives mille fois dénoncé. Dans les années 70, des esprits clairvoyants recommandaient déjà d’investir massivement dans le développement, estimant qu’en étant heureux chez eux, les Africains resteraient sourds aux sirènes du Vieux Continent. Ces rêves sont restés à quai. Résultat : la peur d’une « invasion » alimente tous ceux – extrémistes et populistes – qui cherchent à brider nos démocraties. Le véritable ennemi est à l’intérieur.
21/5/2015, PASCAL MARTIN
Source : lesoir.be