Une enquête sur les Belgo-Marocains et les Belgo-Turcs le montre: nous les connaissons vraiment mal.
L'étude a été menée pour le compte de la Fondation Roi Baudouin par des chercheurs de l’ULB et de la VUB auprès d’un échantillon représentatif de 700 de nos concitoyens, belgo-marocains et belgo-turcs. Plutôt que d'une étude au sens froidement statistique du terme, il faudrait parler d'un auto-portrait. Les questions obtenues portaient tant sur la situation socio-économique des sondés que sur leurs opinions quant au rapport hommes/femmes, à la sexualité ou à la religion. Et vous allez le voir, elles sont sans doute loin de ce qu'une majorité de "Belges de souche" pouvaient attendre.
Cliché 1: Les imams, dans les mosquées, définissent largement leur vision du monde
Les sondés parlent en priorité de leurs parents, de leurs lectures, voire de leurs amis ou de leurs collègues comme sources d'influence de leurs croyances. D'où l'expression de "bricolage de références religieuses" utilisée par l'étude. La mosquée, elle, perd de son influence. Ainsi que les imams, cités par moins de 5 % des personnes interrogées quand il s'agit d'identifier les sources de leur foi. D'où une grande diversité d’attitudes et de pratiques. Aussi, conclut l'étude sur ce point: "La pratique religieuse aurait, apparemment, peu d’impact sur la plupart des facteurs d’inclusion: activité sur le marché de l’emploi, obtention d’un diplôme, sentiment d’être plus ou moins Belge par rapport à l’identité du pays d’origine, sentiment de discrimination, engagement politique, etc."
Cliché 2: Leurs valeurs sont largement incompatibles avec celles de la démocratie moderne
On se contentera sur ce point de citer l'étude: "Les citoyens d’origine turque ou marocaine partagent les mêmes valeurs que les citoyens non issus de l’immigration sur plusieurs points essentiels: près de 69% des Belgo-Marocains et près de 73% des Belgo-Turcs se disent favorables à la séparation de l’Etat et de la religion" Et, signale l'étude, "pour trois quarts environ de nos répondants, la démocratie constitue le meilleur régime politique."
Cliché 3: Ils se disent discriminés pour justifier leur refus de s'intégrer
Pas vraiment, puisque ceux qui sont nés en Belgique et y ont décroché un diplôme du supérieur se sentent plus discriminés que les immigrés arrivés en Belgique après leur naissance. Par ailleurs, on remarquera que la situation économique des Belges d'origine immigrée, facteur d'intégration s'il en est, s'améliore pourtant de façon notable: 43% des répondants d’origine marocaine gagnent aujourd'hui entre 1.500 et 3.000 euros par mois. Dans une enquête similaire datant de 2009, ils n'étaient encore que 32%. Chez les Belgo-Turcs, cette proportion est passée de 42% à 56 depuis 2007.
Cliché 4: Il ne peuvent envisager l'égalité entre hommes et femmes
"Huit répondants d’origine turque sur dix, et près de trois quarts des répondants d’origine marocaine, considèrent que l’indépendance d’une femme passe par le travail et un emploi régulier." Certes, les femmes d’origine marocaine, même si elles affichent un plus fort taux de diplômes du supérieur que les hommes, restent moins actives sur le marché de l’emploi...
Cliché 5: Leur appartenance religieuse les pousse à voter pour des partis confessionnels
Depuis plusieurs années, des recherches scientifiques montrent une préférence marquée de la population d'origine immigrée pour les partis socialistes. Les conditions socio-économiques priment donc sur les affinités religieuses dans l'isoloir. En revanche, et c'est toute l'ironie de l'affaire, ces mêmes partis socialistes avançaient un argument contraire, en 2004, lors du débat sur le droit de vote des étrangers auxquels ils étaient favorables. N'ayez pas peur, disaient-ils, vous allez voir, les électeurs non-européens vont finir par voter exactement comme les Belges...
Cliché 6: L'homosexualité leur est insupportable
Ne tombons pas dans l'angélisme, les relations de même sexes restent mal vues. Mais cette intolérance ne s'exprime sans doute pas dans les proportions qu'on croyait. "Aux yeux de plus de 6 répondants sur 10 des deux groupes, l’homosexualité n’est jamais justifiée". Ce qui laisse tout de même 40% d'opinions plus modérées.
Cliché 7: Avec le temps, ça ira mieux...
C'est un cliché d'un autre genre: croire que le temps fera son œuvre, comme pour d'autres communautés, espagnole ou italienne, par exemple, à d'autres époques. Pas sûr, hélas… "Les Belgo-Marocains des deuxième et troisième générations se sentent plus Marocains que Belges, ont moins souvent un travail, s’identifient moins à la société belge que ceux qui ne sont pas nés ici. Il s’agit là d’un enjeu sociétal fondamental pour la société belge et le vivre ensemble", avertit l'enquête.
Le texte complet de l'étude est téléchargeable ici
20/05/2015, Jean-Laurent Van Lint
Source : moustique.be