La crise des migrants et la montée du parti Front national (extrême droite) à l'approche de la présidentielle 2017 conduisent François Hollande à célébrer une "identité de la France" multiple et unie pour tenter d'éloigner la tentation extrémiste et apaiser une société en perte de repères.
Près de 30 ans après le slogan électoral de François Mitterrand sur la "France unie" en 1988, le président socialiste français cherche à reformuler le thème du rassemblement en brandissant la richesse d'une société patchwork, au moment où la droite est taxée de surenchère populiste face à l'extrême droite.
"La France n'est pas une identité figée dans le marbre, elle n'est pas une nostalgie qu'il faudrait conserver, un corps vieilli avec un sourire fatigué, la France est une espérance (...), la France est un renouvellement permanent", a lancé la semaine dernière le chef de l'Etat, en faisant l'éloge de la "diversité" du pays.
Mais la promotion d'une France "black-blanc-beur", vantée à tue-tête lors de la victoire des Bleus au mondial de football en 1998, a du plomb dans l'aile: surfant sur l'afflux de migrants en Europe, le FN pourrait remporter deux régions-clé lors d'élections locales en décembre, dix-huit mois avant un scrutin présidentiel qui, selon les sondages et de l'aveu même de responsables de gauche, pourrait voir l'extrême droite figurer au deuxième tour.
Selon l'entourage de François Hollande, la crise migratoire place le pouvoir socialiste sur le fil du rasoir : "Il faut trouver un équilibre entre le risque lié à l'immigration incontrôlée et le risque lié à tout discours de haine et de racisme. On sait quelle menace nous pend au nez sur l'équilibre de la République".
"Cette ligne a pu donner l'impression que l'Allemagne était plus ouverte, mais la France a tenu une ligne de responsabilité et de respect des valeurs", juge cette source.
'L'idée de la France'
Selon son entourage, François Hollande va chercher ces prochains mois à célébrer en particulier "l'idée de la France", une formule utilisée par le général de Gaulle pour l'opposer au pétainisme (l'idéologie du régime de Vichy durant l'occupation allemande fondée sur une conception ethnique de la nation).
Dans un parallèle avec les heures les plus noires du pays, le président a opportunément appelé la semaine dernière à ne pas céder à "l'habitude" face aux "dérives" racistes, lors d'une visite d'un site d'internement d'où partirent pendant la seconde guerre mondiale des convois de juifs vers les camps de la mort.
"Dans les années 30, il était devenu acceptable, presque banal, de tenir pour méprisable ou haïssable celui qui était différent. Acceptable qu'à longueur d'articles et de pamphlets, on insulte et on rabaisse les juifs et les étrangers", a rappelé M. Hollande. Le seul rempart est la "République" qui "ne connaît pas de races ni de couleurs de peau", a-t-il martelé.
Mais dans une France en proie au chômage qui attend toujours les fruits d'une politique économique controversée, le thème de l'identité, "si elle est bonne sur le plan stratégique en plaçant droite et extrême droite en porte-à-faux, est une thématique en décalage avec les attentes des Français", juge Frédéric Dabi, politologue pour l'institut de sondages Ifop.
"Recourir à une thématique sociétale comporte des risques car elle peut donner l'impression d'être une stratégie dilatoire pour empêcher un bilan du président sur les autres sujets", souligne-t-il.
Huit ans après avoir créé le ministère de l'Identité nationale, l'Immigration et l'Intégration, qui avait provoqué un tollé de craintes d'amalgame entre l'immigration et l'identité nationale, l'ex-président de droite Nicolas Sarkozy continue d'incarner une ligne partisane de l'assimilation.
"Vous êtes les bienvenus chez Les Républicains (son parti politique) si vous aimez la France, vous croyez en la France, si vous parlez français, vous aimez la culture française, le mode de vie français. Vous êtes les bienvenus quels que soient votre couleur de peau, votre origine, votre religion, votre vote lors des dernières élections", a lancé samedi Nicolas Sarkozy.
13 oct. 2015,Béatrice LE BOHEC
Source : AFP