Le Sénat à majorité de droite a adopté mardi le projet de loi sur le droit des étrangers en le durcissant, établissant notamment des quotas pour chaque catégorie de séjour, mais l’Assemblée nationale devrait rétablir la version du gouvernement.
A l’issue d’un débat houleux, 176 sénateurs, de droite, ont voté en faveur de la version du projet de loi réécrit en séance et en commission, 155, à gauche, s’y opposant. 9 UDI-UC se sont abstenus.
Une commission mixte paritaire (CMP) va à présent être réunie pour trouver une version commune aux deux chambres. En cas d’échec, probable, c’est l’Assemblée nationale où la gauche est majoritaire, qui aura le dernier mot.
«Il sera difficile de parvenir à un accord en CMP», a d’ailleurs estimé le secrétaire d’État à la décentralisation André Vallini, qui remplaçait le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Néanmoins, a-t-il assuré, le gouvernement s’efforcera de tenir compte de la qualité des échanges qui se sont tenus au Sénat.
«L’immigration d’aujourd’hui, c’est le terrorisme de demain», a lancé lors des explications de vote, sous les huées de ses collègues, Jean-Louis Masson (non inscrit). «Avant, les immigrés s’intégraient. Aujourd’hui, ils demandent des horaires de piscines séparés pour les hommes et pour les femmes, des menus spéciaux dans les cantines», a-t-il dit.
Des propos qui après le vote lui ont valu des rappels au règlement de Didier Guillaume (PS), Pierre Laurent (Communiste, républicain et citoyen, CRC) et Jean-Vincent Placé (écologiste) pendant que Stéphane Ravier (Front national) criait «censure».
«Veuillez vérifier si M. Masson n’a pas passé les bornes admissibles, et en tirer les conséquences», a demandé M. Guillaume au président du Sénat Gérard Larcher (Les Républicains, LR).
«Je le ferai, comme je l’ai déjà dit en privé à l’un de nos collègues», a répondu M. Larcher.
- 'Le jeu du FN' -
«Tout cela, qui rejoint certains propos tenus hors de cet hémicycle par une députée européenne sur la prétendue +race blanche+, est indigne de notre Haute Assemblée», a souligné pour sa part M. Placé.
Auparavant, Esther Benbassa (Écologiste) avait regretté, au nom de son groupe, «que la droite sénatoriale, victime de la fébrilité qui précède les élections, ait choisi de faire le jeu du FN en durcissant le droit».
«Les sénateurs socialistes espéraient un débat dépassionné et constructif sur ce projet de loi pragmatique destiné à améliorer l’attractivité de la France, la vie des étrangers et les reconduites à la frontière des clandestins», a déclaré Philippe Kaltenbach (PS). «Las, la droite l’a détricoté (..) à la veille d’une élection électorale.»
«Si nous voulons tous une France meilleure, plus forte, plus généreuse, il faut donner les moyens aux étrangers de s’intégrer», leur a répondu Roger Karoutchi (LR). «On ne peut les laisser entrer puis leur dire: débrouillez-vous!»
Le Sénat a notamment adopté un amendement prévoyant que le Parlement fixe des quotas pour chaque catégorie de séjour à l’exception de l’asile, «compte tenu de l’intérêt national».
Il a aussi réduit la portée de la mesure phare du texte, la création d’un nouveau titre de séjour de deux à quatre ans qui serait délivré après un premier titre d’un an pour éviter aux étrangers en situation régulière des passages répétés en préfecture et leur donner de la stabilité. Les sénateurs ont prévu que ce titre de séjour ne serait délivré qu’aux titulaires d’un emploi et aux étudiants inscrits en master.
Ils ont aussi étendu de 18 à 24 mois la durée de présence sur le territoire pour bénéficier des dispositions relatives au regroupement familial, et imposé que «l’étranger qui souhaite s’installer durablement sur le territoire justifie d’une connaissance suffisante de la langue française».
Le Sénat a par ailleurs remplacé l’aide médicale d’État (AME) dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière par une aide médicale d’urgence (AMU), limitée à la prévention et à l’urgence.
13 octobre 2015, AFP
Source : Libération