Alors que la Suisse renouvelle son parlement le 18 octobre, la droite populiste de l'UDC, première formation politique de la Confédération, a brandi la menace de l'immigration pour conforter son assise populaire.
"Maintenant arrivent des criminels, des gens qui vendent de la drogue, qui volent", s'alarme Gianpaolo Ferrari, aide-cuisinier de 58 ans à Chiasso, petite commune helvétique située à la frontière avec l'Italie et véritable porte d'entrée des migrants en Suisse.
Près de la moitié des personnes interrogées lors d'un récent sondage considèrent ainsi que la crise migratoire reste de loin le problème le plus urgent à résoudre, ce qui profite à l'UDC (Union démocratique du peuple), donnée vainqueur des législatives, avec près de 28% des suffrages, atteignant presque son record de 2007 (28,9%).
Les images de migrants arrivant par dizaines de milliers en Europe de l'est ont amplifié les craintes de la population en Suisse, qui compte déjà une proportion élevée de migrants par habitant.
Et l'UDC a fait de l'asile et de l'immigration son axe principal de campagne, dénonçant le système de répartition des migrants en Europe et appelant à un renforcement des contrôles aux frontières.
"Nous avons beaucoup de personnes qui viennent en Suisse qui ne sont pas les vrais réfugiés... C'est le chaos", a ainsi dit le vice-président du parti, Christoph Blocher, politicien le plus influent et controversé de Suisse, lors d'un meeting électoral, à Lausanne.
L'UDC n'a pas hésité à diffuser un clip électoral montrant des personnes originaires d'Afrique, désoeuvrées, dans les rues de Lausanne, associées à des images de bouteilles d'alcool brisées, de tags sur des murs ou de fêtes nocturnes.
'Les gens ont peur'
En Suisse, les arrivées de migrants et réfugiés, essentiellement des Érythréens qui arrivent via Chiasso, ont augmenté - dépassant les 3.000 en septembre, soit plus double de celles enregistrées durant la même période l'an dernier - mais les chiffres restent dérisoires.
Pour Paolo Aliano, mécanicien à la retraite résidant à Chiasso depuis 45 ans, les autorités devraient d'abord s'occuper des personnes âgées avant d'aider ceux qui viennent d'ailleurs: "Ils leur donnent à manger, un lieu pour dormir alors qu'ils ne font rien en échange."
"Quand on sort il n'y a que des migrants. Les gens ont peur", dit-il en regardant en direction d'un petit groupe de personnes originaires d'Afrique assises sur les bancs d'une place vide de Chiasso. Un peu plus loin, dans la gare et dans ses alentours, d'autres attendent. Dans le calme.
L'un deux, Ahmed Wahid, la vingtaine, a quitté le Soudan avant sa partition en 2011. "Je suis né à Aweil (maintenant dans le Soudan du Sud, nlr). Avec le fourgon nous sommes arrivés dans la ville libyenne de Benghazi, certains sont morts", raconte-t-il à l'AFP. Ensuite c'est l'attente, pendant plusieurs jours, enfermés. Puis le départ vers l'Italie, dans une embarcation avec près de 400 personnes à bord.
Cela fait maintenant 3 ans qu'il est à Chiasso, sans avoir le droit de travailler. "Les demandeurs d'asile, ils se lèvent le matin, sans rien, sans travail, et la première chose qu'ils font c'est de se lever, de prendre une bière, de s'asseoir, fumer", regrette-t-il.
Assis sur la place principale de Chiasso, Maxamud Cumar Adan, un agriculteur somalien qui a fui en 2008 les islamistes shebaabs, a été admis à titre provisoire, mais la loi l'oblige à trouver du travail dans la région de Chiasso. "Impossible", relève-t-il.
'Vrais et faux réfugiés'
Pour l'UDC, ce "chaos" ne peut plus durer. Il faut "distinguer les vrais réfugiés des faux", assure M. Blocher.
Avec pour cible principale les Érythréens, qui représentent près d'un tiers des demandeurs d'asile cette année et qui, d'après l'UDC, sont des objecteurs de conscience et non des réfugiés, fuyant un service militaire sans fin.
Mais le gouvernement n'entend pas céder devant ces tendances xénophobes.
"Il est inconcevable que le gouvernement renvoie des personnes dans un Etat arbitraire", a récemment prévenu la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga, pressée par le gouvernement du Canton de Lucerne de revoir le statut des migrants venus d'Erythrée.
15 oct. 2015,Agnès PEDRERO
Source : AFP