Entre les déclarations rassurantes du gouvernement et les projections pessimistes de certaines ONG concernant le dernier compromis entre le Maroc et les Pays-Bas sur la sécurité sociale, les Marocains des Pays-Bas s'interrogent sur la portée de ce nouvel accord et ses répercussions sur leurs droits, acquis au fil de dizaines d'années de sacrifice et de labeur.
Si pour les deux gouvernements marocain et néerlandais, le compromis est ''équilibré'' et préserve dans une grande mesure les intérêts des bénéficiaires, les ONGs, se référant aux verdicts de la justice néerlandaise, y voient une menace pour les droits des bénéficiaires à long terme.
La justice néerlandaise avait, en effet, donné raison aux dizaines de plaignants marocains à l'issue d'une longue saga judiciaire en annulant la décision des Pays-Bas, portant indexation des montants des prestations sociales aux coûts de la vie dans les pays de résidence au lieu de celui de travail. Une baisse de 40 pc a été décidée pour le cas du Maroc.
Grâce à la Convention sur la sécurité sociale de 1972, en particulier son article 5, les juges ont rétabli les victimes, veuves et orphelins notamment, dans leurs droits et exigé du gouvernement le remboursement de la totalité des montants soustraits avec effet rétroactif.
La coordination des ONGs contre la réduction des allocations déplore ''un laxisme du gouvernement marocain'' qui aurait dû, selon elle, mettre à profit le verdict de la justice et aller jusqu'au bout dans le bras-de-fer engagé avec les autorités néerlandaises pendant des mois, suite à la décision des Pays-Bas de dénoncer de manière unilatérale la Convention sur la sécurité sociale, en représailles au rejet ferme du Maroc des propositions néerlandaises, jugées ''inéquitables''.
Elle s'est dite même en faveur de la saisine de la justice européenne.
Des reproches rejetés par l'ambassadeur du Maroc aux Pays-Bas, Abdelouahab Bellouki qui a précisé à la MAP, que le Maroc a opté, après un examen approfondi des divers aspects de cette question, à ''un compromis globalement équilibré'', qui préserve dans une large mesure les droits légitimes des bénéficiaires.
Entre deux pays amis, la voie de la négociation doit être toujours privilégiée pour régler les problèmes. Elle implique de la patience, de la vigilance mais aussi, et surtout, du réalisme, a noté le diplomate marocain.
Le Maroc était depuis le début contre l'annulation de la Convention de 1972 au vu des ''répercussions néfastes'' d'un tel acte sur les intérêts des bénéficiaires à court et à long termes, a-t-il expliqué, reconnaissant que les négociations étaient ''difficiles'' pour les deux côtés, marocain et néerlandais.
Selon M. Bellouki, le gouvernement néerlandais a été amené, face à la fermeté du Maroc et son attachement aux droits de ses citoyens, à présenter de nouvelles propositions à la lumière des exigences des négociateurs marocains.
Le résultat : un accord qui préserve à 100 pc les droits aux allocations familiales attribuées aux actuels bénéficiaires pendant toute la période d'ouverture du droit, avec une révision de la Convention de 1972 pour les nouveaux cas de manière progressive d'ici 2021, fait remarquer le diplomate marocain.
A signaler que la partie néerlandaise avait l'intention d'appliquer le fameux principe de pays de résidence à l'ensemble des bénéficiaires, anciens et nouveaux, et avec effet immédiat. Une dénonciation de ladite convention aurait balisé la voie au gouvernement batave pour l'application de ce principe.
Elle comptait également rembourser seulement les personnes lésées ayant introduit une plainte en justice, sacrifiant les droits des bénéficiaires des pensions de survivants avant la date du 1er juillet 2012, n'ayant pas pu, pour une raison ou une autre, aller en justice.
Le Maroc a dénoncé et rejeté cette discrimination, a souligné M. Bellouki. Selon lui, l'accord actuel prévoit le paiement du restant dû à ces personnes, comme si elles avaient fait recours, et ce pour la période allant du 1er janvier 2013 au 1er mars 2014.
Pour les nouveaux cas, détaille l'ambassadeur du Maroc à La Haye, il a été convenu l'application, à partir du 1er janvier 2016, aux nouveaux bénéficiaires des suppléments dans le cadre de l'allocation d'invalidité (TW) d'un barème de réduction.
Il sera ainsi procédé à la réduction d'un taux fixe de 10 pc du montant servi aux Pays-Bas durant toute la période d'ouverture des droits pour les nouveaux bénéficiaires dont le droit s'ouvre pendant l'année 2016, de 20 pc pour ceux dont le droit s'ouvre en 2017, de 30 pc pour les bénéficiaires dont le droit s'ouvre en 2018 et de 40 pc pour les nouveaux bénéficiaires dont le droit s'ouvre en 2019.
Et le diplomate marocain de souligner qu'il ne faudrait pas voir que la moitié vide du verre, en ce sens que le récent compromis, en étant "l'option la plus raisonnable", est de nature à ouvrir de nouvelles voies pour le renforcement de la coopération et des relations historiques entre les deux Royaumes.
Le gouvernement néerlandais s'était félicité, pour sa part, de la conclusion de cet accord ''équilibré'', qui "prend en compte les intérêts et "l'excellence des relations diplomatiques de longue date'' entre les deux pays.
Il est à rappeler que les Pays Bas avaient introduit en 2012 une réforme sur la loi régissant l'attribution des allocations sociales.
Le compromis concerne cinq types d'allocations. Il s'agit des allocations de pensions de survivants (ANW), des prestations d'invalidité partielle basée sur le revenu minimum (WGA), de l'allocation complémentaire (TW), des allocations des enfants (AKW) et de l'assurance maladie (ZVW).
Les révisions proposées n'ont pas touché, entre autres, aux droits relatifs aux pensions de retraite (AOW) et aux pensions d'invalidité (WAO).
La nouvelle législation néerlandaise basée sur le principe du coefficient de résidence est applicable à tous les bénéficiaires, y compris les Néerlandais, résidant hors Pays-Bas et Union Européenne.
14 oct. 2015
Said Youssi
Source : MAP