Peu nombreux, sont les migrants irréguliers qui ont bénéficié de la régularisation. Six mois après son lancement, seules 3.000 personnes ont obtenu un titre de séjour, soit 20% des 16.123 dossiers déposés jusqu’au 26 juin dernier, selon des statistiques officielles révélées, vendredi dernier, par Cherki Draiss, ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur.
Ce dernier a précisé que sur les 16.123 demandes déposées, 15 nationalités accaparent 93% des totalités de dossiers. Les Sénégalais arrivent en tête suivis par les Nigériens et les Ivoiriens. Les hommes représentent 70% contre 30% des femmes (5.000).
77% de ces migrants ont moins de 40 ans. Les plus de 40 représentent 14% contre 8% pour les moins de 20 ans.
Une grande partie de cette population a un niveau scolaire modeste (primaire) (42%), voire sans diplôme (37%). Les personnes ayant un niveau supérieur ne dépassent pas les 21%.
Comment peut-on expliquer ce faible taux de régularisation ? En effet, les avis sont partagés. Alors que certains observateurs et acteurs associatifs pointent du doigt une interprétation restrictive de la circulaire interministérielle et le manque de souplesse de la part des commissions au niveau de son application.
Ils estiment que les fonctionnaires sont rigides dans le traitement des dossiers alors que ces mêmes fonctionnaires manquent d’une formation juridique adéquate et d’une maîtrise des critères de sélection dont l’interprétation diffère d’un bureau à l’autre.
Pis, on reproche à ces fonctionnaires la non-maîtrise des langues étrangères alors que l’opération de régularisation de la situation des étrangers en séjour illégal au Maroc concerne plus de 93 nationalités. Pour d’autres, le faible taux de régularisation trouve son explication dans l’essence même de cette opération. Pour eux, il s’agit bel et bien d’une opération exceptionnelle destinée à régulariser la situation illégale de certaines catégories de la population migrante qui répondent à certains critères et n’est pas ouverte à tout le monde. Elle concerne, en priorité, les étrangers conjoints de ressortissants marocains justifiant d’au moins deux ans de vie commune, les étrangers conjoints d’autres étrangers en résidence régulière au Maroc et justifiant d’au moins quatre ans de vie commune, et les enfants issus des deux cas susvisés.
Sont également visés les étrangers disposant de contrats de travail effectifs d’au moins deux ans, les étrangers justifiant de cinq ans de résidence continue au Maroc, et les étrangers atteints de maladies graves et se trouvant sur le territoire national avant le 31 décembre 2013.
D’après ces observateurs, c’est le manque de communication autour de cette opération et l’impertinence de certains critères qui ont entraîné la hâte des immigrés à déposer leurs dossiers auprès de 83 bureaux des étrangers. C’est le cas des étudiants qui ont déposé en masse leurs demandes de régularisation alors qu’ils ne remplissaient pas les conditions exigées par la circulaire interministérielle. A Fès, à titre d’exemple, sur les 2.000 demandes déposées, 1.500 ont été déposées par des étudiants.
C’est le cas également pour un grand nombre de migrants qui ont mal compris la condition de cinq ans de présence sur le sol marocain. Beaucoup d’entre eux ont pensé qu’il suffisait d’être présent au Maroc pendant cinq ans pour remplir cette condition alors que la circulaire exige l’arrivée au Maroc avant le 31 décembre 2008.
Des limitations qui ont refroidi les ardeurs de nombre de personnes qui espéraient régulariser leur situation administrative comme en atteste le rythme des dépôts de dossiers qui semble en retrait par rapport à celui enregistré lors des deux premiers mois de cette opération qui ont été marqués par le dépôt de près de 77% de l’ensemble des dossiers.
Qu’en est-il des personnes déboutées ? Leur sort est désormais entre les mains de la Commission nationale de recours pour la régularisation des migrants en situation administrative irrégulière que vient d’installer le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) à Rabat après des mois d’attente.
Présidée par le CNDH, cette commission est composée de représentants des ministères chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration, de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Coopération, de l’Emploi et des Affaires sociales, de la Délégation interministérielle aux droits de l’Homme (DIDH), d’acteurs associatifs et de personnalités qualifiées.
Elle aura pour mission de revoir, sur la base de critères conformes à la Constitution et au droit international des droits de l’Homme ou des critères humanitaires, les dossiers soumis aux commissions provinciales de régularisation. Une tâche qui semble énorme et dure à mener vu le taux d’avis défavorables émis par les commissions estimé à 11.510 cas. Ceci d’autant plus que cette commission est appelée à statuer sur l’ensemble des recours déposés avant la fin de l’année.
« Nous avons proposé de procéder par catégorie», nous a expliqué Hicham Rachdi, membre de la commission avant d’ajouter : « Nous avons également demandé l’assouplissement de certains critères et la régularisation de certaines catégories comme les personnes mariées à des Marocains ou le cas des familles établies au Maroc ».
1 Juillet 2014, Hassan Bentaleb
Source : Libération