jeudi 4 juillet 2024 16:15

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Transferts des fonds : agenda post-2015

Avec la fin des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), il semble fondamental que les discussions actuelles sur l’agenda post-2015 prennent en compte les enjeux que représente la migration dans le monde d’aujourd’hui.

Les objectifs du millénaire pour le développement ont constitué une formidable occasion de mobilisation de la communauté internationale pour apporter des réponses à un des déséquilibres mondiaux parmi les plus importants, c’est-à-dire l’écart de plus en plus croissant des richesses entre pays du Nord et pays du Sud. Des progrès importants ont été réalisés dans le domaine de la scolarisation primaire où le taux est passé de 58 % à 76 % pour l’Afrique subsaharienne entre 1990 et 2010.

Des avancées dans la lutte contre le sida et le paludisme sont à noter aussi. La baisse du nombre de contaminations par an du VIH est passée de 1,92 à 1,08 en Afrique australe et unerégression des décès dus au paludisme de plus de 25 % depuis 2000 a été enregistrée. À souligner également une amélioration notable de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Toutefois, d'énormes progrès restent à faire pour réduire les déséquilibres mondiaux et qu’il faudrait plus de générosité de pragmatisme et d’ingéniosité en matière d’accès aux financements dans les pays en développement.

 Une des recommandations du consensus de Monterrey en 2002 pour le financement du développement était d’encourager les sources de financement innovantes. Or, la mobilisation des ressources de la diaspora constitue une formidable source qu’il faudrait utiliser pour financer le développement. En 2002, la mobilisation des ressources en provenance de la diaspora n’était pas discutée, rien n’en empêche, aujourd’hui à ce qu’une telle manne soit inscrite à l’ordre du jour des discussions ; d’autant plus que la question a déjà fait l’objet des débats au G8 de 2010 à Cannes, en France.

A priori, l’ampleur des envois de fonds par les migrants devrait encourager les États à mettre en place des politiques appropriées afin d’optimiser leur impact sur le développement. En 2013, les migrants des pays en développement ont envoyé environ 414 milliards de dollars à leurs familles, soit presque trois fois le montant de l’aide publique au développement. En Afrique, les transferts en 2013 étaient plus importants que l’aide publique au développement et les investissements directs étrangers reçus par le continent.

Des millions de personnes comptent sur ces fonds pour payer l’éducation des enfants, les soins de santé, l’eau et l’assainissement. S’ajoute à cela le fait que les envois de fonds ont des avantages macroéconomiques conséquents pour les pays bénéficiaires et concourent au paiement d’importations indispensables souvent dans les pays où une majorité de la population compte sur cette ressource pour faire face aux besoins essentiels tels que l’alimentation de base. Donc inutile de dire que l’agenda post-2015 doit tenir compte de cette question en fixant deux objectifs réalistes avec des indicateurs à atteindre.

Le Premier objectif est de ramener le coût de transferts jusqu’à 5 %. Les chefs d’État des pays du G8 à Canne en France ont déjà formulé leurs souhaits de voir baisser le coût de transfert jusqu’à 5 % avec date limite en 2015. Malheureusement, il serait difficile d’atteindre cet objectif d’ici l’année prochaine, tant les initiatives au niveau international qu’au niveau national sont très limitées. Or inscrire cet objectif dans l’agenda post 2015 du financement du développement serait une formidable occasion de faire un grand partenariat global plus élargi que le G8.

Actuellement, une grande partie des ressources envoyées par la diaspora à leurs proches est ponctionnée par les firmes multinationales qui bénéficient d’une position de monopole dans les pays pauvres plus particulièrement en Afrique. Les intermédiaires financiers prélèvent environ 12 % en Afrique sur les envois de fonds, soit 1,8 milliard de dollars US en 2013 alors que la moyenne dans le monde est de 9 %. Afin d’atteindre cet objectif, il faudrait agir sur deux niveaux.

Au niveau international, l’engagement serait que les pays du Nord facilitent à ce que des opérateurs des pays du Sud puissent opérer plus aisément dans leurs pays en faisant en sorte que la réglementation en vigueur ne soit pas un obstacle insurmontable comme c’est le cas aujourd’hui où les pouvoirs des grandes firmes déjà établies sont ainsi renforcés. En réduisant les barrières réglementaires à l’entrée dans le secteur des transferts, la concurrence serait encouragée et indiscutablement le consommateur se verra avantagé par la baisse du prix.

Quant au niveau national, du côté des pays du Sud, l’engagement serait d’agir au niveau réglementaire, en éliminant les clauses d’exclusivité faites souvent aux majors du secteur, et en permettant que des sociétés de transferts puissent exister autres que les banques pour réaliser des transferts internationaux. Aujourd’hui, dans la plupart des pays africains, les marchés des transferts des fonds sont caractérisés par des réglementations archaïques qui ne sont plus adaptées aux évolutions actuelles des économies marquées par la mobilité des facteurs de production (travail et capital). Et ce type de réglementation décourage les diasporas africaines à investir dans leurs pays d’origine.

Le Deuxième objectif serait d’encourager les migrants à investir dans leurs pays d’origine dans des projets de développement. Contrairement à d’autres régions du monde, notamment en Amérique latine, où les pouvoirs publics ont compris les enjeux que représente la diaspora dans le processus de développement, il semblerait que sur le continent africain, la prise de conscience soit tardive et le chemin à parcourir reste à être défini pour que les politiques économiques mises en œuvre dans ces pays reflètent bien les enjeux de la migration et surtout les opportunités qu’elle représente.

Certains pays reconnaissent la double nationalité aux migrants afin de leur éviter les tracasseries administratives pour entrer et séjourner sur le territoire national. Dans d’autres pays où il y a un contrôle sur le taux de change, les migrants sont autorisés d’ouvrir de compte en devise. Des mesures fiscales telles que la non double imposition et des exonérations fiscales sur les investissements réalisés sur le plan local constituent également autant des mesures qui sont mises en place afin d’encourager la diaspora à investir dans leurs pays d’origine.

Cet appel aux ressources de la diaspora ne veut pas dire absolument que les transferts des migrants doivent se substituer à l’aide publique au développement. Au contraire, ces deux sources de financement doivent être complémentaires, l’une renforçant l’autre. L’aide publique au développement pourrait permettre à ce que les transferts des migrants puissent s’accroître en finançant l’assistance technique que les pays africains auront besoin pour faire les réformes nécessaires au niveau réglementaire. Une telle démarche permettrait de rendre concrets les engagements de réduction du coût de transfert. 

12/10/2014, ISMAEL MAHAMOUD 

Source :.lesechos.fr

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