vendredi 15 novembre 2024 14:21

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Opéra-Bastille : l'affaire qui relance le débat sur le voile intégral dans les lieux publics

Un couple de touristes du Golfe a dû quitter une représentation de la Traviata à l'Opéra-Bastille : la dame était intégralement voilée, ce qui est interdit en France…

Voilà une Traviata qui a fait tousser, dans l'atmosphère feutrée de l'Opéra Bastille…

L'affaire a eu lieu le 3 octobre dernier, mais ce n'est que maintenant qu'elle émerge. Le spectacle, La Traviata de Verdi, donc avait largement commencé lorsque des artistes qui jouaient sur scène ont remarqué au premier rang la présence d'une femme entièrement voilée, dont les vêtements ne laissaient apparaître que les yeux. Un constat également enregistré par les écrans de contrôle de la salle.

Cette tenue a ému certains artistes, dont des choristes, qui ont alerté le directeur adjoint du théâtre. Les artistes avaient expliqué qu'ils ne continueraient pas de chanter en présence de cette personne qui manifestement enfreignait la loi française…

Au sein de l'Opéra-Bastille, la question s'est ensuite posée de savoir comment cette femme avait pu entrer dans cette tenue sans que personne ne lui en fasse la remarque, pour rejoindre les places très en vue du premier rang, des fauteuils à 231 € pour la représentation !

Le ministère s'en mêle

Aussi, lors de l'entracte, un contrôleur est allé voir le couple et a indiqué qu'en France, ce genre de tenue était interdit. On a demandé aux personnes, un couple de touristes du Golfe, que la dame se découvre ou que le couple quitte la salle. Le monsieur a demandé à la dame de se lever et ils sont sortis, sans d'ailleurs que cela occasionne le moindre incident.

«Cela a duré peu de temps, ça s'est passé de manière fluide», rapporte Jean-Philippe Thiellay, le directeur adjoint de l'Opéra de Paris

Au-delà de l'émoi engendré au sein même de l'Opéra Bastille, cet événement a suscité un débat qui est remonté jusqu'au ministère de la Culture. Celui-ci indique de son côté qu'une note est en cours de rédaction afin de rappeler la consigne à suivre aux théâtres, musées et autres établissements publics sous sa tutelle.

«Nous avons jugé utile d'informer de l'état du droit l'ensemble des établissements publics relevant du ministère», explique-t-on au ministère, «afin de faire respecter le droit, harmoniser les réactions et prévenir les difficultés».

Les règles devront être bien claires, car l'Opéra Bastille cherche à faire venir à ses représentations les touristes du Moyen-Orient au fort pouvoir d'achat. Une clientèle qu'il ne faudrait pas non plus froisser…

Niqab à Trappes : pas d'appel

Cassandra Belin, la femme au niqab dont le contrôle d'identité mouvementé en juillet 2013 avait mis le feu à Trappes (Yvelines), renonce à faire appel, alors que son nouveau procès était prévu demain à Versailles.

La jeune femme, convertie à l'islam depuis ses 15 ans avait été condamnée à un mois de prison avec sursis, pour avoir insulté et menacé trois policiers lors de ce contrôle.

Elle avait également été condamnée à 150 € d'amende pour le port du voile intégral.

Jean-Michel Ducomte, Avocat, universitaire, politologue à Toulouse.

«Cette loi est inapplicable»

Vous qui êtes avocat, universitaire, spécialiste et défenseur de la laïcité, quel sentiment vous inspire cet incident qui s'est déroulé à l'Opéra Bastille, avec une femme voilée ?

Ce débat est symptomatique de l'incapacité persistante de notre pays à mettre en œuvre la laïcité, et nous pose devant l'impossibilité de mettre en œuvre cette loi qui est en elle-même une erreur. Tout cela me paraît tenir d'une sorte d'imbécillité sociale manifeste. La République montre au monde entier qu'elle est incapable de donner une réponse intelligente à quelque chose qui pourrait se définir comme la diversité. Et en l'occurrence, le recours à la loi me paraît ici totalement contre-productif…

Vous portez un jugement sévère sur cette loi… Pourquoi ?

Parce que personne ne peut l'appliquer ! Dites-moi ce qui serait arrivé si cette dame avait voulu rester et garder son voile ? Personne ne pouvait la contraindre ! Allait-on alors lui arracher son voile ? Est-ce concevable ? D'ailleurs, dans la pratique, on voit bien que cette loi est inapplicable. Les policiers sont-ils en mesure de la faire respecter ? Et les magistrats ? Que peuvent-ils faire ? Enlever de force ? On pourra distribuer toutes les amendes du monde, on restera à la surface du problème en refusant d'admettre qu'il y a des façons différentes de se comporter.

Cette loi semble pourtant satisfaire les Français, puisqu'ils demandent de l'appliquer…

Moi, j'aimerais que l'on pose la question d'une manière différente et que l'on demande ce qui est, non pas sur les têtes, mais dans les têtes : on veut s'attaquer au symptôme, qui est le port du voile, plutôt qu'à ce que pense cette dame. Cela démontre le côté, je dirais infantile d'une telle législation !

Que faut-il faire ?

Est-ce qu'on sait ce que pense vraiment cette femme au fond d'elle-même ? Que peut-on penser d'une loi qui va s'attacher à une pièce de vêtement ? Est-ce bien sérieux ? Est-ce que l'interdit est la bonne méthode ? Est-ce qu'on se souvient qu'il y a deux siècles, l'empereur Napoléon avait interdit aux femmes le droit de porter le pantalon ? Qu'est-ce que pouvait signifier une telle mesure ? On sait qu'aujourd'hui elle est ridicule, alors ? En tout cas, moi, je reste convaincu que cette loi est une erreur stratégique et que ce n'est pas ainsi que l'on doit défendre la laïcité.

21/10/2014, D. D.

Source : ladepeche.fr

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