jeudi 28 novembre 2024 06:31

L’amnistie concerne les étrangers qui séjournent illégalement depuis au moins le 20 décembre 2007, ainsi que ceux qui se sont vu refuser le statut de réfugié avant le 1er janvier 2010.
Quelque 8 500 immigrés clandestins ont demandé la légalisation de leur séjour en Pologne dans le cadre d’une amnistie proposée pendant six mois jusqu’au 1er juillet, a annoncé lundi le ministère de l’Intérieur.
2 300 personnes, dont 944 Ukrainiens, 611 Vietnamiens et 338 Arméniens, ont déjà obtenu des décisions positives, a précisé le ministère.
«Des personnes qui depuis 4 ans vivaient illégalement en Pologne auront enfin la possibilité de travailler légalement, d’envoyer leurs enfants à l'école, d’avoir un domicile fixe et de ne plus être victimes de divers abus», a déclaré dans une interview radiodiffusée le préfet de Varsovie, Jacek Kozlowski.
«Selon nos estimations, près de 25% des demandes sont toutefois refusées. Il s’agit en particulier d’immigrés clandestins vivant dans d’autres pays de l’UE et venus exprès en Pologne pour y obtenir la légalisation de leur séjour, souvent par groupes organisés», a-t-il ajouté.
Le nombre total d’immigrés illégaux en Pologne est officiellement estimé à entre 50 000 et 70 000.
Lancée le 1er janvier, l’amnistie concerne les étrangers qui séjournent illégalement en Pologne depuis au moins le 20 décembre 2007, ainsi que ceux des immigrés illégaux qui se sont vu refuser le statut de réfugié avant le 1er janvier 2010 mais sont restés sur le territoire polonais.
Le nombre de demandeurs dans le cadre de cette amnistie est nettement supérieur aux chiffres réunis des candidats aux deux amnisties précédentes, de 2003 et de 2007-2008, a souligné Kozlowski.
Les bénéficiaires de l’amnistie auront droit à un permis de séjour pour deux ans, pendant lesquels ils seront autorisés à travailler.
Selon les statistiques officielles, la Pologne, pays membre de l’Union européenne depuis 2004, compte par ailleurs près de 100 000 résidents étrangers légaux.
2/6/2012
Source : Libération/AFP

L'Association nationale des directeurs des ressources humaines propose de rendre trois jours fériés chrétiens «volants» afin de permettre aux salariés d'autres confessions de fêter leurs événements religieux. Une idée qui rencontre un certain scepticisme.
 Qu’est-ce qui est proposé ?
L’idée de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) est de banaliser trois jours fériés d’origine chrétienne - la Pentecôte, l’Ascension et l’Assomption (le 15 août). «Nous visons à mettre en débat cette question, car il est évident que ce type de mesure ne peut se faire sans concertation, explique Pascal Bernard, vice-président de l’ANDRH et président de la commission «Egalité professionnelle et diversité». Nous souhaitons favoriser la liberté de conscience et de conviction, tout en garantissant la neutralité de l’entreprise et la laïcité.»
«Il ne s’agit pas de savoir qui, dans une entreprise, est de quelle religion, mais il est important que chacun se sente respecté», indique-t-il. Selon lui, une telle mesure garantirait «une meilleure cohésion sociale», et un «équilibre entre vie privée et vie de l’entreprise, qui est fondamental pour que les salariés se sentent bien». Et, donc, qu’ils soient productifs.
Les fêtes de Noël, le lundi de Pâques et la Toussaint ne seraient pas concernés, en raison de «leur forte dimension sociétale».
 Quelle mise en œuvre ?
«Il faut, sur ce sujet, une concertation, une discussion très large ; nous voulons prendre le temps de faire les choses correctement», précise d’emblée Pascal Bernard.
L’ANDRH propose une négociation par branche professionnelle, et la prise en compte des régions où les demandes sont les plus importantes, comme l’Ile-de-France. Les nouvelles dates possibles pour prendre ces jours fériés seraient discutées au mois de janvier de chaque année.
Outre la question religieuse, cette proposition permettrait, d’après l’ANRDH, de mieux gérer les absences et d’éviter les départs massifs en week-end, en particulier au mois de mai. «Certains secteurs se prêtent bien à la régulation d’activité, et d’autres, pas. Par exemple, certains services publics, ou certaines usines, fonctionnent en continu», relève Pascal Bernard. L’ANDRH préconise la menée d’une expérimentation.
Est-ce que le débat est nouveau ?
Non. Eva Joly, alors candidate à l’élection présidentielle, avait déjà proposé de rendre fériées deux journées supplémentaires, pour permettre aux musulmans et aux juifs de fêter l’Aïd et Yom Kippour. L’idée avait provoqué un tollé.
La candidate d'Europe Ecologie-les Verts reprenait une idée, librement adaptée, de 2003, proposée par le chercheur Patrick Weil et adoptée par la commission Stasi. «Nous souhaitions introduire ce que nous appelions des "journées alternatives", c'est à dire laisser au choix des salariés la date d'un jour férié : la Pentecôte, une fête d'une autre religion, ou, pour les athées, la possibilité de prendre un long week-end en septembre plutôt qu'en mai par exemple», explique Patrick Weil.
Avec un double avantage, selon le chercheur du CNRS : d'abord, «en accord avec le caractère privé de la religion, dont je rappelle qu’il est inscrit dans la loi, les croyants n'auraient pas à se déclarer comme tels - ce que seuls les chrétiens n'ont pas à faire aujourd'hui pour pratiquer leur religion». Ensuite, les entreprises gagneraient en productivité, puisque tous les salariés ne seraient pas absents en même temps.
Qu’en est-il des fêtes religieuses au travail aujourd’hui ?
Onze jours fériés sont définis par le Code du travail. Six sont d’héritage chrétien : le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, l’Assomption (15 août), la Toussaint, et Noël.
Il n’existe pas de disposition, dans le Code du travail, spécifique aux absences liées à la pratique religieuse. Mais dans le secteur public, les chefs de service sont invités (par une circulaire datant de 1967) à autoriser une absence pour ce motif, dans la mesure où elle «demeure compatible avec le fonctionnement normal du service». Tous les ans, une nouvelle circulaire vient préciser la liste et les dates des fêtes concernées. Dans le secteur privé, les conventions collectives et accords d’entreprise sont variables.
En outre, un salarié dispose en moyenne de vingt-cinq jours de congés payés, et d’une dizaine de jours de RTT chaque année.
Quelles difficultés cela peut-il poser ?
Si les jours possiblement fériés sont décidés en début d’année, cela risque de poser problème pour les musulmans, car le jour exact de la fin du Ramadan n’est connu que quelques jours à l’avance. Dans un communiqué, le Conseil français du culte musulman (CFCM) préconise «la mise en place d’un calendrier lunaire basé sur le calcul scientifique (qui) permettrait aux administrations et aux entreprises de mieux prendre en compte les demandes d’absence».
La mise en place d'une telle mesure pourrait également se révéler inégale entre grosses entreprises et PME.
Quelles sont les réactions dans le monde religieux ?
Tous les responsables religieux ou communautaires se réjouissent que l’ANDRH se soucie du respect des convictions religieuses de chacun. Mais les applaudissements s’arrêtent là, pour faire place à un certain scepticisme.
Le CFCM s’est déclaré, dans un communiqué, plus favorable à une «meilleure utilisation du dispositif actuel, qui donne aux fonctionnaires et aux salariés l’autorisation de s’absenter lors des jours de fêtes religieuses non fériées» qu’à la proposition de l’ANDRH.
Pour Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le système de jours fériés actuel «n’est pas plus logique qu’un autre, mais il repose sur un héritage historique auquel il faut s’adapter». Il se dit également satisfait de l’attention portée «à la vie des gens», mais prévient : «Cela serait ennuyeux que ça devienne une revendication systématique, ou une exigence qui divise les salariés. Il ne faut pas non plus que cela soit considéré comme une obligation : tout ce qui peut favoriser le communautarisme est à bannir absolument.»
La Conférence des évêques de France explique, via son service de presse, qu’elle «reste attachée aux valeurs chrétiennes et ne souhaite faire aucune concession sur les jours fériés. Mais [qu’elle] n’est pas responsable du calendrier».
La Fédération protestante de France n’a pas encore pris position.
2/7/2012, Par KIM HULLOT-GUIOT
Source : Libération.fr

Même s’il a récemment attiré les projecteurs, le secteur du halal reste une jungle pour les consommateurs. Selon Saber Bezaza, entrepreneur lorrain qui gère notamment un supermarché de bio halal, seuls 20% des produits affichant le label serait réellement conformes aux normes alimentaires musulmanes. Il a donc décidé de créer une «Fédération française du halal», pour remplacer les mosquées dans leur rôle de certification et instaurer un label unique et fiable.
Pourquoi souhaitez-vous lancer une «fédération du halal» ?
Après avoir ouvert, en 2010, un supermarché bio halal, je me suis rendu compte du nombre croissant de problèmes dans la traçabilité : seuls 20% des produits certifiés halal le sont réellement. Ayant cherché à me rapprocher d’une fédération du halal à ce sujet, je me suis rendu compte... qu’elle n’existait pas. Du coup, on se lance pour faire bouger les lignes.
Où se situent les défaillances ?
Il existe aujourd’hui une cinquantaine de certificateurs de halal, eux-mêmes certifiés par trois grands mosquées : Paris, Evry et Lyon. Mais, dans les faits, c’est le fabriquant qui s’attribue le label halal. Quand le certificateur ne passe que trois fois par ans, le reste du temps, qui contrôle ? Même moi, qui suis du métier, je suis perdu et ne sais plus à qui me fier.
A quels genres de fraudes les consommateurs sont-ils confrontés ?
Certaines sont liées à des négligences : par exemple des machines mal nettoyées, où il reste des résidus de porcs. D’autre sont commises en connaissance de cause : si les stocks de viande halal sont épuisés, on utilise le reste en mentant au consommateur. Les faux certificats sont légion. Récemment, on a découvert un producteur espagnol dont les bonbons «halal» contenaient de la gélatine de porc. Ces dérives seraient inconcevables avec le casher juif, qui dispose d’un label unique sur lequel tout le monde se cale. Je m’inspire aussi beaucoup du bio pour le côté clarté et transparence.
Quelles seront les missions de cette fédération ?
Elle visera à remplacer les mosquées pour la certification du halal, car ce n’est pas leur travail. Nous voulons regrouper les producteurs, les consommateurs, les certificateurs, créer une charte signée par nos membres, et lancer un label unique. Nous serons aussi une interface médiatique pour répondre aux questions sur le halal. De nombreux clients et producteurs ont déjà fait connaîte leur intérêt. De plus, le halal ne s’arrête pas aux produits alimentaires : il y a aussi le cosmétique, le stockage, demain peut-être la finance islamique...
Votre projet peut-il intéresser des non-musulmans ?
Dans mon supermarché, la moitié des clients ne sont pas musulmans. Certains trouvent que la viande halal, vidée de son sang, est meilleure. D’autres sont d’anciens alcooliques, qui savent que, dans la plupart des produits courants, il y a des traces d’alcool – mais pas dans le halal. Il y a aussi des gens allergiques à la gélatine de porc, ou qui veulent l'éviter car ils font un régime.
Quand votre fédération sera-t-elle lancée ?
Les statuts ont été déposés il y a trois semaines, et nous visons un lancement le 20 juillet, pour le démarrage du Ramadan.
La polémique sur le halal, pendant la campagne présidentielle, a-t-elle eu un rôle dans votre décision ?
Elle a été décisive, car, à l'époque, les politiques qui attaquaient le halal n’avaient aucun interlocuteur prêt à leur répondre. Les mosquées n’ont pas pris la parole, car elles sont pieds et poings liés face à l’Etat. Il faut tout clarifier, et rassurer les gens qui s’interrogent devant le mot halal.
2/7/2012, DOMINIQUE ALBERTINI
Source : Libération

Cent cinquante sans-papiers, en majorité d'origine africaine, sont arrivés aujourd'hui à Strasbourg, ultime étape d'une marche qui a traversé plusieurs pays pour protester contre le sort des immigrés clandestins en Europe.
Partis de Paris le 2 juin, ils ont traversé Bruxelles, Schengen, Florange, Metz, Mannheim, Bâle, Berne, Chiasso et Turin avant d'arriver à Strasbourg, où ils doivent rencontrer des parlementaires européens réunis cette semaine en session. Ces sans-papiers, dont certains travaillent en France depuis 15 ans selon les associations qui les soutiennent, viennent en majorité du Mali, du Sénégal, de Côte d'Ivoire ou du Cameroun.
Vêtus de chasubles jaune fluo où était inscrit "liberté de circulation pour tous", ils ont défilé dans le centre-ville de Strasbourg, a constaté un journaliste de l'AFP. Ils devaient rejoindre dans la soirée un gymnase proche des institutions européennes, où ils seront hébergés par la mairie jusqu'à jeudi. Ils seront reçus en délégation au Parlement européen, demain par le groupe socialiste, puis mercredi par les Verts. Cette marche "vise à protester contre le sort fait aux sans-papiers et aux immigrés en Europe et en France", a expliqué François Chouquet, militant de l'association Droits ici et là-bas, et l'un des responsables de la logistique de la marche.
"Notre revendication, c'est une carte (de séjour, ndlr) de 10 ans pour ceux qui sont là depuis longtemps et qui n'arrivent pas à sortir de la précarité", a-t-il ajouté. "Certains des marcheurs sont en France depuis 15 ans, ce serait des situations rocambolesques si elles n'étaient pas tristes", a-t-il dit. Les marcheurs souhaitent présenter aux eurodéputés un "cahier de doléances et de propositions concrètes" en vue d'une unification des démarches pour les travailleurs étrangers au niveau européen.
02/07/2012
Source : Le Figaro/AFP

Le 1er Congrès national constitutif “des Travailleurs émigrés du Maroc” relevant de l'Organisation démocratique du travail (ODT) s'est tenu, dimanche à Rabat, sous le thème “nous aussi, nous avons des droits”.
Lors de la séance d'ouverture du congrès, le président de l'ODT, Ali Lotfi a indiqué que cet événement intervient dans le cadre de l'approche syndicale et sociale de l'Organisation, adoptée à l'occasion du 1er congrès, tenu en mars à Bouznika, lors duquel il a été convenu à l'unanimité de la création d'un syndicat des émigrés marocains.
Ce nouveau projet syndical et social a été conçu et mis en œuvre en partenariat avec des organisations syndicales et des acteurs sociaux, en vue de protéger et encadrer cette catégorie dans une structure qui défend leurs droits, a-t-il souligné.
“Les Travailleurs émigrés du Maroc” ambitionne de défendre les droits syndicaux de ces travailleurs, consolider leurs acquis et améliorer leurs conditions de vie et de travail, en plus de la lutte contre toutes les formes de violence et de discrimination dans le travail.
2/7/2012
Source : aufait

La procédure est rarissime. La Cour de révision a été saisie ce lundi des cas d’Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri, condamnés à vingt ans de prison pour un meurtre commis en 1997, à Lunel (Hérault), qu’ils ont toujours nié. Sans succès, puisqu’ils ont passé respectivement onze et treize ans derrière les barreaux.
Mais après une lutte judiciaire de longue haleine, Azzimani et El-Jabri pourraient obtenir un nouveau procès et être acquittés. Depuis 1945, la procédure devant la Cour de révision - ultime recours possible en droit français - n’a abouti qu'à sept acquittements. Parmi lesquels les dossiers de Patrick Dils et Roland Agret, notamment.
Il est 14 heures passé de quelques minutes quand Abderrahim el-Jabri sort de son audience devant les magistrats de la commission de révision des condamnations pénales. Celle-ci vient, dans un document d’une dizaine de pages, rendre la décision tant attendue. «L'état des investigations exclut toute participation de MM. Azzimani et el-Jabri à la commission du meurtre», écrit-elle. En clair, la Cour de révision va être saisie dans les prochains mois.
108 coups de couteau
Souliers marrons, veste et pantalon beige, Abderrahim el-Jabri «n’arrive pas à trouver [ses] mots». Le petit homme de 47 ans est «vidé», mais «ému et content». «C’est un pas vers la vraie justice, soupire-t-il. Quinze ans de procédure, c’est long. On sent l’acharnement. Mais la justice fait son travail. Les erreurs, cela arrive, malheureusement.»
Aux yeux de Roger-Marc Moreau, le détective qui l’assiste depuis près de dix ans, le revirement de la justice tient pourtant du «miracle». Il faut dire que depuis le 22 décembre 1997, tout semblait s’acharner contre les deux accusés. Au petit matin, un homme découvre un corps ensanglanté à Lunel, au bord d’un chemin de campagne. Lacéré de 108 coups de couteau, Abdelaziz Jhilal - «Azouz» pour ses amis - gît là depuis la veille au soir. Il a 22 ans. Les enquêteurs découvrent que Jhilal, dealeur de cannabis, traîne une réputation d’arnaqueur. Ils s’orientent rapidement vers la piste d’un règlement de comptes.
Leurs écoutes téléphoniques les mènent vers Azzimani et El-Jabri, qui fournissaient «Azouz» en cannabis. Le jour du meurtre, ils avaient rendez-vous avec la victime, qui leur devait 45 000 francs pour une livraison de 5 kg de shit. Pour les gendarmes, le mobile du meurtre est clair. D’autant qu’un témoin, Errol Fargier, jure les avoir reconnus lors d’une altercation avec Jhilal le jour du meurtre. Qu’importe si l’homme, un peu illuminé, est persuadé que les faits ont eu lieu dans l’après-midi du 21 décembre, alors que le légiste situe l’heure du décès aux alentours de 20 h 30. Les enquêteurs bouclent leur enquête. En avril 1998, El-Jabri et Azzimani sont écroués, malgré leurs dénégations, pour trafic de stupéfiants et homicide volontaire.
Déclarations farfelues
La justice ne dispose d’aucune preuve matérielle et ne compte que sur les déclarations de Fargier. «Plus le dossier est mince, plus elle a tendance à en faire des tonnes», estime Roger-Marc Moreau. De fait, lors du premier procès, en 2003, les coaccusés écopent de vingt ans de prison, malgré les déclarations imprécises voire farfelues de Fargier à la barre. Peine confirmée en appel un an plus tard à Perpignan, cette fois-ci pour une «simple» complicité de meurtre.
Roger-Marc Moreau, connu pour avoir travaillé sur le dossier Omar Raddad, est engagé par les familles des condamnés. Il interroge Fargier à plusieurs reprises, souvent sous l’objectif des caméras, «afin de médiatiser l’affaire». Le principal témoin s’empêtre dans des déclarations contradictoires. En 2008, il déclare même avoir confondu El-Jabri avec un autre homme. L’avocat général, saisi de doutes, engage une demande de révision devant la Cour de cassation. Sans succès.
Le dossier est rouvert en 2009. Sous la pression de la défense, les traces ADN prélevées sur la scène de crime sont inscrites au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). «Cela semblait anodin, mais ça contribuera à innocenter El-Jabri et Azzimani», dit Roger-Marc Moreau. En effet, un an plus tard, un manutentionnaire de 30 ans, Michel Boulma, voit son ADN prélevé dans le cadre d’une enquête sur des vols à l'étalage commis dans le supermarché où il travaille.
L'ADN parle, presque par hasard
«Il y a un double miracle dans cette affaire, résume Jean-Marc Darrigade, un des avocats des deux accusés. Déjà, parce que Boulma n'était même pas impliqué dans cette procédure. Il s’agissait juste de vérifier que le personnel de la supérette n'était pas complice des vols.» Ensuite, parce que le Fnaeg va rapidement parler. L’ADN de Boulma correspond à celui retrouvé en 1997 autour du corps de Jhilal. «Heureusement qu’il s’est blessé lors du meurtre et qu’il a laissé son sang sur le rétroviseur et l’appuie-tête de la voiture, ainsi que sur la chaussette de la victime», résume Me Darrigade.
«Les gendarmes l’ont convoqué, et il est passé à table tout de suite. Il s'étonnait même qu’il n’ait pas été confondu plus tôt», se souvient Roger-Marc Moreau. Boulma donne un complice, Bouziane Helaili, 32 ans, directeur du centre de loisirs de Lunel, qui n’avait jamais eu affaire à la justice. Les deux hommes, qui écartent toute responsabilité des deux premiers accusés, continuent aujourd’hui à s’accuser des coups mortels.
Pour Roger-Marc Moreau, ses clients, dealers et maghrébins, étaient les coupables idéaux. «Lors de leur procès en appel, en 2004 à Perpignan, l’ambiance était délétère», se souvient-il. Mais Abderrahim el-Jabri, lui, ne veut plus penser à ses longues années de détention. «C’est pire qu’un combat, c’est une guerre, confie-t-il. Il ne faut pas se laisser aller. Je m’attendais souvent au pire, j’ai quand même été déçu.» Pour tenir en prison, il s’en remet «au sport et au spiritualisme».
«Ils n’ont jamais désarmé et se sont battus dans le respect des voies de droit», juge Jean-Marc Darrigade, qui suit les deux hommes depuis quatorze ans. «Même en prison, ils n’ont jamais commis d’actes de rébellion ni subi de procédure disciplinaire.» Depuis leur libération conditionnelle - en 2009 pour Azzimani, en 2011 pour el-Jabri - les anciens coaccusés peinent à retrouver une vie normale. Le premier souffre d’un eczéma chronique qui le handicape grandement pour son travail de garagiste. Le deuxième, de nationalité marocaine, jongle avec les récépissés de titre de séjour de trois mois. «Aujourd’hui, je veux me marier, avoir des enfants, souffle-t-il. Aller me recueillir sur la tombe de mon père, aussi, qui est enterré au Maroc.»
2 juillet 2012, SYLVAIN MOUILLARD
Source : Libération

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