vendredi 5 juillet 2024 20:45

Aujourd’hui les héritières des pionnières de l’immigration, ces « oubliées » de l’histoire, lancent un appel initié par Yamina Benguigui et signé par des personnalités du monde du cinéma, de la culture et de la politique.

L’appel: Françaises, les grandes oubliées.

Le statut des femmes est un baromètre implacable de l’état d’avancement d’une société. En France, les femmes ont conquis par un siècle de luttes et d’engagement politique un statut d’égalité qui leur permet aujourd’hui d’être des citoyennes à part entière.

Pourtant, depuis des décennies, des Françaises, oubliées dans des territoires en souffrance, devenus aujourd’hui les sismographes de toutes les tensions sociales du pays, ont été les « laissées pour compte », dans leur rôle de femmes et de mères.

Qui sont ces grandes « oubliées de l’histoire pourtant venues pour servir l’intérêt de la France ?…

Les premières sont arrivées au moment du rapatriement des harkis, qui avaient combattu pour la France, à la fin de la guerre d’Algérie en 1962. Débarquées sur le territoire national, avec leurs maris, elles seront parquées dans des camps, organisés de manière à rendre impossible toute intégration à la société française : aucun contact avec la population environnante, l’éducation des enfants, à l’intérieur du camp, loin des écoles de la République.

Les deuxièmes sont arrivées en 1974, lorsque suite au premier choc pétrolier, le gouvernement Chirac à la demande du patronat, décide de fixer sur place les travailleurs maghrébins, recrutés seuls dans les années 50, en les obligeant à faire venir massivement leur famille sur le sol français : ce sera le regroupement familial organisé pour des raisons strictement économiques. Une idée expérimentale avait germé au sein du patronat : créer à demeure une fabrique d’OS (ouvriers spécialisés dans un geste).

Commence alors une immigration de femmes, qui vont s’arracher à leur environnement et à leur famille pour faire le voyage forcé de l’immigration.

A leur arrivée, leur premier geste sera de ranger dans la valise le « foulard » qui leur couvrait la tête. En cela, elles avaient assimilé la République et la laïcité, et garderont leur foi à l’intérieur de leurs foyers.

Elles seront dirigées dans des terres industrielles, où leurs maris font corps avec leurs machines, d’abord dans des bidonvilles, puis dans les cités de transit et finiront par s’arrimer dans des « grands ensembles » désertés par la population européenne, déjà programmés pour la démolition, ou le béton s’effrite, le fer rouille, les ascenseurs ne fonctionnent plus, les petits commerces ferment les uns après les autres.

Dans ces territoires de « sous-France », marqués du sceau de la relégation, les mères vont s’enraciner là où leurs enfants vont naître et grandir. Malgré leur isolement, leurs conditions de vie et leur analphabétisme, elles auront à coeur de pousser leurs enfants vers l’école républicaine et la réussite scolaire.

C’est à ce moment-là que s’abat sur ces territoires et sur leurs maris le choc de la désindustrialisation qui va fossiliser sur place des milliers d’OS maghrébins. Le chômage et la précarité s’abattent inexorablement sur les familles.

L’instauration d’une république islamique en Iran, en 1979, jette alors sur le monde et la composante française issue de l’immigration, un voile de méfiance et de suspicion de la société à l’égard de ces Maghrébins de France en se demandant : « Comment ce musulman est-il rentré chez nous ? », en oubliant que sa présence fait partie intégrante de l’histoire de la France.

Dans les années 80, une série d’actes racistes et l’apparition d’un apartheid insidieux s’abattent sur la génération de Français issus de l’immigration…Des jeunes gens, des jeunes filles, sortent de leur invisibilité et décident de marcher pacifiquement à travers toute la France, pour crier haut et fort « J’appartiens à ce pays ! J’appartiens à cette société ! Nous voulons plus de justice et d’égalité !» Leurs cris iront mourir sous les frontons des mairies de la République.

Les mères vont prendre en main la survie de leur famille, elles désertent leurs foyers, au détriment de l’éducation des plus jeunes, pour aller à des dizaines de kilomètres, parfois avec de longues heures de transport, travailler comme techniciennes de surface dans les entreprises, les hôpitaux, les écoles, les aéroports. Peu à peu, elles deviennent chefs de famille et s’exposent à la violence des maris qui vivent très mal leur exclusion du monde du travail et perdent leurs repères.

Certaines mamans auront la fierté de voir leurs enfants devenir diplômés. Mais, à compétences égales, leur taux de chômage est trois fois supérieur à la moyenne nationale.

A la relégation sociale des familles va lentement se substituer la relégation raciale des enfants.

De modèles, les aînés deviennent contre modèles pour les plus jeunes.Beaucoup sombrent dans la délinquance et vont se retrouver dans des prisons surpeuplées…Ces jeunes Français en quête d’identité seront souvent la proie d’un islam radical importé qui va choquer les mères qui s’inquiètent et qui crient, « Ce n’est pas notre islam »

Durant ces dernières décennies, des associations féminines vont se créer et soutenir ces mères et ces femmes, mais le politique restera sourd à leurs cris et à leurs inquiétudes.

Aujourd’hui, sur d’autres bouts de France, d’autres mères crient leur souffrance et leur détresse, face à tous les maux de la nouvelle désindustrialisation liée aux délocalisations, chômage, précarité, délinquance, et redoutent de voir leurs enfants s’engager sur la voie des extrémismes, qu’elles soient du Pas-de-Calais, de la Seine Saint-Denis, du Gard, du Var ou de Toulouse.

Nous sommes aujourd’hui les héritières des pionnières de l’immigration devenues grand mères, de ces « oubliées » de l’histoire…

Qu’elles aient été femmes de harkis, mères du regroupement familial, orphelines des acquis issus des luttes féministes, elles ont accompli seules, le chemin de leur émancipation et elles ont su nous inculquer, à nous leurs filles, les valeurs de la république et de la laïcité, elles ont fait de nous des Françaises à part entière.

Ces mères et ces femmes sont le pivot essentiel de l’équilibre républicain de la société.

C’est pour cela que leur parole doit être écoutée et valorisée.

C’est pour cela, qu’au nom de toutes ces femmes, nous souhaitons « Mahaba Bikoum » Bienvenue au Président du changement.

15/5/2012, Yamina Benguigui

Source : Respect Mag

Depuis 2010, le nombre de dossiers acceptés est en chute libre. Les demandes sont désormais soumises à la discrétion des préfectures et le niveau exigé aux tests de langue a été rehaussé.

Il étale son dossier sur la table, en soufflant. Desserre sa cravate, fatigué. A 50 ans, Mahmoud a passé presque la moitié de sa vie en France. Ses racines et son passeport restent égyptiens. Il aimerait devenir français, être considéré comme un citoyen à part entière, voter. Mais toutes ses demandes de naturalisation ont été rejetées jusqu’ici. «Il y a de quoi craquer, vraiment. Je suis intégré pourtant, je ne comprends pas. Je vis en France depuis 1990, je ne suis jamais parti. Si j’étais américain ou européen, ce ne serait pas pareil, j’en suis certain.»

Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, acquérir la nationalité est devenu extrêmement compliqué. Les étrangers se heurtent à une série de barrières administratives et à l’arbitraire des préfectures. Quatre candidats

à la naturalisation - Mahmoud, Adama, Amila et Alain - racontent cette course d’obstacles interminable.

Première étape, retirer le dossier en préfecture : un formulaire administratif de sept pages, estampillé «République française». Rien de bien impressionnant au premier abord. Mais l’obtenir est déjà une épreuve en soi. Conséquence du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, de plus en plus de préfectures se retrouvent embouteillées, avec des horaires d’ouverture en pointillé. Les files d’attente aux guichets s’allongent, prenant par endroits des proportions ahurissantes. Il faut parfois passer la nuit devant les grilles pour espérer être reçu le lendemain. Dans certains départements, le formulaire se télécharge directement sur le site internet, mais pas partout.

Mahmoud connaît bien ce document, il en est à sa quatrième demande. «A chaque refus, il faut tout recommencer, repartir de zéro. La préfecture garde les documents originaux. C’est très long de rassembler toutes les pièces, ça prend la tête, vraiment.»

Pour prouver son identité, le passeport du pays d’origine ne suffit pas. Il faut un extrait de naissance «et même celui des deux parents !» souligne Mahmoud. «Vous imaginez la galère ! Je dois demander à un ami qu’il fasse les démarches à ma place au Caire. Les documents doivent ensuite être traduits par un interprète avec un tampon officiel mis d’une certaine façon, et patati, patata…»

Une certaine «moralité»

Nés au Maroc, Amila et son mari ont été confrontés aux mêmes problèmes. «Toute notre famille vit ici. Mon mari est arrivé à l’âge de 5 ans et n’est jamais retourné au Maroc depuis. C’est comme ça. On a dû payer le voyage à sa mère pour qu’elle se rende auprès de l’administration avec son livret de famille. C’était le seul moyen de récupérer son extrait de naissance. Elle a 96 ans, un tel voyage, ce n’est pas rien, nous étions très inquiets.»

Lui est technicien hygiène sécurité, elle, gérante d’une maison de repos pour personnes âgées. Ils paient des impôts, leurs quatre enfants sont nés en France. Longtemps, ils ont vécu avec leur passeport marocain sans se poser trop de questions. Mais dans le climat ambiant de stigmatisation de l’étranger et des conditions toujours plus drastiques pour faire renouveler ses papiers, ils ont déposé une demande conjointe de naturalisation. «Pour rendre la vie plus simple», disent-ils. Ils croisent les doigts, leur requête est sur le point d’aboutir.

Les conditions exigées par la loi n’ont cessé de se durcir ces dernières années. Il faut désormais prouver que l’on vit dans l’Hexagone depuis au moins cinq ans, sauf exception. La moindre période d’irrégularité, même de quelques mois, suffit pour motiver un refus. Il faut aussi une certaine «moralité», autrement dit ne pas avoir eu affaire à la police et à la justice. «Le demandeur doit avoir en France le centre de ses intérêts matériels (notamment professionnels) et de ses liens familiaux», dit encore la loi.

Or, l’interprétation des textes varie d’une préfecture à l’autre. «Dans le département où j’ai fait la demande, cela veut dire avoir un travail stable et un logement à son nom», explique Adama, réfugié politique. Il a fui la Côte-d’Ivoire en 2005, où toute sa famille a été décimée durant les années de guerre civile. Obtenir la carte d’identité française serait pour lui «une nouvelle naissance», une chance de se reconstruire. Il a les yeux brillants de ceux qui mènent un lourd combat. La voix posée, il s’interroge : «Est-ce un crime de vouloir appartenir à une nation ? Pourquoi la France rend-elle l’intégration si difficile ?»

Mahmoud, lui, s’emporte, furieux. Il nous tend la dernière lettre de refus. «Lisez. On me refuse la naturalisation parce que je suis en CDD. Or, je suis employé municipal. Le maire est d’accord pour me titulariser comme fonctionnaire à condition que je sois français ! Vous voyez le problème ? Je tourne en rond, je suis coincé. C’est à péter les plombs, cette histoire.»

Des aberrations de ce genre, Laurence, bénévole dans une association d’aide aux immigrés, en a plusieurs à l’esprit. Comme Alain, 21 ans, étudiant en économie à la Sorbonne, à qui on refuse la nationalité parce qu’il ne remplit pas le critère de l’autonomie matérielle. «A ce compte-là, autant interdire à tous les étudiants de déposer une demande de naturalisation ! Mais j’en connais qui l’ont obtenue quand même. Pourquoi pas moi ?

L’argument de la préfecture ne tient pas, c’est ce qui me vexe le plus. Au début, j’ai cru qu’ils n’avaient pas compris que j’avais grandi en France.»

Originaire du Bénin, Alain a quitté son pays à l’âge de 6 ans pour rejoindre sa mère installée en France. «Elle aussi a eu beaucoup de difficultés. On lui a refusé trois fois la naturalisation avant de la lui accorder. Je sais qu’il ne faut pas lâcher, elle me l’a souvent répété. Mais je pensais que pour moi, ce serait plus facile, j’ai ma vie ici, mes souvenirs. J’ai écrit un courrier courtois à la préfecture pour leur expliquer. Ils n’ont rien voulu savoir. On m’a conseillé de ne pas engager d’avocat pour ne pas braquer l’administration. J’en suis là.»

Au-delà de la sévérité de la loi, c’est «l’arbitraire du guichet dans un système totalement discrétionnaire» qui hérisse Catherine de Wenden, directrice de recherches au CNRS et spécialiste des migrations. «Avant, l’examen des procédures était centralisé à la sous-direction des naturalisations, près de Nantes. Cela prenait plus de temps mais au moins il y avait une égalité de traitement. Aujourd’hui, certes les délais sont réduits mais en termes de libertés publiques, c’est une attaque grave.»

Thermomètre politique

Longtemps, la naturalisation, symbole par excellence de l’intégration, a été préservée des aléas politiques. La procédure était purement administrative. Le virage s’est opéré sous l’ère Sarkozy. Depuis 2010, les

naturalisations sont gérées par les préfectures. En fonction du thermomètre politique. Ainsi, en janvier, l’ancien ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, se réjouissait d’une baisse de 30% des naturalisations par décret entre 2010 et 2011 : de 94 573 à 66 273. S’y ajoutent les acquisitions de nationalité par mariage : environ 20 000 par an.

La conception même de la naturalisation a changé, poursuit Catherine de Wenden. «Jadis, c’était une porte d’entrée pour permettre l’intégration. Aujourd’hui, la logique est complètement inversée. La naturalisation est devenue un certificat de bonne conduite. On examine le passé. Pour être naturalisé, il faut apporter la preuve

qu’on est déjà intégré.» Le pompon, c’est que depuis le 1er janvier, les candidats doivent ajouter à leur dossier une attestation de maîtrise de la langue française. Jusqu’alors, l’agent de la préfecture vérifiait lui-même le

niveau du candidat lors d’un entretien. Désormais, l’examen se déroule en amont, dans un centre agréé. Le niveau d’oral exigé est élevé, il correspond à celui d’un élève de troisième.

Adama a dû débourser 110 euros pour passer les épreuves. Chaque organisme est libre de fixer ses prix. «Il y a des mois d’attente, c’est très difficile de trouver une place, rapporte-t-il. On passe l’examen sur ordinateur, donc il faut un minimum de maîtrise informatique. Les questions ne sont vraiment pas simples, et on dispose de peu de temps pour répondre. Sachant qu’à chaque mauvaise réponse, c’est des points foutus en l’air. J’attends toujours les résultats. Sans cette attestation, je ne peux avoir de rendez-vous à la préfecture pour l’entretien.»

Des entretiens blancs

L’entretien, dernière étape. La barrière ultime à franchir. La naturalisation n’est pas un droit. Même si les conditions sont réunies, l’administration est libre de la refuser. La loi est très claire sur ce point. Pendant trente minutes, l’agent pose un tas de questions, parfois intrusives. Chabane, 34 ans, français depuis peu, raconte : «On m’a demandé quelles étaient mes fréquentations, la couleur de peau de mes amis, leur nationalité. Pour voir si j’étais bien intégré.» Autre question qui revient souvent : «Pourquoi souhaitez-vous devenir français ?»

«On les prépare, on fait des entretiens blancs. Il ne suffit pas d’être prêt sur le plan administratif, il faut qu’il le soit émotionnellement. Cela fait remonter beaucoup de choses du passé», explique Viviane Schiavi, de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (Asti) d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Ces derniers temps, elle constate une hausse des demandes d’aide. «On épaule entre dix et quinze personnes en ce moment contre deux ou trois les années précédentes. C’est devenu tellement dur.» Bientôt, il faudra aussi les entraîner à répondre à des QCM de culture générale. Avec des questions du type : «A qui associez-vous l’Arc de triomphe : Napoléon ? Le général de Gaulle ? Jules César ?» Le décret entre en vigueur au 1er juillet. Que va faire le

nouveau président ? Nul ne le sait : pendant la campagne présidentielle, François Hollande ne s’est pas prononcé sur la question des naturalisations.

Les gagnants de cette course d’obstacles et de nerfs auront droit à une cérémonie à la préfecture, avec buste de Marianne pour les photos, Marseillaise et petit film sur l’histoire de France. Mahmoud espère en passer par là, un jour. Mais sans illusion. «Lors de ma première demande de nationalité, j’avais coché la case pour franciser mon prénom. J’ai abandonné l’idée depuis. J’ai compris que même si j’obtiens le passeport français, je ne serai jamais considéré comme un citoyen à part entière, au mieux comme un Français de deuxième classe.»

15/5/2012, MARIE PIQUEMAL

Source : Libération

Bien souvent dans le discours du public comme dans celui des médias, voire dans celui de certains professionnels de l'éducation ou de la santé, on a l'étrange sentiment qu'adultes, jeunes, adolescents et enfants seraient tombés de planètes différentes. En particulier, on semble souvent oublier que jeunes et adultes ont été de petits enfants et que ceux-ci sont l'avenir d'une société. Or, ce que les humains ont vécu dans l'enfance les marque à jamais.

La catégorie des "jeunes" fait l'objet, en France, d'un intérêt particulier depuis une vingtaine d'années et cet intérêt a revêtu une forme inquiétante et négative depuis 10 ans. "Crapules, voyous, racailles", voilà des mots pour qualifier les jeunes qu'on a pu entendre dans la bouche du chef de l'État lui-même. On imagine bien que ce mépris affiché et ces humiliations répétées peuvent difficilement rester sans séquelles. Ce vocabulaire exécrable a été dirigé principalement vers les jeunes "issus de l'immigration", et n'a pas épargné leurs familles qui ont été à diverses reprises traitées de tribus. Il s'est étendu à des enfants de plus en plus jeunes, les notions mêmes d'enfance et de minorité semblant se déliter au fil des réformes de la justice des mineurs. De fait, depuis quelques années et plus particulièrement depuis le tristement célèbre "Rapport préliminaire Bénisti" sur la prévention de la délinquance, daté d'octobre 2004, émanant d'un groupe d'études parlementaire et destiné au ministre de l'Intérieur, l'association systématique entre immigration et délinquance est devenue, dans le discours de nos gouvernants, un "fait". Il n'est donc pas surprenant que cette association, qu'aucun travail scientifique sérieux ne vient étayer, soit devenue l'un des pivots de la campagne électorale de l'ex-président de la République même si l'argumentation a bien souvent reposé sur des contrevérités concernant les familles immigrées.

Les crimes odieux commis par Mohamed Merah ont exalté cette dénonciation de l'immigration et aggravé la confusion dans les médias et chez le public, le spectre du terrorisme venant rejoindre le fantasme d'une délinquance strictement limitée à un groupe. Dans le traitement expéditif de cette affaire, jamais n'a été évoquée la nécessité d'une réflexion sur les racines profondes de l'embrigadement religieux. Beaucoup de jeunes hommes "issus de l'immigration" sont, comme Mohamed Merah, Français, nés en France de parents qui, les démographes le savent bien, n'ont pas pris à la légère la décision de quitter leur pays, avaient de sérieuses raisons économiques de le faire, généralement une bonne formation et une indéniable capacité de se projeter dans l'avenir.

Ce n'est jamais la lie d'une société qui fait le choix de l'émigration. Durant les 20 ans où j'ai été pédiatre dans des centres médico-sociaux et médecin de PMI, j'ai reçu, par centaines, les enfants ou petits enfants de ces immigrants maghrébins ; ils venaient souvent me voir pour des troubles du sommeil ou de l'appétit, signature d'une vive anxiété. En effet, une attente considérable pesait sur eux, principalement sur les garçons et surtout les aînés. Vécus par leurs pères comme outils d'ascension sociale pour la famille, ils faisaient l'objet de pressions psychologiques extrêmes quant à leur réussite scolaire, symbole d'une émigration réussie. Bien souvent et de façon contre-productive, ces pressions étaient responsables de leur échec. Ces enfants, qui ont maintenant entre 20 et 30 ans, ont pour beaucoup vécu l'inexorable développement du chômage de leurs pères, source de disqualification du travail à leurs yeux, comme l'explique si bien Christophe Dejours dans " Conjurer la violence. Travail, violence et santé ", ainsi que la désertification des banlieues, réduites à de tristes immeubles et de gigantesques panneaux publicitaires ventant des objets inaccessibles (comme le montre le beau film de Yamina Benguigui " 9/3. Mémoire d'un territoire "), pour finalement devenir la cible des insultes du gouvernement de leur propre pays, et assis’ter à l'orchestration de la haine dans les familles.

En effet cette loi inique sur la pénalisation financière des familles d'enfants déscolarisés est effectivement appliquée. L'humiliation dans l'enfance, source de dévalorisation de soi, ne peut pas rester sans conséquences ; il suffit de penser aux Intifadas pour s'en convaincre. Il est probable que certains réagissent par le besoin compulsif d'acquérir, si nécessaire par le vol, ces biens de luxe qui leur sont interdits ; d'autres, habités à la fois par un besoin de spiritualité et une rage vengeresse, sont devenus la proie des recruteurs du terrorisme. Une chose est sûre, il s'agit là d'un échec grave de la politique d'intégration et la France est responsable de ces failles.

Mais ces jeunes "musulmans", "étrangers", "immigrés" qu'on a diabolisés ces dernières semaines sont l'arbre mensonger qui cache la forêt. Toutes les enquêtes récentes sur les consommations de drogues montrent que les jeunes les plus aisés sont les plus concernés ; la maltraitance et la souffrance des enfants sont présentes dans toutes les classes sociales (comme je l'ai montré dans "Les oubliés", ouvrage sur l'enfance maltraitée). Il faut accepter ces deux vérités pénibles : la délinquance a des racines profondes dans la souffrance, et cette dernière se retrouve aussi bien dans les " cités " que dans le huis clos des maisons bourgeoises qui ne font pas l'objet de la même suspicion.

C'est dire que la prévention de toutes les déviances chez les jeunes, qu'il s'agisse de la délinquance ou de la tentation terroriste, mais aussi du suicide, de l'addiction aux drogues doit être très précoce et que la stratégie préconisée par François Hollande est la bonne : donner des moyens à l'école maternelle et à l'école élémentaire. Certes il va être difficile de reconstruire le tissu protecteur qui entourait, il y a encore quelques années, les enfants. Que sont devenus les principaux outils : les RASED supprimés, le système de santé scolaire soigneusement détricoté et maintenant exsangue ! Oui il faut créer des postes et pas seulement des postes d'enseignants mais aussi de psychologues, infirmières, médecins...

Il va aussi falloir éviter l'écueil de la condamnation excessive, voire la diabolisation, de toute forme de repérage ou de dépistage scientifiques précoces des troubles du comportement (signes de souffrance chez le très jeune enfant), d'autant que la littérature internationale montre bien la gravité potentielle à long terme des conséquences de ces troubles lorsqu'ils ne sont pas repérés, diagnostiqués et pris en charge dans la petite enfance. En fait, loin de la stigmatisation des familles, brandie par certains professionnels (de façon compréhensible ces dernières années mais qui ne devrait plus être de mise avec le nouveau gouvernement), il est possible d'envisager des stratégies de dépistage qui reposent sur le strict respect du secret professionnel et concernent tous les enfants sans "ciblage" social ou culturel. Créer un nombre important de postes à l'éducation nationale (60 000 si nécessaire) peut aider les enseignants à être plus proches de leurs élèves, dans des classes moins surchargées, et les équipes pédagogiques et celles de santé à travailler ensemble et avec les autres professionnels présents dans les écoles ainsi qu'avec les parents. Ce n'est pas si cher payer l'avenir de notre société !

Il est vrai qu'il faut beaucoup de courage politique pour mettre en place des mesures dont on ne connaîtra pas les résultats au terme d'un mandat, voire de deux. C'est probablement l'une des grandes raisons du délaissement des enfants en tant que priorité politique, outre bien sûr le fait qu'ils ne votent pas. Si l'espoir de la croissance l'emporte sur la fatalité de l'austérité, on peut imaginer, dans le cadre d'une sorte de New deal à la française, des chantiers pour la petite enfance, et notamment des programmes d'accès à la culture. Ces petits enfants de toutes les couleurs, se tenant par la main dans les musées et faisant preuve d'une insatiable curiosité, sont, espérons le, les garants d'une société future d'égalité et d'ouverture à autrui.

15/5/2012, Anne Tursz, pédiatre, épidémiologiste, directeur de recherche émérite Inserm

Source : Le Monde

Le projet d'école secondaire musulmane d'Anderlecht avance. Les statuts du pouvoir organisateur, l'Institut Al Amal, viennent d'être publiés au Moniteur belge. Le dossier sera évoqué, ce mardi, à la commission de l'éducation de la Communauté française.

Plus de 41 % des élèves du secondaire, dans l’enseignement officiel bruxellois, sont musulmans La demande justifie la création du futur collège musulman d’Anderlecht © Belga

Si d'autres établissements d'enseignement confessionnel musulman sont déjà reconnus et subsidiés, c'est la première fois qu'un projet d'école complète, intégrant le maternel, le primaire et le secondaire est introduit, à l'administration.

Ce projet entend répondre à la saturation de nombreuses écoles bruxelloises mais aussi à l'interdiction quasi généralisée du port du foulard islamique dans les établissements du réseau officiel de la région bruxelloise, majoritairement fréquenté par des élèves musulmans (43% des effectifs dans le primaire et 41% dans le secondaire).

RICARDO GUTIERREZ

15 mai 2012

Source : Belga

Du 16 au 18 mai 2012, à Cagliari (Sardaigne), se tient la troisième rencontre de MigraMed, l’association qui réunit une vingtaine de Caritas des régions de la Méditerranée, pour mieux coordonner les efforts en direction des migrants. « Nous devons accroître le souci des catholiques envers l’immigration et les immigrants, c’est désormais un élément constitutif de notre Église », a affirmé le nouvel archevêque de Cagliari, Mgr Arrigo Miglio, en prélude à ce rendez-vous.

Un an après les révoltes dans le monde arabe, et avec la crise économique que traverse l’Europe, il a appelé les autorités gouvernementales de son pays à faciliter l’acquisition de la citoyenneté italienne pour tous les enfants d’immigrés nés en Italie.

L’Église, a-t-il dit encore « repousse l’équation trop facile entre immigration et criminalité », et espère que cette session de MigraMed pourra aider à « cheminer vers une plus grande sensibilité à l’égard des droits de la personne immigrée ».

Les Caritas des pays comme la Libye, le Liban, la Turquie, la Tunisie, le Maroc ou l’Algérie, vont notamment pouvoir confronter leurs préoccupations avec celles de leurs collègues des pays du nord, comme la France l’Allemagne, Malte, la Grèce ou l’Espagne.

15/5/2012

Source. La Croix

La situation des enseignants de la langue arabe et de la culture marocaine en fonction à l'étranger est mise à mal. Que ce 'soit en Italie, en Espagne ou en Frarice, des voix s’élèvent à l'unisson pour dénoncer leur marginalisation. La régularisation de leur situation s'impose…Suite

 

P lus que quelques semaines avant le démarrage de l'opération Transit. Cette dernière devrait être lancée dès les premiers jours du mois de juin mais le flou continue de l'entourer. En effet, côté marocain, c'est un silence radio gênant qui règne, les informations sur les actions et sur le dispositif d'accompagnement habituellement mis en place n'ont pas encore été annoncées….Suite

La Commission mixte maroco-espagnole chargée de l'opération Transit a tenu, lundi à Marrakech, une réunion de travail, avec à l'ordre du jour deux points essentiels liés à l'évaluation de la dernière opération de Transit et à la coordination au sujet du dispositif d'accueil des Marocains résidant à l'étranger (MRE), mis en place pour l'opération en cours.

Co-présidée par le wali, directeur de la migration et de la surveillance des frontières au ministère de l'Intérieur, Khalid Zerouali, et le sous-secrétaire d'Etat espagnol à l'Intérieur, Luis Aguilera Ruiz, cette réunion permettra aux deux parties d'examiner les mesures à prendre en matière de fluidité du trafic et de la sureté et la sécurité, outre les actions de proximité notamment, de suivi, d'accompagnement et de communication.

Les participants à cette rencontre se sont félicités du rôle central joué par la Fondation Mohammed V pour la solidarité, ainsi que des efforts consentis en vue d'assurer le déroulement de l'opération Transit dans de meilleures conditions, conformément aux Hautes orientations de SM le Roi Mohammed VI.

Dans une déclaration à la MAP, M. Zerouali a souligné que lors de cette réunion, l'accent a été mis sur la nécessité de parvenir aux meilleurs niveaux de fluidité, de sureté et de sécurité, outre le travail de proximité.

L'ensemble des participants ont salué le rôle fondamental de la Fondation Mohammed V pour la solidarité qui déploie des efforts colossaux dans le but d'apporter assistance aux Marocains résidant à l'étranger (MRE) lors de l'opération retour, a indiqué M. Zerouali. "Nous avons également discuté des questions d'ordre technique, notamment le plan de flotte pour s'assurer de la disponibilité des bateaux dans la perspective de garantir une offre suffisante de nature à permettre une plus grande fluidité", a-t-il précisé.

Les deux parties ont, de même, examiné la coopération sécuritaire au niveau des frontières en vue de protéger cette opération contre tout acte lié à la criminalité transfrontalière, notamment le trafic des stupéfiants et des êtres humains, a-t-il relevé, ajoutant que les discussions ont porté aussi sur les actions de proximité, dont la couverture médicale et l'assistance sanitaire, ainsi que les autres dispositions à prendre tout au long des itinéraires empruntés par les MRE.

Même si le mois sacré de Ramadan interviendra au milieu de la saison estivale et se répercutera sur les périodes de pic, "nous avons décidé de rester en contact. Nous allons identifier les points focaux et convenu de maintenir un contact permanent afin de surmonter toute difficulté qui surviendrait lors de l'opération", a signalé M. Zerouali.

Sur l'évaluation de l'opération précédente, il a rappelé les bonnes performances réalisées en matière de réduction du temps d'attente et des incidents techniques au niveau des bateaux et des autocars ou de lutte contre la criminalité transfrontalière.

"Nous sommes en train de suivre avec grande attention les mutations au niveau des habitudes de voyage, étant donné que l'aérien commence à prendre aujourd'hui de l'importance. Nous restons vigilants afin de pouvoir être à la hauteur des Hautes orientations de SM le Roi Mohammed VI", a-t-il souligné.

M. Aguilera Ruiz s'est félicité, quant-à-lui, de cette réunion préparatoire de l'opération Transit 2012, faisant observer que le gouvernement espagnol accorde une grande importance à la collaboration avec le Maroc dans ce domaine, à l'instar des opérations précédentes.

Il a réitéré l'engagement de son pays à mobiliser tous les moyens et les ressources nécessaires afin de garantir à cette opération toutes les conditions de réussite. "Nous œuvrons aussi pour raffermir et promouvoir le contact direct avec les services compétents afin d'être en mesure de transcender toute difficulté dans l'avenir", a-t-il noté.

14 mai 2012

Source : MAP

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