jeudi 16 janvier 2025 13:55

Six ans après les émeutes de Clichy-Montfermeil, le politologue Gilles Kepel et cinq chercheurs de l'Institut Montaigne se sont immergés de ces cités. Les co-auteurs de l'étude ont répondu à vos questions.

Zdf : Pourquoi l'islam est plus fort en banlieue qu'ailleurs? C'est la première religion là-bas? C'est bizarre qu'ils [ndlr : les habitants] se définissent par une religion et non par une origine, non?

Leyla Arslan et Sarah Zouheir, chercheuse et co-auteur de Banlieue de la République et Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne: Les différentes vagues d'immigration en France sont originaires de pays où l'islam est majoritaire (pays du Maghreb, notamment). Ces populations ont été concentrées dans des quartiers périphériques qui forment aujourd'hui ce qu'on appelle les "banlieues". Ces populations connaissent des problèmes sociaux-économiques très importants (chômage, isolement) et peuvent se replier sur leur religion comme "refuge" identitaire. Le discours public a tendance depuis plusieurs décennies à faire référence à la religion de ces populations ou à l'origine ethnique au lieu de les considérer comme des classes populaires.

Moi : Comment les gens peuvent s'en sortir? Quand on est mal entouré, c'est difficile d'entrevoir un avenir...

L'éducation doit jouer un rôle majeur dans l'accès à l'emploi. C'est ce qui est pointé par les habitants que nous avons rencontrés. C'est aussi vers là que doivent s'orienter les politiques publiques. On a observé que la situation était difficile mais pas désespérée. On peut citer, par exemple, le cas de nombreux entrepreneurs qui montent des projets innovants. Malheureusement, ceux-ci manquent de moyens et ont des difficultés à se faire accompagner par des structures adaptées.

zdf: Est ce que les habitants de banlieues sont attachés à leur cité ou vivent-ils là-bas parce qu'ils n'ont pas le choix? Il y a beaucoup de chanteurs, d'écrivains qui vantent les vertus de leur cité.

Les paroles des habitants rencontrés montrent un certain attachement au quartier où les habitants ont des attaches personnelles fortes (familiales, amicales, associatives, sportives). Les habitants, en majorité, ne souhaitent pas déménager mais attendent une amélioration de leur cadre de vie dans les quartiers. Ceux qui souhaitent partir, le plus souvent, désirent vivre dans des communes environnantes pour garder un lien avec leurs quartiers.

Mama : Est ce que les politiques s'intéressent vraiment à la banlieue (pas que pour les statistiques électorales). Et l'inverse?

Malheureusement, la question des banlieues peine à entrer dans l'agenda politique. Elle n'est abordée que par un biais religieux ou sécuritaire sans poser les choses de façon globale en termes de logement, d'éducation, d'emploi et de transports.

Toto: Cela fait des années que des subventions massives sont versées par le contribuable, comment expliquez-vous qu'il en faille encore plus?

La dépense publique en faveur des quartiers ne doit pas être forcément supplémentaire mais elle doit être mieux orientée. Concrètement, il faut faire évoluer les politiques publiques vers plus d'efficience et de prise en compte des réalités locales.

Julie : Est ce qu'on peut s'inspirer de ce qui se fait à l'étranger? En Allemagne, par exemple, on ne parle jamais des problèmes de banlieue.

Tout dépend de ce qu'on entend par "banlieue"...Si on fait référence aux quartiers populaires, on observe aussi des phénomènes de ghettoïsation et d'enclavement bien que ces quartiers ne soient pas périurbains mais proches des centres-villes. A Berlin, le quartier de Kreuzberg concentre un grand nombre de difficultés sociales liées à la précarité des habitants.

Clovis: Quid de l'emploi, de l'éducation et de l'accès à la culture?

La rénovation urbaine a joué un grand rôle dans l'amélioration du cadre de vie des habitants et il ne faut pas négliger cette évolution majeure. Les programmes de rénovation urbaine comprennent aussi des clauses d'insertion qui permettent aux habitants des quartiers de travailler sur les chantiers. Les premiers résultats sont encourageants mais l'effort doit continuer. Au niveau de l'éducation, les écoles des quartiers disposent de moyens supplémentaires mais ils ne sont pas à la hauteur des attentes. En somme, tout ce qui touche à l'humain doit être remis au coeur des politiques publiques.

Raton: Comment expliquez-vous l'extension de la notion "halal"?

L'autorité est souvent invoquée comme remède possible aux problèmes

Banlieue de la République revient sur l'extension de la notion du halal, de la consommation à plus largement une façon de vivre sa vie conformément à l'islam. Au niveau de la consommation, le halal ne recouvre plus uniquement les boucheries artisanales de quartier. Un nouveau marché s'est développé: foie gras halal, pizza halal, bref toute la nourriture de la mondialisation peut être retrouvée avec le label halal. Le halal est aussi une forme d'éthique de vie. Cependant, il n'y a pas seulement du religieux ou du spirituel qui transparaît dans l'explosion du halal en France mais aussi une certaine volonté d'affirmer son identité.

Clovis: Les premières victimes de la délinquance sont les personnes vivant en banlieue. Elles sont soumises au silence par peur de représailles. Mais les médias ne s'en font jamais l'écho.

Bien évidemment, ce sont les habitants des quartiers qui sont concernés par les difficultés liées à leur cadre de vie. Ces difficultés sont réelles, notamment en termes de sécurité. Cependant, cette dernière thématique a été souvent présentée de façon monolithique par les médias. Une des constats surprenants de "Banlieue de la République": les habitants interrogés ont affirmé être plutôt attachés à leur quartier parce qu'ils y ont leurs amis et leurs proches.

Duriau: Dans les banlieues, les jeunes sont souvent tard dans la rue. Ne pensez-vous pas que les familles monoparentales et le manque d'autorité parentale puissent être une des causes de la délinquance des jeunes dans les citées?

Bien sûr, la question des familles monoparentales est un problème. Aussi bien d'ailleurs au centre des villes, que dans les quartiers en difficulté. L'autorité est souvent invoquée comme remède possible aux problèmes que connaissent les quartiers sensibles... Mais elle ne se décrète pas. En revanche, l'échec massif à l'école, dès le plus jeune âge, de toute une partie, la plus fragile, de notre population est un enjeu qui devrait concentrer l'attention de l'ensemble des dirigeants politiques de ce pays. On ne peut pas vivre éternellement avec un 20% des élèves qui ignorent la lecture et l'écriture à l'âge de 10 ans.

Azise b: La crise identitaire est lié à la stigmatisation des arabes et des africains. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit plus de la non-acceptation de l'autre? Et de ce fait, les communautés n'ont pas le choix que de se regrouper pour faire face a l'exclusion?

Ce que nous apprend Banlieue de la République, c'est que le phénomène de repli identitaire vécu dans certains quartiers est avant tout la conséquence d'une marginalisation. Par exemple, les expressions aiguës de l'appartenance religieuse sont souvent liés à des parcours scolaires ou professionnels fragiles et compliqués.

Plouf: Pourquoi la banlieue est-elle toujours vue de manière négative? Il y a plein de bonnes initiatives, notamment de la part des associations.

Rappelons qu'il y a cent ans, certains faubourgs de Paris étaient réputés infréquentables. Reprenez Zola ou Eugène Sue! Délinquance, faim, épidémies, enfants abandonnés... ont marqué cette littérature naturaliste du XIXe siècle. Le Paris que nous connaissons aujourd'hui a bien changé. Il n'y a donc pas de fatalité, c'est au politique que de fixer une ambition, des objectifs et de tenter de les mettre en œuvre.

Vous avez raison de souligner que de nombreuses associations - mais aussi les élus locaux, les entrepreneurs, les services publics - font un travail important qui contribue à ce que ces quartiers ne sombrent pas. Banlieue de la République est un appel pour que ces quartiers ne soient pas les oubliés de la campagne présidentielle qui s'annonce.

Duriau: Les citées sont des ghettos, où on a concentré toutes les familles qui ont des problèmes. Immigration, chômage, famille monoparentale, les HLM sont majoritairement dans ces cités. La solution ne passe-t-elle pas par le redéploiement des logements sociaux?

On a laissé se consolider des taux de concentration de familles populaires et d'origine immigré trop importants. C'est clair à Clichy. Paradoxalement, les HLM vont plutôt mieux aujourd'hui que certaines cités en copropriété comme le "Chêne pointu" (où s'est déclenchée une épidémie de tuberculose) ou aux "Bosquets". La rénovation urbaine est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre sur ces copropriétés que sur du logement social.

En même temps, pour éviter des concentrations trop fortes, il ne faut pas redéployer dans l'habitat rénové exactement la même population. Comment attirer des classes moyennes? Grâce à l'éducation, la santé, l'emploi, les transports, la sécurité... La rénovation urbaine doit donc être une politique globale. C'est comme cela qu'elle doit être pensée et conduite.

Pintou: cela fait plus de 50 ans que je vis dans le 93 et je vois la dégradation des conditions de sécurité et l'incivisme qui s'installent. Comment voyez-vous les années à venir si rien n'est fait?

La politique de rénovation urbaine a pu commencer à apporter des réponses dans plusieurs villes et dans plusieurs quartiers. Au terme du premier Plan National de Rénovation urbaine (PNRU), un deuxième plan, d'ampleur comparable, est actuellement en discussion.

Nous apprenons de ces expériences, puisque désormais tous les acteurs nationaux et territoriaux sont d'accord pour demander que ces plans soient pris de façon globale et intègrent éducation, emploi, transport, santé... Seules ces réponses globales sont à même d'inverser dans la durée la situation difficile dans laquelle se trouvent ces quartiers.

Nana: Comment faire pour arrêter la violence grandissante dans nos banlieues, incivisme, les dégradations, le sectarisme... Le phénomène s'accroît et s'étend même en centre ville. Que proposez-vous?

Il nous paraît important que la loi de la République s'applique sur l'ensemble du territoire. Dans l'enquête Banlieue de la République, que nous venons de conduire à Clichy et Montfermeil, les habitants interrogés se montrent très favorables à la construction très récente du commissariat. L'immense majorité d'entre eux sont demandeurs de davantage de tranquillité et de sécurité publiques. Leur modèle idéal de sécurité est celui de l'ilotier patrouillant à pied. Il y a une vraie demande de proximité. Ne soyons pas irénique néanmoins, en effet, la situation de certains quartiers est tellement difficile aujourd'hui qu'elle nécessite une réponse forte et volontaire des pouvoirs publics.

Les questions éducatives sont à la racine de tous nos problèmes

Je me permets de rajouter que là encore, les questions éducatives sont à la racine de tous nos problèmes. Dans les quartiers difficiles, les taux d'échec scolaire à 10 ans peuvent atteindre 30%, même après huit années de scolarité. C'est là qu'il faut mettre le paquet pour sortir de cette spirale dont les effets sont ensuite très difficiles à gérer.

Dragon29100: Pensez-vous que la rénovation, voir la démolition et la reconstruction d'un quartier plus humain - par exemple des immeubles à 3 étages - ramènerait une vie plus calme?

L'enquête Banlieue de la République que vient de publier l'Institut Montaigne montre clairement les effets positifs de la politique de Rénovation Urbaine. Par exemple, à Clichy et Montfermeil, ce sont 600 millions d'euros qui ont été consacrés à l'amélioration de l'habitat et du cadre de vie en quelques années à peine.

Un effort particulier a été fait sur la délimitation entre espace public et espaces privés. Les nouveaux logements ont été "présidentialisés": interphone, grille, espaces verts, etc. Tout cela ne suffit pas. Il faut globalement poser la question de l'articulation entre cette ambitieuse politique et la santé, l'emploi, l'éducation, la sécurité.

Azise b : La rénovation urbaine c'est une bonne chose. Mais pour que la banlieue vive, il faut donner le droit de vote aux immigrés, pour que la responsabilité collective opère?

L'Institut Montaigne s'est engagé depuis 2009 en faveur du droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales pour assurer une meilleure représentativité en politique. Par ailleurs, un immigré n'est pas forcément un étranger: il est né à l'étranger. Il peut-être soit de nationalité étrangère soit avoir acquis la nationalité française. Enfin, les étrangers communautaires ont déjà le droit de vote aux élections locales. Ils peuvent même être élus.

6/10/2011

Source : L’Express

À l’inquiétude qu’exprime le journaliste américain Christopher Caldwell dans son essai, Malek Chebel oppose sa confiance en un islam européen sécularisé.

Anthropologue des religions et philosophe, né en 1953 à Skikda en Algérie, Malek Chebel est l’inventeur du concept d’“islam des Lumières”. Traducteur du Coran (édition disponible en Livre de poche, couplée avec un dictionnaire encyclopédique), il a lu pour nous Une révolution sous nos yeux.

Qu’avez-vous pensé du livre de Christopher Caldwell ? J’ai été agréablement surpris. L’auteur me semble de bonne foi et se veut objectif, même s’il est un peu pique-assiette dans sa manière de présenter sa thèse, en puisant ses exemples un peu partout et à toutes les époques. En tout cas, son objectif est clair : il va alimenter la phobie de ceux qui considèrent que l’islam va envahir l’Europe et le monde. Il ne cherche pas à convaincre les gens, comme moi, qui veulent équilibrer les choses et rétablir un minimum de vérité, mais les gens qui sont déjà pratiquement convaincus et anticipent même son discours. Sur le fond, la principale faiblesse du livre est d’en rester à l’écume des choses : les références sont souvent journalistiques, elles se fondent sur des éléments d’appréciation liés à une opinion plutôt que sur des études de sociologie ou de politique lourdes. Enfin, nous avons affaire au point de vue d’une personne étrangère qui ne sait pas comment fonctionne l’islam en France et se base sur des éléments pas toujours vérifiés ni vérifiables.

Par exemple ? Il parle de salles de prière dans les bureaux, mais je n’en ai jamais vu, nulle part. Que certains puissent faire leur prière dans tel ou tel bureau privatif, c’est possible, mais le phénomène est très marginal. Les musulmans ont, doctrinalement, la possibilité de regrouper leurs prières en fin de journée ; ceux qui sont de bonne foi pratiquent ainsi et ne prient pas dans leur bureau. Même chose dans les usines et les grands magasins : tout cela fait peur au paysan du Texas, mais n’est pas la réalité sociologique.

La thèse principale du livre est que l’immigration musulmane va changer le visage de la France. Caldwell mé­lange tous les chiffres de l’immigration. Il considère que la première, la deu­xième et la troisième générations ont la même valeur, ce qui conduit à déna­turer l’âme européenne, l’âme chrétienne, l’âme française. On ne peut plus parler d’immigration pour la troisième génération, mais d’un reliquat d’immigration. Le destin démographique de la France est français.

Il n’y a pas de problème d’intégration ? L’immense majorité des musulmans adorent la France et ne changeraient pour aucun autre pays. Ils adorent son mode de vie, sa laïcité, son sens du débat et de la justice, son histoire, sa cuisine, ses vêtements, son climat. Vous ne pourrez pas mettre dans la tête de leurs enfants qu’ils ne sont pas français, qu’ils vi­vront ailleurs qu’en France. C’est là qu’ils ont leurs racines, leurs amis, leur école, leur maîtresse, etc. Les 4,5 millions de musulmans veulent s’intégrer, sinon la France serait déjà repeinte en vert.

Vous êtes bien optimiste. Quand on parle d’intégration, on surinterprète des pratiques minoritaires qui gênent d’abord les musulmans eux-mêmes. Jamais un musulman de bonne foi ne soutiendra l’intégrisme ou la violence aveugle, la polygamie ou l’excision. Quand il y a eu l’affaire du voile à l’école, j’ai dit et répété qu’entre l’école et le voile, c’était l’école qui primait, celle de Jules Ferry, qui pousse les filles vers le haut. J’ai été heureux de voir voter la loi contre la burqa, car ni la burqa ni, à un moindre degré, le voile ne font partie de l’islam. Mais j’admets et je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux à rejeter à haute voix l’intégrisme et la violence qui perturbent notre rendez-vous avec l’histoire européenne.

Pourquoi le port du voile se développe-t-il dans certains quartiers chez les jeunes filles ? Il y a un repli identitaire que là aussi je regrette. Les filles instruites, qui vont à la fac ou travaillent en entreprise et qui ont envie de trouver un ancrage social ne mettent pas le voile. Ne le portent que celles qui sont dans une position économique ne leur permettant pas d’entrer en compétition avec autrui. Ces filles se voilent car elles veulent se marier et on leur a mis dans la tête que, sans voile, elles n’épouseraient pas un musulman. Mon rêve est que les musulmanes puissent profiter des mêmes droits (et des mêmes devoirs), impliquant le choix individuel du mari, du travail et du pays où travailler : c’est l’objectif à terme de l“islam des Lumières”.

La peur de l’islam est irraisonnée, selon vous ? Il y a des peurs des deux côtés. On a peur des intégristes et des femmes “emburquisées”, mais les mu­sulmans aussi ont peur et ont le droit d’avoir peur : on ne leur explique pas suffisamment que le modèle français est un modèle intégrateur et fraternel. Ils ne voient que les interdits et les imprécations de quelques-uns, de po­litiques par exemple. Mon travail est d’huiler les rapports entre les communautés et de dire aux uns que l’islam n’est pas aussi violent qu’ils le pensent (ils sont dans des généralités) et aux musulmans qu’ils ne vivent pas dans l’impureté.
Caldwell parle de l’influence croissante de l’islam sur les jeunes générations. Il cite une étude de 2007 indiquant que 28 % des musulmans anglais de plus de 55 ans étaient pour le port du voile, contre 74 % des 18-24 ans. Ces chiffres ne sont pas inventés. Il est possible qu’ils soient bons, je n’en disconviens pas, mais il faut les contextualiser en les resituant dans le temps et dans l’espace, l’islam anglais n’étant pas identique dans sa composition même à l’islam français. Il faudrait un système de prise d’opinion régulière sur dix ans. Rien ne dit que ce sondage n’a pas été fait après des attentats ou un crime crapuleux ou dans un contexte de crise économique… En un mot, je ne conteste pas les chiffres du livre mais je ne suis pas d’accord pour les établir comme vérité pérenne.

Caldwell pointe également des in­jonctions du Coran contraires aux valeurs européennes. Certains versets du Coran étaient valables au VIIe siècle mais ne le sont plus maintenant : tous ceux liés aux relations entre les personnes sont contextualisables. Par exemple, un verset dit : « Vous pouvez épouser quatre femmes. » Les polygames s’arrêtent là mais ceux qui veulent être monogames lisent le verset jusqu’au bout : « Mais il est préférable aux yeux de Dieu de n’avoir qu’une femme », dans la me­sure où l’homme est incapable d’établir une équité totale entre ses quatre femmes : « Si vous n’êtes pas capable, soyez monogame. » Aujourd’hui, il est impensable, même en étant le musulman le plus sincère possible, d’être polygame. Autre exemple : « La femme doit hériter la moitié de ce qu’hérite son frère », parce qu’à la naissance elle est née fille et lui mâle. Je remets en question cette règle : aujourd’hui, compte tenu que la femme est devenue sujet politique et économique, elle est en mesure de bénéficier des mêmes privilèges que l’homme.

Quand j’ai écrit mon Manifeste pour un islam des Lumières en 2004, j’ai montré qu’il y avait vingt-sept chantiers majeurs sur lesquels l’islam devait se pencher, le premier étant l’exigence indispensable de la démocratie. Si on n’interprète pas correctement le Coran, on va vers la catastrophe : il faudrait tuer les juifs, les chrétiens, enfermer les femmes chez elles, alors que tous ces versets sont liés aux conditions historiques dans lesquelles ils ont été énoncés : guerres intertribales, misogynie coutumière, etc.

Vous annoncez donc l’émergence d’un islam moderne, sécularisé, un “islam des Lumières”. Un islam qui ne serait pas sécularisé sera toujours sus­pect de contenir en son sein les germes de la violence et de la supériorité d’une race par rapport à une autre, d’une parole par rapport à une autre. Si l’islam accepte de faire de l’homme, de la république, de la laïcité, de la nation, des éléments importants de sa vision du monde, il sera meilleur, plus spirituel et plus sensible, et il fera moins peur aux Occidentaux et au reste du monde. J’ai écrit trente livres, traduits en quinze langues, dont le chinois et le coréen, et je suis énormément sollicité pour des interventions publiques tant en Europe que dans le monde arabe. Je vois émerger cet islam moderne, qui promeut l’égalité des sexes, le respect de l’autre et des religions, qui ne prêche pas la violence religieuse, qui ne pousse pas les jeunes à s’écraser sur les tours, qui dit que l’islam est une religion de Dieu, donc de lumière et de paix, et que la foi de chacun ne doit pas être le carcan de tous. Donc la nécessité d’une conscien­ce individuelle assumée par chaque mu­sulman. C’est avec cet islam-là que nous allons vivre en France.

6/10/2011,  Guillaume Roquette, avec Claire Pérez

Source : valeursactuelles.com

À l’inquiétude qu’exprime le journaliste américain Christopher Caldwell dans son essai, Malek Chebel oppose sa confiance en un islam européen sécularisé.

Anthropologue des religions et philosophe, né en 1953 à Skikda en Algérie, Malek Chebel est l’inventeur du concept d’“islam des Lumières”. Traducteur du Coran (édition disponible en Livre de poche, couplée avec un dictionnaire encyclopédique), il a lu pour nous Une révolution sous nos yeux.

Qu’avez-vous pensé du livre de Christopher Caldwell ? J’ai été agréablement surpris. L’auteur me semble de bonne foi et se veut objectif, même s’il est un peu pique-assiette dans sa manière de présenter sa thèse, en puisant ses exemples un peu partout et à toutes les époques. En tout cas, son objectif est clair : il va alimenter la phobie de ceux qui considèrent que l’islam va envahir l’Europe et le monde. Il ne cherche pas à convaincre les gens, comme moi, qui veulent équilibrer les choses et rétablir un minimum de vérité, mais les gens qui sont déjà pratiquement convaincus et anticipent même son discours. Sur le fond, la principale faiblesse du livre est d’en rester à l’écume des choses : les références sont souvent journalistiques, elles se fondent sur des éléments d’appréciation liés à une opinion plutôt que sur des études de sociologie ou de politique lourdes. Enfin, nous avons affaire au point de vue d’une personne étrangère qui ne sait pas comment fonctionne l’islam en France et se base sur des éléments pas toujours vérifiés ni vérifiables.

Par exemple ? Il parle de salles de prière dans les bureaux, mais je n’en ai jamais vu, nulle part. Que certains puissent faire leur prière dans tel ou tel bureau privatif, c’est possible, mais le phénomène est très marginal. Les musulmans ont, doctrinalement, la possibilité de regrouper leurs prières en fin de journée ; ceux qui sont de bonne foi pratiquent ainsi et ne prient pas dans leur bureau. Même chose dans les usines et les grands magasins : tout cela fait peur au paysan du Texas, mais n’est pas la réalité sociologique.

La thèse principale du livre est que l’immigration musulmane va changer le visage de la France. Caldwell mé­lange tous les chiffres de l’immigration. Il considère que la première, la deu­xième et la troisième générations ont la même valeur, ce qui conduit à déna­turer l’âme européenne, l’âme chrétienne, l’âme française. On ne peut plus parler d’immigration pour la troisième génération, mais d’un reliquat d’immigration. Le destin démographique de la France est français.

Il n’y a pas de problème d’intégration ? L’immense majorité des musulmans adorent la France et ne changeraient pour aucun autre pays. Ils adorent son mode de vie, sa laïcité, son sens du débat et de la justice, son histoire, sa cuisine, ses vêtements, son climat. Vous ne pourrez pas mettre dans la tête de leurs enfants qu’ils ne sont pas français, qu’ils vi­vront ailleurs qu’en France. C’est là qu’ils ont leurs racines, leurs amis, leur école, leur maîtresse, etc. Les 4,5 millions de musulmans veulent s’intégrer, sinon la France serait déjà repeinte en vert.

Vous êtes bien optimiste. Quand on parle d’intégration, on surinterprète des pratiques minoritaires qui gênent d’abord les musulmans eux-mêmes. Jamais un musulman de bonne foi ne soutiendra l’intégrisme ou la violence aveugle, la polygamie ou l’excision. Quand il y a eu l’affaire du voile à l’école, j’ai dit et répété qu’entre l’école et le voile, c’était l’école qui primait, celle de Jules Ferry, qui pousse les filles vers le haut. J’ai été heureux de voir voter la loi contre la burqa, car ni la burqa ni, à un moindre degré, le voile ne font partie de l’islam. Mais j’admets et je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux à rejeter à haute voix l’intégrisme et la violence qui perturbent notre rendez-vous avec l’histoire européenne.

Pourquoi le port du voile se développe-t-il dans certains quartiers chez les jeunes filles ? Il y a un repli identitaire que là aussi je regrette. Les filles instruites, qui vont à la fac ou travaillent en entreprise et qui ont envie de trouver un ancrage social ne mettent pas le voile. Ne le portent que celles qui sont dans une position économique ne leur permettant pas d’entrer en compétition avec autrui. Ces filles se voilent car elles veulent se marier et on leur a mis dans la tête que, sans voile, elles n’épouseraient pas un musulman. Mon rêve est que les musulmanes puissent profiter des mêmes droits (et des mêmes devoirs), impliquant le choix individuel du mari, du travail et du pays où travailler : c’est l’objectif à terme de l“islam des Lumières”.

La peur de l’islam est irraisonnée, selon vous ? Il y a des peurs des deux côtés. On a peur des intégristes et des femmes “emburquisées”, mais les mu­sulmans aussi ont peur et ont le droit d’avoir peur : on ne leur explique pas suffisamment que le modèle français est un modèle intégrateur et fraternel. Ils ne voient que les interdits et les imprécations de quelques-uns, de po­litiques par exemple. Mon travail est d’huiler les rapports entre les communautés et de dire aux uns que l’islam n’est pas aussi violent qu’ils le pensent (ils sont dans des généralités) et aux musulmans qu’ils ne vivent pas dans l’impureté.
Caldwell parle de l’influence croissante de l’islam sur les jeunes générations. Il cite une étude de 2007 indiquant que 28 % des musulmans anglais de plus de 55 ans étaient pour le port du voile, contre 74 % des 18-24 ans. Ces chiffres ne sont pas inventés. Il est possible qu’ils soient bons, je n’en disconviens pas, mais il faut les contextualiser en les resituant dans le temps et dans l’espace, l’islam anglais n’étant pas identique dans sa composition même à l’islam français. Il faudrait un système de prise d’opinion régulière sur dix ans. Rien ne dit que ce sondage n’a pas été fait après des attentats ou un crime crapuleux ou dans un contexte de crise économique… En un mot, je ne conteste pas les chiffres du livre mais je ne suis pas d’accord pour les établir comme vérité pérenne.

Caldwell pointe également des in­jonctions du Coran contraires aux valeurs européennes. Certains versets du Coran étaient valables au VIIe siècle mais ne le sont plus maintenant : tous ceux liés aux relations entre les personnes sont contextualisables. Par exemple, un verset dit : « Vous pouvez épouser quatre femmes. » Les polygames s’arrêtent là mais ceux qui veulent être monogames lisent le verset jusqu’au bout : « Mais il est préférable aux yeux de Dieu de n’avoir qu’une femme », dans la me­sure où l’homme est incapable d’établir une équité totale entre ses quatre femmes : « Si vous n’êtes pas capable, soyez monogame. » Aujourd’hui, il est impensable, même en étant le musulman le plus sincère possible, d’être polygame. Autre exemple : « La femme doit hériter la moitié de ce qu’hérite son frère », parce qu’à la naissance elle est née fille et lui mâle. Je remets en question cette règle : aujourd’hui, compte tenu que la femme est devenue sujet politique et économique, elle est en mesure de bénéficier des mêmes privilèges que l’homme.

Quand j’ai écrit mon Manifeste pour un islam des Lumières en 2004, j’ai montré qu’il y avait vingt-sept chantiers majeurs sur lesquels l’islam devait se pencher, le premier étant l’exigence indispensable de la démocratie. Si on n’interprète pas correctement le Coran, on va vers la catastrophe : il faudrait tuer les juifs, les chrétiens, enfermer les femmes chez elles, alors que tous ces versets sont liés aux conditions historiques dans lesquelles ils ont été énoncés : guerres intertribales, misogynie coutumière, etc.

Vous annoncez donc l’émergence d’un islam moderne, sécularisé, un “islam des Lumières”. Un islam qui ne serait pas sécularisé sera toujours sus­pect de contenir en son sein les germes de la violence et de la supériorité d’une race par rapport à une autre, d’une parole par rapport à une autre. Si l’islam accepte de faire de l’homme, de la république, de la laïcité, de la nation, des éléments importants de sa vision du monde, il sera meilleur, plus spirituel et plus sensible, et il fera moins peur aux Occidentaux et au reste du monde. J’ai écrit trente livres, traduits en quinze langues, dont le chinois et le coréen, et je suis énormément sollicité pour des interventions publiques tant en Europe que dans le monde arabe. Je vois émerger cet islam moderne, qui promeut l’égalité des sexes, le respect de l’autre et des religions, qui ne prêche pas la violence religieuse, qui ne pousse pas les jeunes à s’écraser sur les tours, qui dit que l’islam est une religion de Dieu, donc de lumière et de paix, et que la foi de chacun ne doit pas être le carcan de tous. Donc la nécessité d’une conscien­ce individuelle assumée par chaque mu­sulman. C’est avec cet islam-là que nous allons vivre en France.

6/10/2011,  Guillaume Roquette, avec Claire Pérez

Source : valeursactuelles.com

Le pays des droits de l’Homme est prêt à tout pour expulser de son territoire les étrangers sans-papiers. Après la période Hortefeux, les autorités ont décidé de rémunérer de 50 euros toutes personnes qui pourraient dénoncer un sans papiers.

 « Monsieur, sommes-nous encore en France ? Il nous arrive d'en douter, quand nous circulons dans les rues de Pau. C'est un scandale, beaucoup en ont assez de voir ces profiteurs se gaver pendant que d'autres restent le ventre creux ».

Cet extrait de lettre ne date pas des années 2000 mais du 5 janvier 1943. Elle a été écrite par un Français qui dénonce aux autorités françaises de l’époque la forte présence de juifs à Pau. Il ne lésine pas sur les mots et invite le secrétariat des questions juives à prendre des mesures pour diminuer le nombre de juifs dans sa ville.

Un quart de siècle plus tard, les étrangers sans papier ont pris la place des Juifs et sont devenus la bête noire des autorités françaises. Elles sont prêtes à tout pour mettre dehors ces personnes considérées comme des brebis galeuses. Les images les plus violentes des expulsions des sans-papiers restent certainement celles d’août 1996. Cet été, 300 sans-papiers africains s’étaient réfugiés dans l’Eglise Saint Bernard à Paris pour obtenir la régularisation de leur situation. Pour les déloger, les policiers mobilisés n’avaient pas hésité à ouvrir la porte de l’établissement religieux avec des haches et expulser les sans-papiers en les bousculant sauvagement et en faisant usage de gaz lacrymogènes. Ces expulsions avait fait notamment de l’actrice Emmanuelle Béart, l’une des figures emblématiques et médiatiques de la lutte pour la régularisation des sans-papiers. Ni la gauche, ni Emmanuelle Béart n’ont empêché les premières expulsions quelques jours après l’assaut de l’église.

Le chasseur de sans-papiers

Les expulsions de sans-papiers ont augmenté lorsque Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République. Fils d’un immigré hongrois arrivé en France sans-papiers et sans chaussures, Nicolas Sarkozy a fait de la chasse de l’étranger sans-papiers son principal cheval de bataille. En revanche, le politicien qui a le mieux incarné cette haine de l’étranger, c’est son ami et bras droit, Brice Hortefeux, l’ancien ministre de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale. En 2007, il s’était fixé comme objectif d’expulser 25 000 clandestins du territoire français. Si cet objectif n’était pas atteint par les préfectures, il allait jusqu’à convoquer certains préfets pour leur demander de renvoyer plus d’étrangers. Une politique du chiffre qui a très vite donnée lieu à de véritables rafles sadiques de sans-papiers dans les rues, les métros, les écoles, les universités et parfois même dans les Restos du Cœur. Sans oublier les innombrables personnes françaises ou en règle qui ont été victimes d’arrestation au faciès.

Cette chasse aux sorcières a encouragé, d’autre part, la dénonciation gratuite des clandestins par des patrons d’entreprises, des agences d’intérim, des assistantes sociales et à l’époque, même l’ANPE et les Assedics collaboraient à cette politique puisqu’ils n’hésitaient pas à transmettre à la préfecture une photocopie de la carte de séjour d’un travailleur étranger, même s’il était en règle et sans l’en informer.

Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Je suis balance freelance

Aujourd’hui Brice Hortefeux n’est plus ministre. Mais cette politique de la chasse aux clandestins persiste de manière plus discrète. Le moyen utilisé par les autorités est désormais la dénonciation payante. C’est ce que relate le journaliste du Figaro Christophe Cornevin dans son livre « Les Indics », sorti aujourd’hui. Il révèle qu’il existe un service confidentiel et encore méconnu du public : le Service Interministériel d’Assistance Technique, un service appartenant au Ministère de l’intérieur et situé dans les Hauts de Seine. Objectif : non pas réparer les ordinateurs mais plutôt recruter des taupes et des informateurs, des balances qui vont être les yeux et les oreilles de la police nationale. A ce jour, selon l’auteur du livre, la base de données de ce service confidentiel compterait 1700 indics. Mais être une balance n’est pas un travail à temps complet. C’est plutôt de l’ordre du freelance. Les tarifs sont fixés très clairement et dépendront de qui vous pourrez dénoncer. Ainsi, dénoncer un clandestin vaut 50 euros, refiler l’adresse d’un couturier chinois, pas trop bavard mais beaucoup trop productif, cela rapporte 300 euros. Le jackpot peut être décroché au cas où une taupe donne des informations sur une affaire d’envergure internationale.

L’arroseur… finalement arrosé

Si aujourd’hui dénoncer un clandestin vaut 50 euros, la réelle question qu’il faut se poser est de savoir si, au final, ce n’est pas la France qui en prend pour son grade à trop vouloir expulser les étrangers. En 2008, la Cimade, l’Association d’Aide aux Migrants avait estimé que les expulsions d’étrangers vers leur pays d’origine coûtaient à la France, 533 millions d’euros. Une expulsion revient à 27 000 euros, ce qui équivaut à près de 20 mois de salaire pour un smicard. Dans ces chiffres, plusieurs dépenses sont prises en compte : le coût de garde et d’escorte, les frais de restauration et de blanchisserie des migrants, sans oublier les prix des billets d’avion, de bateau ou de train.

5/10/2011, Hanane Jazouani

Source : Yabiladi

Les États-Unis vont enregistrer un nouveau record d'expulsions de sans-papiers avec des antécédents judiciaires cette année, a estimé mercredi la secrétaire américaine à la Sécurité intérieure Janet Napolitano.

L'année dernière, les États-Unis ont expulsé le nombre record de 195 000 immigrés clandestins avec des antécédents judiciaires, parmi les plus de 390 000 sans-papiers renvoyés dans leur pays.

Cette année-là, «pour la première fois depuis des décennies, 50% des étrangers expulsés par l'ICE (l'administration américaine des douanes et de l'immigration) étaient des criminels qui ont été condamnés», a dit Mme Napolitano lors d'un discours devant l'American University de Washington.

«En 2011, l'ICE expulsera de nouveau du pays un nombre record de criminels condamnés», a-t-elle assuré.

La semaine dernière, l'ICE avait annoncé l'arrestation de quelque 2900 sans-papiers avec des antécédents judiciaires, dans ce qui constituait le plus vaste coup de filet jamais réalisé dans le pays.

Près d'un million d'immigrés clandestins ont des antécédentes judiciaires aux Etats-Unis, selon le directeur de l'ICE John Morton.

Depuis l'arrivée au pouvoir du président Barack Obama, le gouvernement s'est concentré sur l'arrestation de sans-papiers avec des antécédents judiciaires, estimant qu'ils constituaient un danger pour la société.

Quelque 11 millions de clandestins vivent aux États-Unis, parmi lesquels une majorité sont d'origine hispanique, selon les chiffres officiels.

05/10/2011

Source : Canoë/Agence France-Presse

LE PLUS. "Le fait d'avoir séjourné régulièrement en France en tant qu'étudiant ne donne droit à aucune facilité particulière dans l'examen de la délivrance d'une autorisation de travail". Cette mention figurant dans une circulaire de Claude Guéant plonge certains étudiants dans des situations très compliquées.

Depuis plusieurs semaines, des diplômes étrangers sont dans une situation invraisemblable.

L'obsession anti-immigration du gouvernement a conduit Claude Guéant à diffuser une circulaire, le 31 mai dernier, visant à diminuer l'immigration de travail, et en particulier à durcir les conditions dans lesquelles les étudiants étrangers, lorsqu'ils achèvent leurs études, peuvent passer du statut d'étudiant à celui de salarié.

C'est ainsi que des diplômés de master, ayant fait toutes leurs études en France, se retrouvent aujourd'hui à avoir des propositions d'emploi qu'ils ne peuvent accepter faute de visa. Et les délais sont longs, pouvant aller jusqu'à 4 mois... si l'employeur ne se lasse pas avant.

On touche là au sommet de l'absurdité de la politique de Nicolas Sarkozy. A force de vouloir ratisser sur les terres du Front National, le gouvernement en vient à s'attaquer à des diplômés au meilleur niveau, priés de retourner chez eux après plusieurs années de formation payées par la France... plutôt que de faire profiter notre pays de leur talent.

Bientôt, on fera venir des jeunes talents du football, on les formera dans nos centres de formation, et on les renverra dans leur pays au moment de jouer en Ligue 1.

Un collectif s'est créé pour rassembler ces étudiants, qui commencent à voir les refus de délivrance de visa arriver. Leur combat ne fait que commencer. La détermination du gouvernement est entière, comme l'a montré Claude Guéant il y a quelques jours, dans une intervention envers les préfets :

"J'attire en revanche votre attention sur un sujet pour lequel les résultats ne sont pas satisfaisants : les changements de statut, qui permettent à un étudiant étranger, parfois abusivement, d'obtenir un titre de séjour de travail. Vous savez qu'il s'agit d'une source importante de l'immigration professionnelle. Xavier BERTRAND et moi-même vous avons demandé que le nombre de ces changements de statut diminue. Or, la baisse du nombre des changements de statut est insuffisante. Cela doit changer."

J'ai rencontré il y a quelques jours des représentants du collectif du 31 mai, à qui j'ai apporté mon soutien. Je le dis franchement : j'ai honte pour mon pays. La France de Sarkozy et Guéant, ce n'est pas celle que ces étudiants ont découverte à l'école, bercés de l'illusion que ce pays avait une vision universaliste, solidaire. Le pays des droits de l'homme n'est plus ce qu'il est censé être.

Cette politique est dans la droite ligne de celle qui a été mise en place par George Bush, après les attentats du 11-Septembre, et que de nombreux Américains contestent. Car au-delà de l'aspect strictement politique ou moral, c'est un handicap pour leur pays, qui commence à subir une fuite des talents.

Selon un bulletin électronique de l'ambassade de France aux Etats-Unis, "en 2011, on estime à plus d'un million le nombre de travailleurs de haut niveau se trouvant dans ce que l'on appelle les "limbes de l'immigration" (en attente de renouvellement de visa). Ils doivent envisager un retour dans leur pays d'origine, faute de titre de séjour. [...] Alors que le pays a cruellement besoin de talents, américains ou étrangers, on note aux Etats-Unis une hostilité croissante envers les visas de travail pour personnes qualifiées, ce qui va complètement à l'encontre des initiatives favorisant l'entrepreneuriat. "

Avant d'en arriver à cette situation aberrante, il est urgent d'obtenir le retrait pur et simple de la circulaire Guéant, comme le demande le collectif du 31 mai. Et derrière, il faudra remettre à plat la politique d'immigration. Mais ça, c'est pour 2012...

5/10/2011, Bertrand Monthubert

Source : Le Nouvel Observateur

Dans l'analyse détaillée de la situation du marché du travail en Espagne jusqu'à juin dernier, sur les 779.392 demandeurs d'emploi étrangers, 144.938 sont marocains, 8.904 de plus en comparaison avec juin 2010 (5,9%)...Suite

Ambassadeur de mohammed iv auprès de l'empereur, Idriss Al Amraoul a laissé un récit pittoresque de Son voyage dans la France des années 1860...Suite

Hassan Darsi, Mohamed Melehi, Abderrahim Yamou contribuent à étoffer la collection du Centre Pompidou. Ce prestigieux musée français mondialise sa collection d'art contemporain...Suite

Dévoilé récemment les noms des projets sélectionnés qui bénéficieront du soutien de ce concours qui vise à promouvoir les jeunes cinéastes du Sud. Les projets retenus sont l'œuvre de jeunes talents venus d'Algérie, de la Tunisie, de l'Egypte, du liban et du Maroc. Parmi les projets sélectionnés en figurent six du Maroc, deux d'Algérie, deux de Tunisie et un seul du Liban. Initié par «r.ooo» visages Ouarzazate Film Commission (OFC) et Canal France International, en partenariat notamment avec le CCM, le CCME et l'ambassade de France au Maroc…Suite

Les inscriptions au programme de Visa Diversité ont débuté hier, mardi 4 octobre, et se poursuivent jusqu'au 5 novembre 2011…Suite

Si l'Europe ne saurait être réduite à l'islamophobie. Il reste que les aprioris négatifs envers les musulmans remontent a une époque bien antérieure au discours occidental contre «l'axe du mal »…Suite

 

Près de 900 immigrés en situation illégale, de diverses nationalités, ont été expulsés de Catalogne depuis janvier dernier, a annoncé, mardi à Barcelone, un haut responsable de la Police nationale espagnole.

Plus de 600 de ces immigrés avaient commis des délits graves lors de leur séjour dans cette communauté autonome du nord-est de l'Espagne, a précisé le chef de la Police nationale espagnole en Catalogne Narciso Ortega, lors d'un discours prononcé à l'occasion de la "Journée de la Police".

Le responsable espagnol a également fait état du démantèlement de 71 réseaux d'immigration clandestine depuis le début de l'année en cours, précisant que les actions menées par les membres de ce corps de sécurité ont permis l'arrestation de 353 personnes pour leur implication dans des affaires d'immigration illégale.

S'agissant de la lutte contre le trafic de drogue, M. Ortega a fait état de la saisie, durant les neuf premiers de 2011, de 4,7 tonnes de haschich, de 235 kilos de cocaïne ainsi que de 4.195 plants de marijuana et 6.000 comprimés de drogues synthétiques.
Les efforts déployés dans ce domaine par la police nationale se sont également soldés par la mise hors d'état de nuire de 66 réseaux organisés et l'interpellation de 520 suspects, a encore précisé le responsable espagnol.

5/10/2011

Source :MAP

Le Maroc et l'Espagne se sont félicités de la qualité et du niveau fort élevé de la coopération entre les services des ministères de l'Intérieur des deux pays, qu'accompagnent des résultats probants et exprimé leur détermination à continuer à Œuvrer dans ce sens.
Dans un communiqué conjoint rendu public à l'issue d'une réunion de travail tenue, mardi à Rabat, entre le ministre de l'Intérieur, M. Taïeb Cherqaoui, et son homologue espagnol, M. Antonio Camacho, les deux parties ont rappelé la solidité des relations fraternelles unissant SM le Roi Mohammed VI et SM le Roi Juan Carlos. Les deux ministres ont également rappelé la qualité des relations de coopération entre les gouvernements des deux pays et l'attachement de leurs peuples aux valeurs de la démocratie, de la liberté et de la tolérance, ajoute le communiqué.

Ils ont également passé en revue les volets de la coopération bilatérale entre leurs départements respectifs, notamment ceux relatifs à la migration, à la criminalité transnationale organisée, au terrorisme et à la coopération policière.

S'agissant de la gestion des flux migratoires, les deux responsables, mus par l'esprit de la Conférence Euro-Africaine sur la migration et le développement, tenue à Rabat, en juillet 2006, qui avait fait du respect des droits et de la dignité des émigrés, une des priorités de toute action commune dans ce domaine, ont réitéré leur engagement pour une approche globale et intégrée.
Dans ce cadre, M. Antonio Camacho a réaffirmé la crédibilité et la responsabilité du Maroc en tant qu'allié stratégique de l'Espagne dans la lutte contre les réseaux de trafic de migrants et de la traite des êtres humains.

De son côté, M. Cherqaoui a remercié l'Espagne pour sa contribution précieuse à la réussite de l'opération transit 2011.
04/10/2011

Source : MAPF

La mosquée Abou Bakr Essedik de Montbéliard (à l'est de la France), a été le théâtre d’actes à caractère islamophobe, dans la nuit de dimanche à lundi dernier. Une camionnette se trouvant à proximité, a été incendiée et aurait pu réduire le lieu de culte en cendres, sans l’intervention des pompiers. Des tracts racistes ont été découverts sur le site.

Les fidèles de la mosquée Abou Bakr Essedik auraient pu se retrouver sans lieu de culte du jour au lendemain. Un incendie, qui s’est déclaré dans la nuit de dimanche à lundi, a carbonisé une camionnette contenant du matériel de construction destiné à la mosquée. Cette dernière aurait également été ravagée par les flammes, sans l’intervention des pompiers qui ont été avertis par des témoins.

Des papiers pliés en triangle, retrouvés sur les lieux, ont permis de conclure à un acte criminel. Les responsables du lieu de culte sont sous le choc. « En venant faire leur prière quotidienne, des fidèles ont découvert la carcasse carbonisée de la camionnette. Ils m’ont aussitôt appelé », déclare Oahi Gherabi, président de l’association qui gère la mosquée. « Cela m’a fait un choc. Mais, sur le coup, j’ai pensé qu’il s’agissait du geste imbécile de fêtards en fin de nuit ».

Ils ne supportent plus les « bougnoules »

Oahi Gherabi réalise peu de temps après, que les fêtards qu’il soupçonne ont une dent contre la communauté musulmane de la ville. « La police était déjà partie quand j’ai fait un tour pour voir s’il n’y avait pas de dégâts sur la façade. J’ai aperçu des feuilles de papier dissimulées sous des pierres, près des massifs floraux. Elles portaient des inscriptions racistes et un sigle », déclare-t-il au quotidien local Le Pays. L’un des tracts portait les inscriptions « Ras-le-bol des bougnoules ». « Ça m’a fait peur quand j’ai vu les tracts racistes », déclare encore Oahi Gherabi au Pays.

La police tient une piste

Le président de l’association culturelle de la mosquée dit avoir remis les éléments découverts à la police. Une enquête a déjà été ouverte. Elle a permis de faire le rapprochement avec des actes de vandalisme constatés sur des chantiers de la région, entre le 25 et le 27 septembre. La signature sur les prospectus (« Échappées Belles »), et l’écriture sur les tracts seraient les mêmes. Dans les cas précédents les tracts portaient les inscriptions « Vive les femmes » ou « Le pouvoir et les femmes ».

Sur la base de ces éléments, les enquêteurs pensent à un gang féminin mais aucune conclusion officielle n’a encore été tirée. Thérèse Brunisso, pour sa part, estime qu’il s’agit « sans doute d’un petit groupuscule, pas d’un groupe terroriste organisé ».

4/10/2011, Yann Ngomo

Source : Yabiladi

Un rapport de l'Institut Montaigne conduit par Gilles Kepel et publié hier dresse un constat alarmant sur l'emploi et le repli communautaire qui en résulte dans les quartiers difficiles

Six ans après les émeutes qui ont marqué les villes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, le manque d'intégration sociale et économique des habitants de ces communes reste très préoccupant. C'est du moins la conclusion à laquelle a abouti l'équipe de chercheurs qui a travaillé sous la houlette Gilles Kepel, politologue spécialiste de l'islam, pour l'Institut Montaigne et dont le rapport a été dévoilé hier. Pendant près d'une année entière (de juillet 2010 à juin 2011), sociologues et économistes ont interrogé 100 habitants de l'agglomération, à la fois Français et étrangers (régularisés ou non) pour sonder leur rapport à l'école, à l'emploi, à la sécurité ou encore à la politique. Il s'agit certes d'une enquête de ressenti, centrée sur des témoignages et circonscrite à une zone de 55.000 habitants, mais qui reste néanmoins révélatrice de l'état des banlieues.

Le premier constat, le plus visible, est positif. La rénovation urbaine, à laquelle l'Etat a consacré 40 milliards d'euros depuis 2003 dans toute la France, dont 600 millions sur la seule agglomération de Clichy-sous-Bois -Montfermeil, est une réalité dont les habitants ont bien conscience. « La rénovation du bâti ne peut suffire à assurer cohésion et développement », note le rapport. Le coeur du problème est l'accès à l'emploi. En 2009, les zones urbaines sensibles (ZUS), enregistraient un taux de chômage moyen de 18,6 %, contre 9,8 % en moyenne en France. Un chiffre qui atteint 43 % pour les jeunes actifs. « Le capital éducatif et culturel inadapté d'une partie de la jeunesse », comme le rappellent les auteurs, explique en partie ces mauvais chiffres, mais l'isolement géographique de ces territoires est lui aussi dévastateur.

L'islam, valeur refuge

En transports en commun, il faut 67 minutes pour rejoindre la Défense depuis Clichy-Montfermeil, 86 minutes pour aller à l'université Paris-XIII de Villetaneuse. Le nombre de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur est pourtant en augmentation, mais sans réseaux de connaissances et parfois victimes de discriminations, nombre d'entre eux ne parviennent pas à trouver un travail correspondant à leurs compétences. Cette exclusion du marché de l'emploi entraîne chez certains « un rejet radical de la France et des valeurs qui lui sont prêtées », écrit Gilles Kepel. Un fort ressentiment vis-à-vis du système scolaire se développe, accusé de mal orienter. En parallèle, un retour vers le religieux, en l'occurrence l'islam, se fait de plus en plus sentir. De nombreux parents renoncent à mettre leurs enfants à la cantine, pour des raisons financières mais aussi religieuses (non-respect du halal), alors que les immigrés de la première génération n'avaient pas ce souci. « Dévalorisés, ces jeunes ont reconstruit une image positive d'eux-mêmes au travers de la fréquentation des mosquées », indique le rapport. Ce regain d'intérêt pour l'islam, vécu comme une valeur refuge face à l'exclusion ressentie, est pour le chercheur la conséquence la plus manifeste de la crise des banlieues, et non sa cause.

5/10/2011, MARIE BELLAN

Source : Les Echos.fr

Le décret du 7 septembre pris pour l'application de la loi relative à l'immigration, vient préciser les conditions de délivrance de la carte bleue européenne, qui autorise les ressortissants hors UE à exercer une activité professionnelle au sein de l’UE.

La carte bleue européenne

La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, prévoyait la mise en œuvre de cette Carte Bleue Européenne.
Le décret pris pour l'application de cette loi est paru le 6 septembre 2011.

La carte bleue européenne a été mise en place pour les citoyens non-européens hautement qualifiés souhaitant travailler dans un état membre européen.

Elle permet à son détenteur de se déplacer librement, de vivre et de travailler au sein de l’Union Européenne.
L'étranger qui souhaite obtenir cette carte de séjour doit :

- Soit être titulaire d’un diplôme sanctionnant au moins trois années d’études supérieures, soit bénéficier d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans;

- Justifier d'une rémunération annuelle brute minimale (au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence fixé par arrêté) ;

- Etre titulaire d'un contrat de travail d'une durée d'au moins un an visé par l'autorité administrative ;

La Carte Bleue Européenne sera valable 3 ans, renouvelables.

4/10/2011

Source : Eurojuris

Une discrète circulaire ne cesse de provoquer des remous. Ce mardi, la région Ile-de-France, dirigée par la gauche, a réclamé dans un communiqué le retrait de la circulaire Guéant qui, en empêchant des étudiants étrangers diplômés de rester travailler en France, les menace d'expulsion.

Lundi, des étudiants étrangers récemment diplômés de grandes écoles (HEC, Polytechnique, Sciences Po), réunis dans le «collectif 31 mai», en avaient déjà réclamé le «retrait».

Une circulaire visant à réduire l'immigration professionnelle

La région demande le retrait de la circulaire Guéant-Bertrand, écrivent Isabelle This Saint-Jean et Abdelhak Kachouri, vice-présidents de la région, chargés respectivement de l'Enseignement supérieur et de la Citoyenneté. La région «apporte son soutien aux étudiants, aux enseignants et aux présidents d'université qui ont mis en garde contre les conséquences graves de cette circulaire», car «la politique du chiffre et des arrière-pensées électoralistes ne justifient pas de détourner de nos universités des étudiants qui contribuent au rayonnement culturel et scientifique de notre pays», ont-ils détaillé.

En raison de cette circulaire des ministres de l'Intérieur, Claude Guéant, et du Travail, Xavier Bertrand, visant à réduire l'immigration professionnelle, de nombreux diplômés étrangers de niveau master ayant eu des propositions d'embauche se sont vu refuser depuis cet été l'autorisation de travailler.

Pécresse inquiète de ce qui «serait donc en train de devenir la règle»

La Conférence des grandes écoles (CGE) et celle des présidents d'universités (CPU) ont déjà vivement critiqué cette circulaire, le président de la CPU, Louis Vogel, la jugeant «très grave». «Si nous ne trouvons pas de solution, nous n'attirerons plus ces étudiants» et «c'est fatal à long terme : les diplômés déçus d'aujourd'hui ne risquent pas d'être les avocats de notre économie quand ils occuperont demain des postes de responsabilité», a écrit lundi dans Le Figaro le directeur de HEC, Bernard Ramanantsoa.
Même la ministre du Budget, Valérie Pécresse, a écrit le 26 septembre à Claude Guéant pour lui demander de l'«informer» des consignes transmises aux préfets, faisant référence à «l'application qui semble faite de la circulaire du 31 mai» aux «étudiants étrangers non ressortissants de l'UE et diplômés de grandes écoles françaises qui souhaitent travailler dans notre pays», et qui se voient délivrer un refus d'autorisation. «Ce qui devrait être en droit l'exception, serait donc en train de devenir la règle», écrit celle qui est diplômée de HEC et était jusqu'en juin dernier ministre de l'Enseignement supérieur. A ce titre, elle avait fixé l'objectif de deux tiers d'étudiants étrangers en master et en doctorat d'ici 2015.

Le 21 septembre dernier, le ministère de l'Intérieur avait précisé que «l'objectif, c'est de ménager un équilibre entre donner une première expérience de travail aux étrangers en France et les faire travailler dans leur pays d'origine, pour le développement solidaire».

4/10/2011, AFP

Source : Le Parisien

"Ce qui, dans le nom de Français, nous appelle à l'universel, doit beaucoup aux étrangers qui, choisissant la France comme terre de prospérité et de liberté, sont venus, depuis des siècles, enrichir notre culture, défendre notre sol et soutenir notre économie. La politique d'intégration n'est donc ni un acte de charité, ni un simple devoir. Elle est l'une des manières pour la France d’être fidèle à elle-même". Cette phrase de Simone Veil résume l'état d'esprit avec lequel le Haut conseil à l'intégration, qu'elle a présidé jusqu'en 1998, sillonne la France pour faire remonter au gouvernement les problématiques de terrain rencontrées dans le processus d'intégration des populations immigrées. De passage à Dijon jeudi 29 septembre 2011, le Haut conseil a ainsi pris le pouls de la situation auprès de vingt associations locales, entre débats sur la scolarisation, les discriminations et le manque de moyens alloués par l'Etat pour mettre en place cette politique...

La France, terre d'immigration

A l'origine était l'immigration. Contrairement à ses voisins, la France a déployé une politique officielle dans ce domaine dès la moitié du XIXe siècle, ayant amorcé sa révolution démographique avant la Révolution française... Pour faire face aux besoins des entreprises au moment de la révolution industrielle, les usines et le monde agricole ont accueilli des travailleurs des pays limitrophes : Belges, Allemands, Suisses, puis Polonais, Italiens et Espagnols... Il s'agissait d'une immigration de travail, à la différence d'autres pays comme le Canada, l'Australie, l'Argentine ou les États-Unis, ayant opté pour une immigration de peuplement afin de développer de vastes espaces insuffisamment peuplés. "Dans les années 1920, la moyenne annuelle des entrées en France est de l’ordre de 300.000 immigrés", selon le rapport La France sait-elle encore intégrer ses immigrés ?, publié le 21 avril 2011 par le Haut conseil à l'intégration à la demande du ministère de l'Immigration, de l'Identité nationale et de l'Intégration .

Après la Seconde guerre mondiale, la planification détermine à nouveau des objectifs en matière d’immigration de travail, confiant le monopole des introductions à l'Office national de l'immigration (ONI). Les objectifs fixés seront atteints avec difficulté, la situation économique et sociale de la France n'étant pas suffisamment attractive. "C'est seulement dans la seconde partie des Trente Glorieuses qu'une nouvelle dynamique des flux sera amorcée, alors même que les planificateurs du VIIe plan (1976-1980) conseillaient de freiner l’immigration de travail qui constituait, selon eux, un obstacle à la modernisation de l’appareil productif, malgré l’opposition du patronat. Ainsi le nombre d’immigrés s'est accru de 31% entre 1968 et 1975 et de 7% de 1975 à 1985", souligne le même rapport.

En 1974, à la suite du premier choc pétrolier et de l'apparition d’un chômage de masse, le gouvernement décide de suspendre l’immigration des travailleurs permanents des pays non européens. Seule la venue des travailleurs saisonniers pour les travaux agricoles restera autorisée, ainsi que celle des cadres de haut niveau. Aujourd’hui, la France compte près de 11,5 millions d'immigrés et d’enfants dont l'un des parents au moins est immigré, soit 19% de la population française, d'après l'article "Être né en France d’un parent immigré", publié en mars 2010 dans le magazine Insee Première, édité par l'Insee et cité dans le rapport du Haut conseil à l'intégration précité.

L'intégration en panne ?

De l'immigration à l'intégration des individus dans la société française, le pas n'est pas toujours évident à franchir... "Plus que la simple insertion matérielle des immigrés dans la société d’accueil - et moins que l'assimilation souvent entendue comme l’abandon de la plupart des spécificités culturelles liées à l’origine - l'intégration reste un concept sinon contesté, du moins mal compris. Il désigne un processus qui demande un effort réciproque à l’immigré et à la société du pays d'accueil, une ouverture à la diversité qui est un enrichissement mais aussi une adhésion et une volonté responsable pour garantir et construire une culture démocratique commune", résume Patrick Gaubert, président du Haut conseil à l'intégration. Et de préciser : "Pour éviter les faux débats, précisons que l'intégration s’adresse pour l’essentiel aux immigrés installés régulièrement en France, soit plus de cinq millions de personnes, dont deux millions sont devenues françaises. Néanmoins, le sort de leurs enfants n’est pas indifférent à la politique d’intégration, ne serait-ce que pour mesurer leur évolution sociale. En outre, leur nombre est loin d’être négligeable puisqu’aujourd’hui les enfants d’immigrés, c’est-à-dire les descendants directs d'un ou de deux immigrés, sont 6,5 millions. En tout, ils représentent 19 % de la population française. Ce dernier chiffre suffit à lui seul à montrer l’importance des sujets relatifs à l'immigration et à l’intégration pour notre pays".

Égalité hommes/femmes, laïcité... La question de l'intégration fait régulièrement surface dans les médias lorsqu'elle touche aux principes fondamentaux de la République. Points d'orgue de ces débats : la question du voile islamique à l'école publique jusqu'au vote de la loi du 15 mars 2004 ou, plus récemment, la question du port du voile intégral dans les espaces publics. "Rien de plus normal, puisque l'intégration a pour objet de valoriser ce qui unit les Français et ceux qui ont vocation à l'être. Le Haut conseil à l'intégration observe toutefois que la focalisation sur les principes républicains, aussi importante soit-elle, a pour effet de différer la satisfaction des besoins d'intégration au quotidien des immigrés et de leurs enfants dans notre pays", précise le Haut conseil dans son rapport d'avril 2011.

Mais, malgré le fait que "l'acceptation des personnes d’une autre religion, d’une autre nationalité, d’une autre culture, continue de progresser dans l’Hexagone" selon Patrick Gaubert, "notre pays, comme d’autres démocraties européennes qui ont une longue tradition de tolérance, est aujourd’hui traversé par des tensions identitaires autour de la question de l'immigration, et plus particulièrement de l'islam". Une enquête d’opinion réalisée en janvier 2011 par le German Marshall Fund et citée par le rapport du Haut conseil est, à cet égard, éclairante. "Certes en 2010, 58 % des Français voient toujours dans l’immigration un enrichissement pour la culture de leur pays. Ils étaient cependant 68 % à le penser en 2009. Enfin, face aux revendications identitaires et communautaires, à la montée du populisme en Europe, et aux peurs sourdes qui s’y développent depuis le 11 septembre 2001, confortés par la crise économique et financière de fin 2008, les Français sont parmi les plus sceptiques sur les bienfaits de l’immigration. Selon l’enquête, seulement 38 % des personnes interrogées considèrent que l’immigration est une chance pour la France alors qu'ils étaient 50 % en 2009". Si la politique d'intégration "désigne un processus qui demande un effort réciproque à l’immigré et à la société du pays d'accueil", comme le notait Patrick Gaubert, le vent semble tourner aujourd'hui vers un "repli communautaire", alors même que "les acteurs de l'intégration tels que les partis, les syndicats, les églises, sont affaiblis des instruments comme le service national, qui a disparu".

L'école et les associations, derniers remparts d'une politique en déréliction

Que reste-t-il aux immigrés pour s'intégrer ? "L'école et les associations", résume Patrick Gaubert. Et pour ces deux instances, la situation est loin d'être idyllique. Le Programme de réussite éducative, lancé en 2005 auprès des populations immigrées et prolongé en 2010, dispose par exemple d'un budget annuel de 90 millions d'euros. "C'est considérable. Mais le Haut conseil s’interroge sur l’ampleur des moyens engagés au regard de la relative faiblesse des résultats obtenus, notamment lorsque l'on constate le retard scolaire à l’entrée en sixième", souligne Patrick Gaubert. Même constat au sujet de dispositifs ciblés vers la suite de la scolarité, tels que les internats d'excellence et les mesures d'accompagnement aux classes préparatoires. "Dans un rapport publié en janvier 2010, nous avons recommandé que l'effort soit porté vers le début de la scolarité. Il y a beaucoup de choses qui sont faites en fin de scolarité mais ce sont des palliatifs aux problèmes. Si l'on ne veut pas être obligés de monter des structures en fin de scolarité, il faudrait peut-être mettre un effort beaucoup plus conséquent au début, quasiment à la maternelle. Nous avons recommandé que la maternelle soit obligatoire à partir de trois ans pour ne pas avoir de retard à rattraper plus tard. C'est là, au début, que tout se joue en terme de sociabilité et d'apprentissage de la langue. C'est là également que les inégalités sociales pénalisent le plus", note le président du Haut conseil. A Dijon, des structures telles que le Cesam ou la Cimade accompagnent par ailleurs les adultes dans l'apprentissage de la langue française.

Dans la capitale des Ducs de Bourgogne, le tissu associatif est effectivement dense en ce qui concerne l'intégration des populations immigrées, de l'association de quartier "Grésilles nouveau souffle", qui œuvre à regrouper les différentes communautés du quartier dijonnais, à la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), en passant par la Cimade ou la Maison de la Méditerranée, dont la mission principale est de susciter des rencontres entre les populations autour de thèmes appartenant à la mémoire collective. "Les associations font ce que l'Etat ne fait plus", résume Patrick Gaubert. "Désormais, la politique française d’intégration prend en charge à titre principal les nouveaux arrivants, et à titre très accessoire, les immigrés plus anciennement établis, voire leurs descendants. Ce choix nous paraît gravement faire l’impasse sur les deux millions et demi d’étrangers résidant en France, qui n’ont pas bénéficié d’une politique d’accueil et d’intégration et sur les descendants d’immigrés devenus Français. En outre, au plan budgétaire, cette décision s’est traduite par une restriction drastique des crédits de l’État consacrés à la politique d’intégration qui sont passés de 183,9 millions d’euros en 2008 à 73,1 millions en 2009, avec un transfert de quarante millions vers la politique de la ville". Ce jeudi 29 septembre, à la MJC des Grésilles, l'écho renvoyé à ce constat par les associations était unanime : elles aussi manquent de moyens, face à une demande d'aide à l'intégration toujours plus forte.

4/10/2011, Benjamin Hutter

Source : Dijonscope

Une semaine après la mort de 6 migrants Nord-Africains dans l'incendie d'un squat de Pantin, les associations de soutien aux immigrés sans papiers dénoncent les incohérences de la politique dite d'Aide au retour volontaire.

“Des démarches systématiques de proposition d'aides au retour aux personnes déboutées du droit d'asile devront être mises en oeuvre”: par cette note adressée à l’Office français de l’immigraion et de l’intégration (Ofii) le 1er septembre, le ministre de l’intérieur Claude Guéant affirmait vouloir augmenter le nombre de reconduites volontaires des migrants dans leur pays d'origine. Un mois plus tard, dans un squat insalubre de Pantin, six immigrés venant d'Egypte et de Tunisie trouvaient la mort à cause d’une bougie mal éteinte. Au-delà du manque de places en hébergements d’urgence, ce drame pose le problème de l'incohérence de la politique dite d’Aide au retour volontaire (ARV).

"Personne ne risque sa vie pour 2000 €"

Imaginée dès 1977, élargie et augmentée par Nicolas Sarkozy alors qu’il était ministre de l’intérieur, l’aide au retour des migrants en situation irrégulière doit contribuer au développement du pays d’origine grâce à un pécule personnel, versé par le gouvernement français. Il s’agit donc d’une d’apporter une vue à plus long terme au problème des flux migratoires, tout en débarassant aux yeux de l'opinion publique les expulsions d’une partie de leur inhumanité. Mais cette aide, d’un montant de 2000€ pour une personne seule ou 3500€ pour un couple, n’est pas proposée spontanément, et doit être demandée auprès de l’Ofii.
Une démarche qui prend du temps, trop pour certains des squatteurs de Pantin. “Quelques-uns avaient entrepris des démarches”, confie un membre du Refuge, association d’aide au migrants basée deux pas du squat.“Un Egyptien, qui voulait rentrer, nous avait confié son dossier, il était complet. Il est mort maintenant.” Le total de ces pensionnaires de fortune se montait à vingt-quatre, et six ont disparu ce matin-là: quatre Tunisiens et deux Egyptiens. Tous n’étaient pas dans la même situation: l’un d’eux avait une carte de séjour valide, plusieurs voulaient rentrer. D’autres, parmi les Tunisiens, avaient refusé l’offre de retour volontaire. La peur sans doute de rentrer au pays, mais surtout l'effet d'une douche froide: la baisse drastique du montant de l’ARV vers la Tunisie, passée en juin de 2000 à tout juste 300€.

"Une mesure irresponsable", pour l’association France-Terre d’Asile, qui s’occupe du droit des migrants arrivés dans l’hexagone. Selon son Directeur Général Pierre Henry, il s’agit non seulement d’une décision illégale, mais aussi totalement contre-productive: “Le gouvernement a justifié cette mesure par les réductions budgétaires, mais aussi le risque d’appel d’air, qui entrainerait l’arrivée de nouveaux migrants venus de Tunisie. C’est ridicule! Personne ne vend ce qu’il possède et risque sa vie pour si peu d'argent.” A 300€, la prime au retour devient presque dérisoire au regard de la rançon versée à un passeur pour traverser la méditerranée: entre 1000 et 1200€.

Un exil temporaire

Dès le mois de juillet, la mairie de Paris a réagi en complétant l’aide de l’Ofii par une enveloppe de 700 euros, versée à chaque Tunisien bénéficiaire de l’aide au retour. Mais l’offre, limitée à une centaine de dossier, est rapidement épuisée. Ceux qui restent sont dans l’impasse. “Même si le calcul est difficile, on peut estimer que sur les vingt-trois mille arrivés à Lampedusa, huit mille sont passés en France, dont la moitié sont en région parisienne. Et je pense qu’il sont entre un quart et un tiers à vouloir rentrer immédiatement, si on compense les frais de leur voyage ”, selon Pierre Henry. Mille personnes, peut-être un peu plus: un chiffre à comparer aux quatre mille retours volontaires accordés par l’Ofii en 2010, principalement à des Afghans et des Irakiens.
L’autre face du drame de Pantin réside dans ces chiffres : on a privé les réfugiés tunisiens d’une aide au retour de plein droit, alors qu’ils sont arrivés en grande majorité en avril-mai, dans la peur de l’après-révolution. Un exil temporaire, comme le confirme l'association Le Refuge:”Chez les anciens du squat, presque tous veulent repartir, même les Tunisiens.” Aujourd’hui logés dans le stade de Pantin par la mairie, les seize rescapés du squat attendent que l’Ofii s’occupe de leur dossier en priorité. En militant pour un meilleur fonctionnement de l’ARV, France-Terre d’Asile est parfois critiquée par les autres associations d’aide aux migrants, qui y voient une manière pour le gouvenement de gonfler les chiffres des expulsions.

Un argument insuffisant, pour Pierre Henry:”Je n’ai pas de problème avec l’aide au retour. Alors on me dit parfois que je suis l’idiot utile. Vaut-il mieux être l’idiot ou le criminel? Le maintien dans la précarité de ces gens, sans solutions de retour, c’est une erreur dramatique et dangereuse du ministère de l’intérieur. Il faut à la fois un dispositif d’accueil temporaire digne, et une aide au retour volontaire efficace.” Le squat de Pantin est l’expression de ces deux manques.

04/10/2011, Matthieu Balu

Source : La Vie.be

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