Il y a les chiffres, bruts, qui paraissent sans appel: entre 2006 et 2011, la part des étrangers parmi les mis en cause pour atteintes aux biens (vols et cambriolages) par la police ou la gendarmerie est passée de 12,8% à 17,3%. Cela représente environ 12000 mis en cause de plus en 2011 (52751 au total) par rapport à 2006. Ces statistiques sont issues du dernier “Grand Angle” de l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), publié mercredi 15 février, et consacré aux “Français et étrangers mis en cause par la police et la gendarmerie”.
Et puis il y a les précautions d’usage, peut-être encore plus nombreuses qu’à l’habitude. C’est que le sujet est sensible, et que l’étude a été médiatisée par le ministre de l’intérieur lui même. En décembre 2011, Claude Guéant avait annoncé la publication pour janvier de ce travail attendu de longue date par les spécialistes. Las, vu la complexité du sujet, l’ONDRP n’a pas accéléré le pas, mais il l’a un peu ralenti sur le finish, puisqu’il a attendu le retour du ministre en déplacement aux Antilles, pour sortir son travail.
Car pour la première fois, l'Observatoire publie également la répartition des mis en cause par nationalité. Pour cela, il a recoupé les données de l’état 4001, la base statistique du ministère de l’intérieur, et les données issues des fichiers de police et de gendarmerie. Le résultat va dans le sens de M. Guéant: le nombre de mis en cause venus de Roumanie a très fortement augmenté entre 2008 et 2010 (+144,5% pour les vols sans violences, +168,1% pour les vols avec effraction et +153% pour les vols à la tire dans la zone police). Logiquement, leur part a donc doublé pour les vols, de 2,8% à 5,5%, pour atteindre 9329 mis en cause par la police. Plus généralement, le nombre d’étrangers s’est fortement accru pour les cambriolages (+73,9%), les vols à la tire (+130,4%) et les vols à l’étalage (+39,3%).
PRÉCAUTIONS
Mais l’ONDRP assortit son constat de précautions exposées minutieusement. Pour commencer, il faut résister à la tentation de vouloir comparer la population des mis en cause avec la population générale: ainsi les étrangers, qui ne constituent que 5,8% de la population en France, seraient surreprésentés parmi les délinquants. Sauf que, parmi les mis en cause, il y a des “doubles comptes”, c’est à dire la même personne, mais interpellée plusieurs fois (ce qui n’est pas rare pour les petits vols dont il est question), et que parmi les mis en cause, il y a des personnes qui ne rentrent pas dans le recensement de l’Insee, sans-papiers, mais aussi résidents à l’étranger, tout simplement. “On ne peut pas comparer (la part des étrangers) au sein des mis en cause à la part des étrangers au sein de la population de la France”, conclut l’étude.
Ensuite, le “mise en cause” n’est pas l’auteur du délit, mais le suspect interpellé par les services de police ou de gendarmerie. Or l’ONDRP estime que moins de 40% des vols et tentatives font l’objet d’une plainte et, une fois la plainte déposée, seuls 15% d’entre eux sont élucidés. Conclusion: “La population formée par les personnes mises en cause pour vols par la police ou la gendarmerie n’est pas nécessairement représentative de celle de la population d’auteurs.” Il s’agit de ceux qui se laissent attraper.
L’Observatoire reconnaît enfin qu’il peut “exister un effet grossissant qui ferait qu’une population jouant un rôle croissant parmi les auteurs de vols apparaîtrait d’autant plus fortement parmi les mis en cause que la police et la gendarmerie auraient concentré sur elle leur action d’élucidation”. Ce que Christian Mouhanna, sociologue et directeur-adjoint du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), appelle “une prophétie autoréalisatrice”: “Si le ministre insiste sur un certain type de délinquance, l’institution va produire plus de chiffre sur cette délinquance.” Difficile de ne pas penser, effectivement, à l’accent mis sur la délinquance des mineurs roumains, quand on constate que de 844 jeunes filles étrangères de 13 à 15 ans mises en cause pour vol par la police en 2008, on est passé à 2311 en 2010.
Christophe Soullez, de l’ONDRP, préfère parler d’un “ciblage lié aux constatations faites par les policiers et les gendarmes dans leur pratique professionnelle”. Il viendrait “se conjuguer avec la réalité d’une proportion de plus en plus importante d’auteurs étrangers”. “Parmi les facteurs pouvant amplifier le phénomène, on peut citer le cas des vols dont les mis en cause sont le plus souvent identifiés en situation de flagrance, comme les vols à l’étalage ou les vols à la tire. Pour ceux-ci, un ciblage de certaines populations d’auteurs peut avoir un fort impact sur leur part au sein des mis en cause”, explique l’étude. Toutefois, face à une évolution des mis en cause “de forte intensité s’étant déroulée sur un temps court, on peut faire l’hypothèse qu’elle fait écho à une évolution qui a concerné les auteurs”, relève l’ONDRP.
Quoiqu’il en soit, la proposition de loi du député UMP Jean-Paul Garraud, impulsée par le ministre en décembre 2011, qui durcit la peine complémentaire d’interdiction du territoire, poursuit son bonhomme de chemin. Elle doit être examinée le 1er mars, sans grande chance d’aboutir avant la fin de la session parlementaire, le 7.
15/2/2012
Source : Le Monde
Etudiants étrangers : la nouvelle circulaire Guéant, "un coup de bluff"
Selon Fatma Chouaieb, porte-parole du Collectif du 31 mai, la nou¬velle cir¬cu¬laire Guéant n'a rien changé à la situa¬tion des étudiants étran¬gers sou¬hai¬tant tra¬vailler en France.
La nou¬velle cir¬cu¬laire Guéant enca¬drant les moda¬li¬tés d'emploi des étudiants étran¬gers en France, n'a "abso¬lu¬ment pas" amélioré la situa¬tion, selon Fatma Chouaieb, porte-parole du Collectif du 31 mai. En effet, si la nou¬velle ver¬sion de la cir¬cu¬laire a été com¬mu¬ni¬quée le 12 jan¬vier, sa publi¬ca¬tion offi¬cielle sur le site du minis¬tère de l'Intérieur est beau-coup plus récente.
"Dans les pré¬fec¬tures de région et de dépar¬te¬ment, la situa¬tion n'a pas changé, dénonce Fatma Chouaieb. Les étudiants qui s'y pré¬sentent se voient répondre qu'aucun nou¬veau texte n'a été reçu et que les ser¬vices sont « dans l'attente »."
Même à Paris, où un canal spé¬cial pour les étudiants étran¬gers a été ouvert, les dis¬po¬si¬tions de la nou¬velle cir¬cu¬laire Guéant ne sont pas appli¬quées. Fatma Chouaieb cite notam¬ment l'examen par les pré¬fets du "lieu des études secon-daires de l'étudiant", de la "maî¬trise d'une langue" ou de "la connais¬sance d'une culture", pour déli¬vrer les visas de travail.
Selon la jeune fille, les res¬pon¬sables des rela¬tions inter¬na¬tio¬nales dans les écoles, les uni¬ver¬si¬tés et les pré¬pas se font "beau¬coup de souci" quant aux retom¬bées. En effet, "les ins¬crip¬tions baissent for¬te¬ment, notam¬ment en ce qui concerne les Chinois et les Marocains".
"Le gou¬ver¬ne¬ment a joué sur un énorme effet de com¬mu¬ni¬ca¬tion, qui a très bien réussi puisqu'on ne parle plus du tout de la ques¬tion des étudiants étran¬gers. C'est un coup de bluff ! dénonce Fatma Chouaieb. Au Collectif, nous avions eu une lueur d'espoir avec la seconde cir¬cu¬laire [...], mais sur le ter¬rain, elle n'a pas été sui¬vie d'effets. [...]Il faut reti¬rer cette cir¬cu¬laire Guéant [...] et don¬ner des ins¬truc¬tions bien plus pré¬cises et urgentes aux préfets".
14/2/2012
Source :Vousnousils/AEF
A moins de trois mois de la présidentielle, le gouvernement a imposé de nouvelles conditions d'obtention de la nationalité. Une manière de remettre l'immigration au centre du jeu.
Le 30 janvier, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a signé le décret «relatif au niveau et à l’évaluation de la connaissance de l’histoire, de la culture et de la société française requis des postulants à la nationalité française». A deux mois des élections présidentielles, ce décret a des relents d'«identité nationale» version 2007.
On s’en souvient: le candidat Nicolas Sarkozy avait fait de ce thème et de la création du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale l’un des piliers de son programme. Cinq ans plus tard, le durcissement des conditions d’accès à la nationalité doit venir renforcer l’image du candidat (pas encore déclaré) à sa propre succession. De quoi rassurer ses électeurs et, surtout, courtiser ceux du Front national.
Une évaluation de «l’assimilation»
Pour les ressortissants étrangers souhaitant obtenir la nationalité française, ce décret, qui fait suite à ce qu’annonçait déjà la loi votée en juin 2011, introduit des conditions inédites.
D’une part, ils devront attester de leur niveau de connaissance de la langue française. Jusqu’ici, un entretien oral avec un fonctionnaire permettait d’évaluer le niveau de français; désormais, il faudra prouver que l’on possède au moins le niveau B1 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Le demandeur devra donc présenter un diplôme ou, s’il n’en a pas, obtenir une attestation auprès d’un des organismes «reconnus par l’Etat comme aptes à assurer une formation labellisée "français langue d’intégration"». Cette exigence introduit donc une nouveauté de taille, qui vient s’ajouter aux autres exigences déjà en vigueur: pour obtenir la nationalité française, il faudrait désormais être diplômé!
Par ailleurs, il devra «justifier d’une connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises» équivalente au niveau d’un élève sortant de l’école primaire. Au cours d’un entretien individuel, le demandeur se verra donc administrer un questionnaire à choix multiple.
Les châteaux de la Loire et Michel Platini
Les questions, qui auraient été élaborées par un groupe d’historiens et testées auprès de 2.000 demandeurs, abordent un florilège de personnalités, de symboles et de lieux de l’histoire de France, de Jeanne d’Arc à Jean Moulin en passant par Edith Piaf et Brigitte Bardot, des châteaux de la Loire à la grotte de Lascaux, sans oublier laMarseillaise, le droit de vote des femmes ou l’empire colonial français. Ce pot-pourri suppose même qu’un futur Français doit savoir que Michel Platini (dont le nom apparaît dans au moins deux questions) ne jouait pas du violon ou que la Grande Mosquée de Paris n’a pas été inaugurée «l’année dernière»!
Par ces exigences, on cherche donc à mesurer l’assimilation des demandeurs de la nationalité française, que le niveau de langue française et de connaissances sur la France est censé révéler. Sociologue au CNRS, Evelyne Ribert[1] s’étonne que des élèves de CM2 puissent être capables de répondre correctement à ces questions. Et pense que ces nouvelles exigences«défavorisent les étrangers qui viennent des milieux les plus pauvres, qui n’ont pas ou peu été scolarisés, voire qui ne savent pas lire. Est-ce qu’être Français, c’est être capable d’égrener quelques connaissances historiques?»
Selon elle, avec cette nouvelle charge contre la naturalisation, «on renforce la frontière qui existerait entre les Français de naissance et les Français par acquisition, toujours susceptibles de n’être pas suffisamment assimilés, d’avoir demandé la nationalité pour des raisons instrumentales». Elle s’inquiète des conséquences négatives de cette politique, car «les intéressés ne peuvent que percevoir cette suspicion. Ils risquent de se sentir rejetés, alors qu’il faudrait au contraire leur montrer qu’on se réjouit du fait qu’ils deviennent nos concitoyens. C’est ainsi qu’on peut favoriser "l’intégration"».
Des conditions de plus en plus exigeantes
Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, les conditions à remplir pour les candidats à la nationalité française n’ont cessé de devenir de plus en plus exigeantes. C’est déjà lui qui, alors ministre de l’Intérieur, a introduit en 2003 l’évaluation en préfecture de «l’assimilation à la communauté française» pour les demandes de naturalisation, une assimilation vérifiée au cours d’un entretien.
En 2006-2007, il a fait de «l’identité nationale»un thème-clé de sa campagne pour l’élection présidentielle. Une fois élu, il a créé le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale —un échec—, a envisagé de déchoir de la nationalité les auteurs de certains crimes, a remis en cause la double nationalité et apporté plusieurs modifications aux lois touchant à l’immigration et à la nationalité, témoignant d’un changement d’appréciation quant au rôle de l’accès à la nationalité. Auparavant, devenir Français devait participer à l’intégration des étrangers. Désormais, il faut d’abord prouver son intégration pour mériter la nationalité et, donc, la citoyenneté.
Le mois dernier, Claude Guéant s’est empressé d’annoncer ses «bons chiffres» de l’immigration en 2011, parmi lesquels une baisse des naturalisations de 30% par rapport à 2010. Une annonce qui avait de quoi surprendre, puisque 2011 était à peine clos et qu’on ne connaissait pas encore les statistiques de 2010! Dans son édition datée du 10 février, Le Monde s’en est étonné et a montré que les naturalisations avaient augmenté de 7,5% entre 2009 et 2010: pas étonnant, donc, que Guéant ait préféré mettre plutôt en avant les résultats de 2011, et ne rien dire de ceux de 2010.
La présidentielle en vue
Avec la publication du décret n° 2012-126 et l’annonce des chiffres de 2011 par le ministre, est-il surprenant de voir ressurgir un sujet lié à l’immigration et à l’appartenance nationale à deux mois de l’élection présidentielle? Pas vraiment, puisque l’on constate que, si Nicolas Sarkozy n’est pas encore officiellement candidat, il est déjà passé à l’action. Et pour faire le plein de voix, le président-candidat, loin d’être assuré de sa réélection, ne se privera pas d’une méthode qui, par le passé, a fait ses preuves: celle de courtiser, sur sa droite, les électeurs du Front National.
En 2002, Jean-Marie Le Pen avait atteint le second tour de l’élection présidentielle, fort de presque 17% des voix au premier tour. En 2007, il était retombé à 10,44%: la récupération par le candidat Sarkozy des thèmes liés à la sécurité et à l’immigration avait privé le chef du FN de son terrain préféré.
En 2012, on assiste à un retour en force du FN, avec Marine Le Pen installée en troisième position dans les intentions de vote. La stratégie de l’équipe du président semble donc claire: il ne faut pas baisser la garde sur les questions liées à l’identité nationale, qui, dans un contexte de crise économique, ne devraient pourtant logiquement pas occuper une place centrale dans la campagne. En témoigne la récente sortie de Claude Guéant –encore lui– sur les«civilisations».
Et face aux sarkozystes, les réactions se font plutôt discrètes sur les nouvelles exigences touchant les naturalisations. Alors que, côté FN, Marine Le Pen souhaite supprimer le droit du sol et revoir le droit de la nationalité dans sa totalité, au PS, François Hollande se montre aussi flou sur le sujet que sur son utilisation du concept «d’immigration intelligente». On sait juste que pour Mireille Le Corre, chargée des questions d’immigration dans son équipe, elles«traduisent un processus d’intégration réussi».
Chez l’ensemble des autres candidats, cette question n’apparaît pas comme un thème prioritaire face à un Nicolas Sarkozy qui sait qu’à l’UMP et plus à droite encore, ses nouvelles propositions, centrées sur un retour aux«valeurs», devraient séduire un électorat pour qui l’immigration est considérée comme un problème.
14/2/2012, Bruno Tur
Source : Slate.fr
Avec la pétition "On est chez nous", plusieurs personnalités issues de l'immigration, comme Yannick Noah ou Sophia Aram, proclament haut et fort leur nationalité française.
La pétition "On est chez nous", publiée vendredi 10 février sur onestcheznous.fr, relaie l'appel de Français "héritiers de l'immigration" qui sont lassés de répéter qu'ils sont "Français au même titre que n'importe quel autre Français". "Le Nouvel Observateur" a interrogé Baya Kasmi, scénariste à l'origine du projet.
Comment est née cette initiative?
- Ca fait quelques années que je voulais exprimer cette idée. J'ai rencontré beaucoup de gens qui, comme moi, en ont marre d'être considérés comme des immigrés et pas comme des Français à part entière. La pétition a été lancée la semaine dernière. Les premiers signataires, Sophia Aram, Rosa Moussaoui, Yannick Noah et d'autres ont complété la première version. Donc on peut dire que c'est un ouvrage collectif, fruit d'une dizaine de personnalités venant d'horizons différents.
Quel est l'objectif de la pétition "On est chez nous"?
- L'idée est de lutter contre la xénophobie, en n'apportant pas une réponse communautaire à l'anglo-saxonne mais une réponse plus large, plus globale. Nous sommes des enfants issus de l'immigration qui ont grandi dans l'idéal républicain de 1789 "liberté-égalité-fraternité". On croit à cette devise, maintenant il faudrait qu'elle soit appliquée.
Nous sommes nombreux à avoir été choqués par la politique actuelle d'exclusion et de stigmatisation. Nous sommes Français, nous avons notre carte d'électeur et non, nous ne faisons pas partie de communautés séparées. Nous sommes donc des citoyens comme les autres et nous avons envie de construire notre destin commun. Il est très important que nous fassions partie intégrante de la vie sociale et politique française.
Pourquoi publier cette pétition en pleine campagne présidentielle?
- La politique de l'actuel gouvernement n'a fait que renforcé mon envie de lancer cet appel, notamment ces derniers jours avec les propos de Claude Guéant sur les civilisations. Le message est politique, mais la pétition ne soutient pas de candidat précis. Elle est apolitique et peut être signée par des gens de gauche comme de droite.
Et si Nicolas Sarkozy signait la pétition?
- J'espère qu'il le fera! Je l'y invite. S'il signe, je lui dirais bravo mais il faudrait alors s'engager à ne pas mener la politique qu'il a conduite pendant cinq ans. De manière plus générale, si les différents candidats pouvaient entendre notre message, ce serait évidemment positif et on ne sera pas contre. Cela dit, nous avons envie d'une mobilisation citoyenne plus large, qui rassemble au-delà de la politique. Nous avons besoin de nous rassembler pour faire peser nos idées.
14/2/2012, Benjamin Roger
Source : Le Nouvel Observateur
Philippe Faucon a trouvé un terme terrible pour nommer les maux des enfants désormais grands de l’immigration maghrébine en France : la «désintégration». Le cinéaste avait beaucoup de choses à dire sur le sujet : discrimination, humiliations, racisme, chômage, précarité, replis identitaires… Il a voulu tout faire tenir en un film, une histoire, un propos. Impossible ambition qui ne pouvait mener qu’à d’inévitables raccourcis. Il a choisi celui-ci : en refusant l’intégration à ses enfants, la France crée des apprentis terroristes islamistes.
Mécréants.La Désintégration résume le parcours d’Ali (Rashid Debbouze, frère de Jamel), fils d’immigrés tunisiens installés dans la région lilloise. La mère s’épuise à faire des ménages dans un hôtel. Le père achève une vie sacrifiée au labeur, malade dans une chambre d’hôpital. Le grand frère, qui semble affranchi du quartier, est amoureux d’une Louise et mange du porc. La jolie sœur paraît bien dans ses pompes. Ali aussi, jusqu’au jour où, cherchant un stage, il se prend en pleine face le mur de la discrimination à l’embauche. Les choses semblent ensuite s’enchaîner vite. Trop vite.
Philippe Faucon ne situe pas son histoire dans une échelle de temps (pas le temps, trop à dire). Donnant l’impression d’une mue quasi instantanée où le jeune homme passe du personnage de l’étudiant sympathique porteur des vertus de l’ascension sociale méritocratique à celui de jihadiste sans pitié prêt à mourir contre l’Occident oppresseur. Les ressorts de la mue sont énumérés plus que disséqués.
Catalogue feuilleté du bout des doigts des ratés de l’intégration française : Ali ne trouve pas de stage (donc) ; Ali se rabat sur un boulot de magasinier auquel ses études ne l’avaient pas destiné ; Ali va à la mosquée (ou plutôt devant, faute de place), il y rencontre un séduisant prêcheur-recruteur, Jamel (Yassine Azzouz), qui lui ouvre les yeux sur les vrais responsables de ses problèmes : les mécréants et, plus largement, cette France qui le rejette en tant que musulman et Arabe. Jamel a recruté deux autres âmes en peine. Nasser, qui a dû fuir son quartier après avoir cassé la figure à un type qui traitait des enfants de «sales Arabes». Et Hamza, un converti dont, bizarrement, on ne saura rien.
Carcan. A vouloir forcer le message, le cinéaste réalise un film-exposé où la figure imposée de la démonstration systématique ne laisse de place ni à la nuance ni à l’émotion. Et même très peu à la narration, qui jamais ne doute, se perd ou respire. Chaque plan, chaque geste, chaque mot surligne un problème. Dans ce carcan, les comédiens ont peu de marge de manœuvre. Le taiseux Ali et le volubile Jamel enchaînent les droits au but. Rien n’est faux, et pourtant tout sonne faux. L’histoire de la Désintégration rappelle celles des Zacarias Moussaoui ou Mourad Benchellali, jeunes Français enrôlés par Al-Qaeda au tournant du siècle. C’était il y a dix ans. Et c’est peut-être en cela que réside le décalage du film avec la réalité. Depuis cette époque, les jihadistes ont perdu dans les cités le monopole de la colère d’une jeunesse tenue dans les marges.
15/2/2012, Alice Géraud
Source : Libération
On soupçonnait la récente sortie de Claude Guéant sur l'inégalité des civilisations, avec l'islam en ligne de mire, de servir quelque dessein électoraliste. Erreur. Elle fait en réalité campagne pour une autre sortie, cinématographique celle-ci, qui lui répond de manière circonstanciée, quand bien même le film était dans la boîte avant que le ministre de l'intérieur n'en sorte. La Désintégration, de Philippe Faucon, est une chronique fictionnelle de haute tenue sur la montée de l'islam fondamentaliste parmi les jeunes des cités. Elle pointe, sous le malaise caractérisé des banlieues, le malaise diffus d'une République dont témoignent aujourd'hui les propos d'un de ses plus hauts représentants.
La chose est entendue dès la séquence d'ouverture du film, qui apporte à l'un des arguments de ce discours - l'inadéquation des rassemblements religieux musulmans dans l'espace public d'un Etat laïc - une réponse d'un solide pragmatisme. C'est un plan, effectivement violent pour toute conscience laïque, d'une foule en prière occupant l'espace vert d'une cité de la banlieue lilloise. Mais le voici immédiatement tempéré par le discours empreint de tolérance de l'imam, qui précise au passage que la raison de cette occupation de terrain est liée à l'exiguïté du local consacré à l'exercice du culte.
Cette séquence a le mérite de montrer, d'une part, que l'argumentaire du ministre de l'intérieur est incomplet, d'autre part qu'il s'autorise de cette lacune pour asseoir un jugement qui se révélerait, autrement, bancal. Car la raison de cette assemblée sur une place publique ne tient pas à sa volonté de mettre à feu et à sang la République, mais au fait que son lieu de prière ne peut contenir tous les fidèles qui souhaitent s'y rassembler.
Partir de ce postulat permet au film, qui ne pèche pas par angélisme, de poser de manière plus convaincante les questions qui s'imposent. Pourquoi un tel regain de l'islam sur le sol républicain ? Pourquoi, en son sein, cette montée en puissance du fondamentalisme qui l'instrumentalise à des fins politiques ? Pourquoi, enfin, de jeunes gens issus des banlieues, de nationalité française, répondent à l'appel de ces sirènes ? On connaît évidemment, sinon la réponse définitive, du moins la part prépondérante de l'engrenage. Le politologue et spécialiste de l'islam, Gilles Kepel, la rappelle dans un remarquable texte de réaction aux propos du ministre ("Une polémique qui cache la question sociale", Le Monde du 7 février) : elle a pour noms chômage, pauvreté, humiliation, discrimination sociale et ethnique, trahison des idéaux républicains. Autant de maux qui encouragent le repli identitaire et font le lit de l'extrémisme.
Tel est le délicat sujet du bien nommé La Désintégration, qui parvient à s'extirper, l'exploit n'est pas mince, aussi bien de la pesanteur du film à dossier que du sensationnalisme facile. Le film suit, simplement, ce moment de la vie de trois jeunes gens où pour eux tout bascule, de manière irrévocable. Trois amis d'une vingtaine d'années, Nico, Nasser et Ali, qui, parce qu'ils pensent reconquérir par la violence et le sacrifice une dignité qu'on leur refuse, se font les instruments d'une force qui les anéantit. Cette force a un visage, une voix, un nom : Djamel. C'est un recruteur de la cause du djihad. Blouson de cuir et barbe naissante, plus âgé que ses victimes mais encore jeune, il traîne dans la cité à l'affût des paumés, des blessés de la vie, des enragés, de tous ceux qui, arrêtés au bord du chemin, lui semblent prêts à tout abandonner.
Le personnage est brossé avec subtilité. Moderne, doucereux, technicien de la duplicité, doté d'un savoir coranique qui en impose et d'une expertise politique qui enflamme les coeurs, il sait verser du vinaigre sur les plaies ouvertes de l'échec républicain et répandre le miel des promesses de la reconquête islamique. Ses formules font mal, ses mots font mouche, son métier est d'instiller la haine, le mépris de l'autre comme l'oubli de soi-même. Concrètement, il lève une armée de martyrs. Plus concrètement encore, il destine les trois jeunes qu'il a levés, puis endoctrinés, puis formés, à un attentat-suicide qui vise le siège de l'OTAN à Bruxelles. Philippe Faucon, qui a l'excellente idée de le faire parler à voix basse, dresse en un mot à travers lui la figure du Tentateur.
Ses trois victimes ont un statut inégal dans le film. Nasser, petit boxeur à sang chaud et à casier judiciaire, vient de casser la tête à un raciste et se planque. Nico-Hamza est un petit Blanc en perdition, chauffé au rouge par le radicalisme islamiste. Ces deux-là tombent tout cuits dans l'escarcelle du suborneur. Ali, c'est une autre histoire. Bac pro en mécanique, frère et soeurs intégrés, mère aimante, incarnation d'un traditionaliste à visage humain. Seulement voilà : le père est en train de mourir d'exténuation à l'hôpital, la mère se brise doucement sous le fardeau des ménages, et lui-même se voit systématiquement refuser toutes ses demandes de stage.
Aucune ségrégation formulée, aucune agression caractérisée, juste le scandale diffus d'une exclusion inavouée, qui ne s'en perpétue pas moins de génération en génération. La force du film tient dans la rapidité, entachée d'invraisemblance, avec laquelle Ali se transforme de jeune homme avenant en robot programmé pour la destruction. Le scandale de cette métamorphose est la condition nécessaire à la prise de conscience par le spectateur du scandale implicite qui la conditionne. Tout cela, droitement interprété par des acteurs professionnels et des amateurs, est filmé à hauteur d'homme avec un réalisme épuré, une justesse d'évocation, une manière remarquable d'aller, sans faiblir ni tricher, au bout de son propos. Par-delà les feux de l'actualité, on peut espérer que le film amène à Philippe Faucon, auteur discret, âpre et sensible à la fois, qui filme depuis vingt ans les territoires en friche de la nation et du cinéma français, la juste reconnaissance due à son talent.
14/2/2012, Jacques Mandelbaum
Source : Le Monde
Le gouvernement mexicain s'apprête à défendre, mardi et mercredi à Genève, le bilan de sa politique en matière de lutte contre la discrimination visant sa population indigène et les migrants clandestins en territoire mexicain, a indiqué lundi une source officielle.
Le Mexique a été invité par le comité de l'Onu pour l'élimination de la discrimination raciale à expliquer les avancées et les défis de sa politique dans ce domaine, a indiqué un communiqué du ministère des Affaires Etrangères.
Un des principaux instruments, dont les travaux seront exposés devant le comité de l'ONU, est le Conseil mexicain pour la prévention de la discrimination (CONAPED) qui veille à l'accomplissement de toutes les mesures visant à défendre les peuples indigènes, les populations d'origine africaine ou afro-descendants et les migrants clandestins entre autres.
La même source rappelle l'adoption récente d'amendements à la constitution mexicaine visant à consolider la politique de prévention de la discrimination, ajoutant que le budget consacré à la promotion de la situation de la population indigène est passé de 2,2 milliards de dollars à 5,2 milliards entre 2007 et 2012.
En matière migratoire, le ministère a notamment souligné la dépénalisation de la migration clandestine en 2011.
Le Mexique est membre de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination depuis 1975. Il a soumis depuis 11 rapports au comité contre la discrimination raciale.
Amnesty international avait épinglé récemment le Mexique quant à la discrimination dont sont victimes les indigènes et les migrants clandestins dans ce pays, notant que les responsables de ces actes discriminatoires sont très rarement inquiétés par la justice mexicaine.
l'ONG a notamment souligné que les enfants et les femmes migrants sont particulièrement vulnérables sur le territoire mexicain.
On estime à environ 10 millions de personnes le nombre d'indigènes mexicains, qui sont les descendants directs des habitants préhispaniques de ce pays. Ils vivent, dans leur immense majorité, dans des conditions de pauvreté extrême et de marginalisation.
14/02/2012
Source : MAPF
Deux cent quarante immigrés ont adhéré en 2011 au plan retour volontaire, lancé en 2006 par la Catalogne avec le soutien de l'Organisation internationale des migrations (OIM) en vue d'encourager les étrangers en situation de vulnérabilité sociale à rentrer chez eux en échange d'une aide financière, a annoncé, lundi, une source officielle catalane.
En 2011, la Catalogne a reçu un total de 327 demandes, mais en raison de l'épuisement des crédits alloués à cette opération, seuls 240 immigrés ont pu rentrer chez eux, a indiqué la Direction générale pour l'immigration relevant du département catalan du Bien-être social.
Ce chiffre représente toutefois une hausse de 42 pc du nombre d'expatriés ayant regagné leur pays d'origine par rapport à 2010, a précisé la même source dans un communiqué, notant que cette opération a bénéficié uniquement aux immigrés, âgés de 18 à 64 ans, issus des pays d'Amérique du Sud.
Les ressortissants maghrébins (Maroc, Algérie et Tunisie) ont été exclus de cette opération en raison de la proximité géographique de leurs pays respectifs avec la Catalogne, a indiqué la Direction générale pour l'immigration, précisant que 250.000 euros ont été alloués en 2011 au plan retour volontaire.
Les immigrés qui acceptent de rentrer définitivement chez eux bénéficient gratuitement du billet d'avion et d'une aide financière à hauteur de 1.000 euros.
La Catalogne (7,5 millions d'habitants) est confrontée à une crise économique et financière sans précédent. Elle a achevé l'année 2011 avec un taux de chô mage record de 20,5 pc.
13/02/2012
Source : MAPF